80 ans de la Libération. “Quelqu’un a amené un tourne-disque devant l’église et tout le monde s’est mis à chanter et danser”
|Le château de Latour-sur-Sorgues abrita des résistants.
Alors que la libération de Millau date du 22 août 1944, à Latour sur Sorgue, Fondamente, Saint-Maurice de Sorgue, Cornus et Le Clapier, ils étaient enfants et se souviennent de ces jours d'août 1944 qui virent,enfin, l'étau de la guerre se desserrer.
C’est dans le Château de Latour sur Sorgue, où son père était agriculteur, que Jeannette Sobie, 11 ans en août 1944, apprend que la guerre est finie. "On l’a su par la TSF. Elle disait aussi que De Gaulle avait pris le pouvoir" confie-t-elle. "Quelqu’un a amené un tourne-disque devant l’église et tout le monde s’est mis à chanter et danser…" Jeannette se souvient que les résistants du maquis de Freychet se cachaient dans la montagne en face et venaient se ravitailler chez elle.
Jeanette Sobie se souvient de l’annonce de la Libération, entendue à la TSF et partagée par tout le village.
A Saint-Maurice-de-Sorgues, Robert Bessière avait 14 ans. Avec son frère Rémy, ils labouraient dans un champ avec les bœufs quand un voisin leur a annoncé la nouvelle. A la ferme de Canabols où ils vivaient, les gens ont sorti une croix de Lorraine et même certains une faucille et un marteau ! Les maquisards basés ici se sont réunis sur la place de Saint-Maurice avec les habitants du bourg. Bien que tout jeune, il se souvient que quelques jours avant, il avait vu un parachutage sur le Plo d’Amoure. Mais son souvenir le plus fort reste l’arrestation d’un maquisard par la milice. Lequel a réussi à s’évader par la fenêtre des toilettes. Robert précise : "Ils lui ont tiré dessus mais il a réussi à s’échapper".
A Saint-Maurice-de-Sorgues, Robert se souvient de l’arrestation d’un maquisard par la milice, qui réussit à s”évader !
Au Clapier, Noël Privat avait 10 ans. Ses parents agriculteurs habitaient le château du village. Il se souvient surtout de la grande fête et du bal qui a suivi dans la cour de l’école. "Pascal René de l’Arbussel était venu avec sa clarinette, Robert Abbal de Saint-André avec son accordéon et son frère un jas (tambour), ce fut la fête toute la nuit !"
Au Clapier, Noël Privat se souvient des musiciens et d’une fête qui dura toute la nuit…
A Fondamente, Gérard Ayot, 7 ans, alors à la communale, se rappelle surtout que tous les habitants avaient accroché un drapeau français aux fenêtres. Quant à Jean-Louis Caumes, il n’était pas encore né ! Mais on lui a raconté dans la famille que son papa Marcel, emblématique boulanger du village qui n’a jamais arrêté de pétrir, faisait les tournées de pain avec un gazogène à bois. Sur le plateau du Guilhaumard, il fournissait un groupe de maquisards : "Un repère de couleur dans les arbres lui indiquait s’il y avait danger ou non… " Et d’ajouter : "Les Allemands sont souvent venus pour réquisitionner des sacs de farine !"
A Fondamente, Gérard Ayot se rappelle des drapeaux aux fenêtres.
A Cornus, Hélène Sagnes (8 ans) et Colette Coste (7 ans) relatent le même souvenir émouvant. Maximilien Viala, dit Max, était marchand de vin sur le quai. Il a sorti une barrique entière pour fêter l’évènement. "Tout le monde chantait, tout le monde s’embrassait… " concluent-elles.
A Cornus, Colette Coste se souvient de la joie des habitants, et du vin partagé pour fêter la Libération.
"Tu ne dis rien sinon les Allemands tueront papa"
Mais tous ces témoins, même très jeunes, se souviennent du climat de défiance envers l’entourage qui avait régné pendant les hostilités. Chacun se méfiait de son voisin, surtout ceux qui pactisaient avec les résistants. Jeannette est encore parcourue d’un frisson quand elle raconte que sa mère lui disait: "Au moins tu ne dis rien à personne, sinon les Allemands tueront papa !" et elle avoue qu'"aujourd’hui, à 80 ans passés, ses mots résonnent encore dans ma tête… "
Ils évoquent aussi ce qu’il faut bien appeler la chasse aux sorcières qui a suivi. Les dénonciations de miliciens et de collabos, mais également les règlements de comptes pour des rancoeurs personnelles antérieures au conflit !
Sont aussi mentionnés ceux du front, revenus seulement quelques mois plus tard ainsi que les prisonniers. "Ils étaient cinq au Clapier, dit Noël, qui ne sont revenus qu’en novembre". Ils ont, bien sûr, une pensée émue pour ceux, trop nombreux hélas, malheureusement tombés au champ d’honneur, comme il est écrit sur les monuments des villages.
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