“Cette révolution est politique mais ne doit pas être partisane”, pour le mathématicien Cédric Villani

"Cette révolution est politique mais ne doit pas être partisane", pour le mathématicien Cédric Villani

L’ancien député Cédric Villani a été président du rapport parlementaire sur l’IA. AFP – JOEL SAGET

Mathématicien de renom et président du rapport parlementaire sur l’intelligence artificielle, Cédric Villani fait partie des experts de la première convention citoyenne locale sur l’IA à Montpellier.

Que pensez vous de l’initiative de la Métropole qui a lancé cette première convention citoyenne ?

Sur l’IA, il y a toujours des questions de souveraineté qui se posent – par rapport aux prérogatives de telle ou telle institution, la façon de garder la maîtrise de son destin – et l’inscrire dans une opération portée par le périmètre métropolitain est très intéressant car cela permet d’avoir la réflexion citoyenne. Sur le plan politique, c’est une initiative qui concerne les responsables de la stratégie numérique mais aussi tous les élus de l’exécutif. Grâce aux travaux de cette convention citoyenne, la Métropole sera mieux préparée à affronter l’avenir autour de l’intelligence artificielle.

Les peurs entourant cette nouvelle technologie sont-elles légitimes ou relèvent-elles de la psychose ?

Ce que l’on sait, c’est que cette technologie sera omniprésente dans notre quotidien. Elle l’est déjà depuis des années. C’est surtout l’apparition du robot conversationnel Chat GPT et son utilisation partielle par le commun des mortels qui intriguent. Maintenant, la question n’est pas d’être pour ou contre l’IA, cela n’a aucun sens. C’est plutôt de savoir comment prioriser son utilisation, quel impact aura-t-elle sur les citoyens, quel système de gouvernance et comment les politiques s’empareront du sujet.

Ces peurs résultent-elles d’un manque de définition précise de l’IA ?

Ne cherchons pas de définition de l’intelligence artificielle, il n’y en a pas. Tout simplement parce que c’est un ensemble flou, varié de techniques et de technologies qui permettent de faire des tâches qu’on croyait réservées à l’humain. Mais il y a bien des choses qui tombent dans cette définition et qu’on n’appelle pourtant pas intelligence artificielle. Cela a été mis en œuvre par des gens intelligents, pour sûr, des gens malins, qui ont trouvé des bonnes techniques mais ce n’est juste pas de l’intelligence.
On aura pu croire que pour rédiger une bonne lettre de candidature aux sénatoriales il fallait être intelligent, avoir la connaissance d’un territoire, une expérience politique notoire, mais non : ChatGPT vous rédige une candidature aux sénatoriales, aux grands électeurs, à laquelle il n’y a quasiment rien à changer pour que la lettre soit impeccable et pourtant ChatGPT n’a aucune intelligence. Donc ne cherchons pas à tout prix une définition.

Comment les politiques s’emparent-ils du sujet aujourd’hui ?

L’office parlementaire scientifique que j’ai eu l’honneur de présider à l’Assemblée nationale est le parfait exemple de comment prendre part politiquement à l’essor de cette nouvelle technologie. Il a fallu mettre en concordance les avis scientifiques, politiques et techniques dans des auditions contradictoires. Et à terme, délivrer ce qui ressemble plus à une trajectoire, avec des propositions pour une souveraineté maîtrisée, qu’à un guide. À l’échelle européenne, le parlement propose, dans le cadre de sa stratégie numérique, plusieurs textes afin de réglementer l’intelligence artificielle et garantir de meilleures conditions de développement et d’utilisation de cette technologie innovante.

Cette politique est-elle assez ambitieuse en France ?

La cour des comptes a récemment évalué l’impact de la stratégie nationale sur l’intelligence artificielle, telle qu’elle avait été décidée par le gouvernement sur la base du rapport que je conduisais. La conclusion est que la mise en œuvre des différentes politiques n’avait pas permis à la France de réellement se hisser dans le peloton de tête des pays sur l’intelligence artificielle mais que cela lui avait nettement évité le déclassement. Ce rapport avait conclu que la France restait dans le top 10 des nations de l’intelligence artificielle et que cela aurait été bien pire si nous ne l’avions pas pris en main il y a quelques années.

Une intelligence artificielle éthique, souveraine et responsable est donc une pure utopie ?

Évidemment ce n’est pas Montpellier qui va dicter sa loi avec une simple convention citoyenne. Mais il faut rappeler que nous avons sur le territoire des compétences reconnues au plus haut niveau. J’ai eu la chance de pouvoir visiter le supercalculateur Adastra du centre national de recherche scientifique et il fait partie des infrastructures qui rendent notre pays plus souverain envers l’intelligence artificielle.

Pourquoi est ce important que les citoyens entrent dans ce débat ?

Quand on pose la question précise de comment un territoire va porter a une problématique technique, il y a plusieurs façons de répondre.

La première est de se demander quelle est la position des élus. Les élus vont répondre à ce qui pense en leur âme et conscience, de la position du parti. Parfois ce sont les consignes, parfois c’est la tradition mais ils sont évidemment tenus par certains filtres.

On peut aussi demander aux experts. Les experts viennent avec leur culture propre et parfois leurs biais. Il y a eu des travaux fascinant en théorie de la décision qui ont montré que parfois les experts se débrouillent moins bien que la moyenne pour prédire ce qui va arriver dans leurs propres disciplines.

Vous pouvez demander aux associations maintenant, mais les associations aussi ont été fondées dans un but, défendre la liberté dans ceci ou cela.

Et puis on peut demander à la structure la plus représentative qui soit : une population élue par le jeu du hasard. Notre constitution nous le dit ; la démocratie et notre république sont censées agir pour le peuple, par le peuple, au nom du peuple. Et cette convention citoyenne agit dans ce sens et présente le plus proprement possible cet idéal.

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