Assassinat près de Montpellier de Christian Poucet, le leader de la CDCA : pourquoi l’enquête est relancée 23 ans après le crime

Assassinat près de Montpellier de Christian Poucet, le leader de la CDCA : pourquoi l’enquête est relancée 23 ans après le crime

Christian Poucet lors de l’une des dernières actions de la CDCDAE, le blocage de l’A9 près de Montpellier. Midi Libre – JEAN MICHEL MART

Ce personnage controversé était à la tête d’un mouvement violent, incitant les artisans et commerçants à cotiser auprès d’assurances privées basées dans des paradis fiscaux. Il a été abattu par deux tueurs cagoulés le 29 janvier 2001 dans sa société de Baillargues (Hérault). Après un non-lieu rendu par la justice en 2014, une nouvelle information judiciaire a été ouverte en 2023 par le parquet de Montpellier.

"Ce que je veux, c’est que cette fois, on y arrive, et qu’on aille jusqu’au bout. C’est le dernier espoir" Alexandra Poucet, 40 ans, qui vit près de Gignac (Hérault), est presque étonnée d’avoir été interrogée le 28 juin dernier par une juge d’instruction de Montpellier, qui tente à nouveau d’élucider l’assassinat de son père, abattu par deux tueurs à Baillargues le 29 janvier 2001.

"J’avais 16 ans, la directrice du lycée était venue me chercher dans la classe, pour que ma mère me l’annonce" se souvient-elle. Car à cette époque où internet balbutiait, l’annonce de l’assassinat de Christian Poucet s’était pourtant répandue comme une traînée de poudre en France.

Une des personnalités les plus sulfureuses de la région

À 44 ans, Christian Poucet, ancien vendeur de chaussures à la Grande-Motte, était devenu dans les années 90 l’une des personnalités les plus sulfureuses de la région, en prenant la tête d’un mouvement social et financier luttant contre les caisses de retraite et de sécurité sociale. La Confédération de défense des commerçants et artisans incitait ses adhérents à délocaliser leurs entreprises dans des paradis fiscaux, pour y souscrire des contrats privés pour leur retraite ou leurs frais médicaux. Et prélevait de très lucratives commissions au passage.

Le centre-ville de Montpellier saccagé

Le tout au prix d’un vrai bras de fer avec ces organismes et les huissiers, dont les locaux étaient régulièrement saccagés lors d’actions violentes de la CDCA. En décembre 1996, alors que Christian Poucet a été arrêté pour avoir menacé de mort un magistrat, des milliers de manifestants saccagent le centre de Montpellier. Leur leader sera condamné à un an ferme et à la révocation de deux ans de sursis. Libéré 13 mois plus tard, il reprend ses activités, tout en jouant gros au casino, en se déplaçant en avion privé et en roulant en Chevrolet Corvette.

Des révélations dans Midi Libre un an plus tard

L’enquête piétine pendant plusieurs mois, et est relancée par un article de Midi Libre en janvier 2002, citant le témoignage d’un Brésilien, Alexandre Maïa Louchard, qui vient de faire des confidences troublantes au Diario de Noticias, un journal de Madère. Juste avant sa mort, Christian Poucet était à couteaux tirés avec Maria Mendez, une femme d’affaires portugaise qui avait au départ toute sa confiance : elle gérait les sociétés délocalisées et les comptes de la CDCA à Madère. Cette dernière vit alors avec Eric Grandjean, un ami très proche de l’épouse de Christian Poucet, alors que tous les quatre auraient fait connaissance dans les boîtes échangistes du Cap d’Agde.

Menaces de mort et fonds bloqués

Mais à l’hiver 2000-2001, la love story est terminée : Maria Mendez a fait bloquer à Madère de fortes sommes lui appartenant, Christian Poucet intrigue pour détourner ses adhérents, et des menaces de mort ont été proférées.

Le Brésilien, alors garde du corps de Maria Mendez et de son mari Eric Grandjean, explique avoir accompagné ce dernier de Lisbonne au Luxembourg, dans une Mercedes louée, pour y déposer une forte somme d’argent. Ils auraient au passage fait des repérages sur le domicile et le bureau du leader de la CDCA et recruté un tueur à Marseille, pour 150 000 dollars. Deux jours plus tard, Christian Poucet était assassiné.

Non-lieu surprise en 2004

Ce scénario, le juge et la PJ de Montpellier vont passer des années à tenter de le vérifier. La Mercedes a bien accompli 7 967 km autour du crime. Mais entre la lenteur des procédures internationales, et les dénégations catégoriques du garde du corps, qui jure en 2010 n’avoir jamais parlé à un journaliste, l’affaire fait long feu : le juge décide en 2014 d’un non-lieu surprise, qui déconcerte à la PJ.

Mais les médias, eux, ne lâchent pas. À Madère, des articles évoquent après 2 015 des aveux faits par le Brésilien à des proches : il aurait lui-même abattu Christian Poucet sur ordre de Maria Mendez. En mars 2023, Midi Libre publie un nouvel article, évoquant un documentaire de TF1, liant l’assassinat de Christian Poucet à la disparition en mer du docteur Yves Godard, en 1999, qui était lui aussi adhérent à la CDCA. Une piste peu probante, mais qui a permis aux journalistes de recueillir de nouveaux témoignages sur le rôle trouble du Brésilien.

Des faits requalifiés en assassinat en 2023

"Ces éléments constituent des charges nouvelles justifiant la réouverture de l’information judiciaire" écrit le 7 avril 2023 le parquet de Montpellier, qui requalifie les faits en assassinat.

"Le juge d’instruction doit décerner des mandats d’arrêt" estime aujourd’hui Me Marc Gallix, partie civile pour Alexandra Poucet. "Si on n’arrive pas à mettre en garde à vue, voire en examen les trois personnages principaux de cette affaire, on n’y arrivera jamais".

La tâche s'annonce difficile

La tâche pourrait s’avérer difficile : Maria Mendez, devenue huissier, et qui est visée par une enquête sur une escroquerie portant sur deux millions d’euros, semble disposer de solides appuis à Madère, où son procès a été plusieurs fois repoussé. Eric Grandjean partage son temps entre la France et la Roumanie. Quant au Brésilien, il vivrait toujours à Salvador de Bahia, où il aurait eu maille à partir avec la justice à huit reprises depuis qu’il a quitté l’Europe. Et les enquêteurs risquent de manquer cruellement de preuves décisives : de récentes expertises faites sur les douilles prélevées sur la scène de crime n’ont pas permis d’y retrouver la moindre trace d’ADN.

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