Nouvelle-Calédonie : “Christian Tein se considère comme un déporté” affirme Me Florian Medico, son avocat à Montpellier

Nouvelle-Calédonie : "Christian Tein se considère comme un déporté" affirme Me Florian Medico, son avocat à Montpellier

Me Florian Medico, du barreau de Montpellier : “Il est très difficile d’organiser sa défense dans ces conditions.” Midi Libre – FRANCOIS BARRERE

INFO MIDI LIBRE. Le leader kanak, chef de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), soupçonnée par la justice d’être l’instigatrice des troubles qui ont fait neuf morts, dont deux gendarmes en Nouvelle-Calédonie depuis la mi-mai, est incarcéré à Mulhouse. Me Florian Medico, du barreau de Montpellier, qui assure sa défense avec Me François Roux et Me Pierre Ortet à Nouméa a pu longuement s’entretenir avec lui ce week-end.

Quel est l’état d’esprit de Christian Tein, deux semaines après son transfert en métropole et son incarcération à Mulhouse ?

Je l’ai eu au téléphone vendredi et dimanche. Il est très humble et lucide face à la situation. Humble parce qu’il est habité par ce combat qu’il porte depuis plus de vingt ans pour sa communauté, parce qu’il est attaché à sa terre, et que ce combat est prioritaire face à sa situation personnelle. Il est aussi très conscient des lourds enjeux qui concernent la Nouvelle-Calédonie. Et même s’il ressent une injustice face à ce qui lui arrive, il respecte l’institution judiciaire, mais il a compris que cela va être un combat difficile.

Que lui reproche la justice ?

On lui impute toutes les actions susceptibles de provenir de la mobilisation sur le terrain, notamment des tirs sur les forces de l’ordre, qualifiées de tentatives de meurtre aggravées, les vols et incendies des 12 et 13 mai sur près de 900 entreprises. Ce sont des faits gravissimes, mais il nie avoir donné la moindre instruction en ce sens. Il conteste toute responsabilité : le CCAT avait au contraire appelé à l’apaisement. Il explique, sans le justifier, que c’est la frustration de la base qui s’est ainsi exprimée de manière violente, en répondant à une violence institutionnelle. Il considère que l’arrestation des représentants du CCAT est une opération politique, puisqu’aucun acte positif de participation à ces actes ne peut leur être reproché.

Pourquoi ce transfert en métropole ?

C’est justifié par la justice par le risque de trouble à l’ordre public, et c’est ce qui l’affecte le plus personnellement : être arraché de chez lui, à plus de 17 000 km de sa terre. Sa compagne a pu prendre l’avion pour lui rendre visite à Mulhouse, et on attend l’autorisation du juge pour qu’elle puisse le voir. Mais il a été menotté et est resté sous surveillance pendant tout son transfèrement. Même si l’administration pénitentiaire se montre compréhensive, avec une prise en charge tout à fait correcte, il vit cela comme une déportation, et se considère comme un déporté, ce qui est une notion politique, et non juridique. C’est un traitement tout à fait exceptionnel, et je ne pense pas que cela soit légitime.

Comment se déroule l’enquête dans ces conditions ?

Pour moi, c’est un dossier antiterroriste qui ne porte pas son nom, pour des raisons politiques. C’est la Sous-direction antiterroriste (Sdat) qui a fait les investigations sur le terrain, avec des méthodes d’enquête antiterroristes, mais on ne donne pas cette qualification juridique pour ne pas perdre le contrôle de la situation. Alors qu’on a affaire à des gens qui sont engagés politiquement, et qu’on met hors jeu sur des motifs de droit commun.

Comment va-t-il se défendre ?

Dans ces conditions, il est difficile d’organiser sa défense. Il est à l’isolement, ce qu’il comprend, et il peut téléphoner facilement à ses avocats. Mais on se dirige vers des interrogatoires à distance avec le juge, en visio. Pour l’instant ses avocats n’ont pas encore pu avoir le dossier, qui semble très volumineux, alors qu’il y a un travail très important à mener pour démontrer son innocence. Nous attendons d’être convoqués chez le juge pour qu’il s’exprime, puisqu’il a gardé le silence jusqu’à présent, devant la violence institutionnelle qu’il a subie. Nous sommes pour l’instant sur un mandat de dépôt criminel d’un an, renouvelable tous les six mois ensuite. Nous allons nous battre pour obtenir sa remise en liberté. Christian Tein est prêt à rester assigné à résidence en métropole le temps que l’enquête avance avec sérénité.

Quel regard porte-t-il aujourd’hui sur la situation en Nouvelle Calédonie ?

Il reste plus préoccupé par la situation là-bas que par son propre sort. Il est très heureux de l’élection d’un député indépendantiste aux législatives dimanche (Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou NDLR), mais regarde avec inquiétude les violences qui ont repris après son incarcération et celle de ses collègues. Il est très dépité de l’attitude du gouvernement, alors qu’il avait rencontré Emmanuel Macron le 25 mai lors de sa venue à Nouméa. Pour apaiser les tensions, il faudrait selon lui un nouvel accord qui succède à ceux de Nouméa. Et il fonde beaucoup d’espoirs sur la nouvelle majorité relative des forces de gauche sortie des urnes, et espère que le futur gouvernement analysera la situation en Nouvelle-Calédonie avec plus d’équilibre et d’équité.

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