“Avoir la même voix qu’il y a soixante ans, c’est un énorme cadeau du ciel” : les confidences de Dave qui célèbre ses 80 ans sur scène

"Avoir la même voix qu’il y a soixante ans, c’est un énorme cadeau du ciel" : les confidences de Dave qui célèbre ses 80 ans sur scène

Le chanteur Dave. MAXPPP – REY Jérôme

Dave a livré un show bluffant le 8 août, en clôture du Festival de Gordes (Vaucluse), un événement attendu de la saison estivale qui vient de connaître un nouvel élan cette année sous la présidence de Bénabar. C’est là, dans cette perle du Luberon, aux portes de l'Occitanie et à deux pas de son domicile de Saumane que nous avons rencontré l’artiste néerlandais, qui fête ses 80 ans sur scène.

Du Grand Rex à Gordes, comment vivez-vous cette tournée célébrant vos 80 ans ?

C’est surtout la production qui les fête, moi dans ma tête j’ai encore l’impression d’avoir 18 ans ! J’ai la même voix qu’il y a soixante ans, C’est rare, c’est un énorme cadeau du ciel, mais je n’ai aucun mérite, il y a des gens qui sont chauves, d’autres qui ne perdent pas de cheveux, c’est dans leur ADN. Moi, c’est cette voix qui est dans mon ADN, tant mieux !

Mais je sens quand même davantage la fatigue aujourd’hui. Avant, je faisais dix spectacles par mois toute l’année, je rentrais chez moi, j’étais un petit peu fatigué et puis à l’heure de déjeuner, c’était fini. Maintenant, il me faut un peu plus de temps, c’est normal…

L’accident que vous aviez subi le 25 janvier 2022, cette chute à votre domicile suivie de quatre jours de coma, tout cela est-il derrière vous aujourd’hui ?

Non, je n’ai plus ni goût ni odorat. Quand on est épicurien et je suis fier de l’être, j’ai fait un livre de cuisine ("Cuisinez-moi !" aux éditions du Cherche Midi), je fais à manger depuis que j’ai 14 ans, c’est un énorme regret. J’adore aussi boire un bon verre de vin, maintenant pour moi c’est de l’eau !

Alors, de temps en temps, chez moi, je fais des frites pour retrouver le goût du sel, parce que le sel et le sucre, c’est la langue, ce n’est pas le cerveau, ça me fait un souvenir…

Le public vous retrouve pourtant dans une forme resplendissante sur scène, c’était encore le cas ce 8 août, en clôture du Festival de Gordes. Après plus de soixante ans de carrière, dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

J’ai commencé à penser à la mort dès l’âge de 40 ans, en 1984, à cause du sida, parce que je perdais tant d’amis autour de moi, maintenant que j’ai 80 ans, je n’y pense ni plus ni moins, mais il y a une quantité de gens qui partent. Entendre le nom de Patrice Laffont (l’animateur est mort mercredi, dans sa maison d’Oppède, dans le Luberon, à l’âge de 84 ans, NDLR), ça me fait peur, c’est presque une réaction égoïste, parce qu’il n’avait que quatre ans de plus que moi.

Tous ces chanteurs, comme France Gall, qui sont partis, je n’y arrive pas à y croire. Je suis parfois obligé de le demander à mon compagnon, tellement il y a un refus dans mon cerveau de l’acceptation de leur mort et donc probablement aussi de la mienne.

En plus, je suis un vrai lecteur de science-fiction et tout ce que j’ai lu depuis l’âge de 14 ans arrive, même le World Trade Center. La mort en fait partie.

Mais en attendant, je pense, comme beaucoup de chanteurs, d’acteurs aussi sans doute, que le meilleur moment de notre vie, c’est, dans le désordre, se glisser dans un lit avec celui ou celle qu’on aime. Et monter sur scène, de préférence avec des gens dans la salle (Rires).

J’ai encore beaucoup de concerts prévus, le 10 août je serai par exemple à Eyguières (Bouches-du-Rhône), ce sont des moments de bonheur pur.

Et vous n’imaginez pas arrêter un jour…

Non, celui qui avait imaginé ça, triste ironie du sort, c’est Michel Berger quand il avait dit qu’il ne se voyait pas devenir un vieux chanteur, c’est horrible.

Charles Aznavour disait, lui, qu’il voulait faire le Palais des congrès à 100 ans, il y était presque, c’est formidable !

Vous célébrez la chanson française sur scène, de Piaf à Aznavour, que vous inspire la nouvelle scène ?

Un artiste comme Slimane chante super bien, j’aime beaucoup Vianney, mais aujourd’hui le disque est devenu un objet obsolète, c’est fini, pour moi comme pour tout le monde.

Alors que vous en avez vendu 15 millions ! Quels sont les ressorts de ce succès qui a traversé le temps et les frontières ? Comment l’analysez-vous ?

TTC : travail, talent et chance. Maurice Chevalier disait la même chose mais en mettant surtout l’accent sur la chance. Il faut travailler, il faut avoir un petit peu de talent et il faut avoir une énorme chance.

Parfois un bon cuisinier, bosseur, ouvre un bon restaurant dans le meilleur endroit de la ville et il n’a personne, alors qu’un un autre qui sait à peine faire des pizzas se met au fin fond d’un quartier pourri et c’est bourré tous les jours. Cela s’appelle la chance.

Moi qui joue aux cartes, au bridge, si tu n’as pas les cartes, tu n’as pas les cartes… Dans les années 80, je n’avais pas les cartes, j’ai plongé.

Ce duo que vous formez à la ville comme à la scène avec votre parolier, Patrick Loiseau fait partie de votre chance ?

Oui, je me souviens qu’en 1974, je jouais au Festival d’Avignon dans "Ubu Roi" avec Georges Wilson et en allant de l’hôtel jusqu’à la place où on travaillait, il y avait un dépliant de Volvo, moi j’avais une vieille 404 pourrie et j’ai dit "ah, ça sera ma prochaine voiture !".

Il m’a dit "tu n’auras jamais ça, mon pauvre ami, ne rêve pas !". Ça m’a énervé et j’ai voulu faire un disque (en 1974, sortira notamment "Vanina", adapté par Patrick Loiseau de Runaway de Del Shannon, puis en 1975 "Mon cœur est malade" et "Du côté de chez Swann"). Moi, le vieux beatnik… Il s’est trompé (Rires)

Comment travaillez-vous ensemble ? Vous avez des rituels ?

Non, on s’engueule surtout beaucoup. Quand je n’aime pas les textes, on s’engueule (Rires).

Vous préparez tous les deux un nouvel album ?

On y pense, oui on va le faire…

Le Festival de Gordes, orchestré par Bénabar sur un site d’exception

C’est une véritable institution en Provence, courue par les initiés et autres spectateurs en quête de moments privilégiés sur des sites d’exception. Les Soirées d’été de Gordes déploient chaque été, aux portes de l’Occitanie, une programmation éclectique au Théâtre des Terrasses, un décor rocheux intimiste (495 places), avec une vue à couper le souffle sur le Luberon. Un écrin unique en son genre pour un festival accessible (35 à 45 euros) qui a su se réinventer, pour sa 41e édition, sous la présidence de Bénabar, en célébrant tout à la fois la guitare (Thibault Cauvin), l’humour (Les Darons), la Corse (Christophe Mondolini), mais aussi deux faiseurs de tubes à l’énergie communicative, le Catalan Cali et le Néerlandais Dave qui a offert une soirée de clôture en forme de parenthèse enchantée, le 8 août dernier.

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