D’Arles à Saint-Jacques-de-Compostelle en deux mois : Denis Clerc, un Zinzin sur le bon chemin
|Denis Clerc, la plume de faisan au vent, sur les hauts plateaux des monts d’Orb. DR
Visage familier de France 3 Occitanie, Denis Clerc est aussi connu dans le monde du trail sous le nom de Zinzin Reporter pour ses vidéos au cÅ“ur des courses longue distance à travers le monde. Mais c‘est une autre aventure de zinzin qu’il vient de débuter à presque 60 ans. Après une rupture amoureuse, il a décidé de se lancer sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, par la voie d’Arles, soit 1 700 km d’introspection.
"Zinzin mais pas fou", telle est sa devise. Pourtant, les rares promeneurs qui l’ont croisé cette semaine sur les berges du Canal du Midi avec une plume de faisan plantée dans le chapeau et une barbe de douze jours, ont pu se poser la question. Sauf ceux qui l’ont reconnu.
Visage familier de France 3 Occitanie pour avoir longtemps présenté le JT de 19 h puis le journal hebdomadaire des sports, Denis Clerc est aussi célèbre dans le monde du trail sous le pseudo de Zinzin Reporter pour partager, en vidéo, les courses auxquelles il participe. Après les Templiers, la première en 2007 qui lui a valu le prix du meilleur reportage sportif de l’année, il y a eu pendant quinze ans les ultra-trails les plus longs et les plus difficiles au monde. L’UTMB autour du Mont Blanc, la Diagonales des fous à La Réunion, le Tor des Géants longs de 360 km par les sommets du Val d’Aoste… "Ses vidéos plaisent parce qu’il est dans le partage. Alors que lui-même effectue une performance d’autant plus remarquable qu’il prend le temps de s’arrêter pour filmer, il valorise la course des autres avec une empathie sincère, une bonhomie naturelle", témoigne Pierre Toussaint, partenaire de ses premières aventures. Même en montrant les pires difficultés de ces épreuves en montagne, jusqu’aux moments où il vomit, Denis Clerc a donné envie à nombre de traileurs de s’aligner sur ces courses, plus que Kilian Jornet ou François Dhaene, stars de la discipline. Et a fait rêver tant d’autres.
Sur le chemin de la guérison
Las, depuis l’été 2022, le sourire avait disparu, et pas que sur ses films. La faute à deux blessures, l’une au genou qui l’a éloigné des montagnes, l’autre au cÅ“ur. Une rupture amoureuse. Comme beaucoup dans ce cas, Denis, déboussolé, a longtemps cherché son chemin. Il a finalement décidé que celui de Compostelle l’amènerait sur la voie de la guérison. "Un jour, je me promenais dans les ruelles de Saint-Geniès-des-Mourgues où je venais de m’installer et j’ai vu une coquille, emblème des pèlerins, incrustée dans la pierre. Puisque je ne pouvais plus courir en compétition, j’y ai vu un signe", raconte-t-il. D’autant que le GR 653, la voie d’Arles aussi appelée la Via Tolosana, passe sous ses fenêtres.
30 Ã 35 km par jour
Au printemps 2023, il profite d’un week-end pour faire l’aller-retour, à pied, jusqu’à Arles afin de récupérer son dossard de pèlerin. Un an plus tard, à bientôt 60 ans, il n’a pas dévié de son objectif et s’est donc élancé le 16 mars dernier avec un sac de 14 kilos sur le dos, direction Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, 1700 km plus loin. "Je n’ai qu’un impératif : être revenu fin mai pour fêter le 4e anniversaire de mon fils Robinson", confie-t-il alors, une larme à l’Å“il. Pour cela, il lui faudra marcher en moyenne 30 à 35 km par jour. Un défi de zinzin. Ils sont moins de 200, chaque année, à parcourir l’intégralité du "camino" depuis Arles.
La naissance d’un Zinzin jusqu’au-boutiste
Son collègue caméraman de France 3 et ami, François Jobard, l’attendait ce jour-là quelques kilomètres plus loin. "Évidemment, il ne pouvait pas le faire en plusieurs fois, comme la plupart des pèlerins. Denis a toujours été jusqu’au-boutiste dans tout ce qu’il a fait, les trails comme le boulot…", psychanalyse-t-il. C’est lui qui a inventé ce sobriquet alors qu’ils couvraient tous deux les championnats du monde de handball 2001 en Croatie. "Il travaillait jusqu’au milieu de la nuit pour envoyer des reportages. Je lui ai dit qu’il était zinzin, c’est resté", relate François Jobard, heureux de voir son ami enfin retrouver le pas léger. "Il n’allait pas bien du tout, parce que derrière la solidité qu’il a toujours affichée, il cache une très grande sensibilité. Ce défi lui a permis de se relever".
Le fils aîné de Denis, Hippolyte, qui a toujours vu son père s’embarquer dans des aventures hors-norme, confirme. "Il en avait besoin pour réfléchir, comprendre le passé. Marcher six à huit heures par jour, c’est idéal pour penser". Denis Clerc aussi parle d’une introspection. "Quinze jours avant le départ, je suis allé voir le prêtre du Vigan, qui avait jadis célébré mon mariage. Il m’a dit d’y aller, que j’avais besoin de me décaper pour avancer". Comme un cheminement physique et intérieur, motivation première des pèlerins de Saint-Jacques.
Dans la direction opposée ?
Au moment de s’élancer pourtant, il a failli partir dans l’autre sens, vers Strasbourg, où vit Camille, que le destin a mis sur son chemin un mois plus tôt. "Le prêtre m’a assuré que nous éloigner géographiquement ne pouvait que nous rapprocher". Avec raison. Camille l’a rejoint ce week-end à Toulouse pour partager quelques kilomètres, "admirative de son choix d’organiser sa vie pour se permettre ce temps de réflexion", dit-elle.
Ce sera un très joli chapitre de cette histoire déjà riche qu’écrit Denis Clerc depuis son départ de Saint-Geniès-des-Mourgues. À moins que ce ne soit son double, Zinzin, qui en quelques jours de marche a déjà repris le dessus et tient la plume. Comme le personnage qui a fait sa notoriété au fil des courses et des films, Denis, par son sourire communicatif et sa curiosité, a déjà multiplié les rencontres chemin faisant. "Il y a eu notamment les moines de l’abbaye d’En Calcat, dans le Tarn. Ils ont accepté de m’héberger pour la nuit. J’ai partagé avec eux leur repas du soir en silence et, au réveil, la prière des laudes. Un moment suspendu".
"Je marche dans la solitude mais je ne suis pas seul"
Pour dormir, chaque soir, le pèlerin comptait justement sur sa bonne étoile, au point de s’être débarrassé dès le deuxième jour des trois kilos de tente qu’il avait embarqué, "une façon de se dépouiller", dit-il. Bien lui en a pris. Comme il raconte quotidiennement son avancée sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à le contacter pour lui proposer de l’héberger. "Certains font plusieurs kilomètres pour venir me chercher et me ramènent le lendemain matin. Ils sont tous au petit soin. Je reçois aussi beaucoup de messages d’encouragement de gens qui se disent heureux pour moi. Il y a aussi celles et ceux qui me confient des photos, des lettres, des objets à amener jusqu’à Saint-Jacques pour demander sa protection. Je marche dans la solitude mais pas seul", métaphorise-t-il.
"Il ne ment pas"
Parmi celles et ceux qui suivent son aventure à distance, il y a Bérengère avec un E, une dessinatrice installée à Béziers qui "croque" régulièrement Zinzin depuis quelques années. "C’est une personne vraie qui ne ment pas sur ce qu’il ressent et c’est rare. Il partage sa passion avec engouement et comme il ne tient pas en place, il y a toujours matière à dessiner", s’amuse-t-elle. Pour l’accompagner jusqu’à Saint-Jacques, elle s’impose le rythme d’un dessin tous les deux jours. "Jusque-là , ce n’est pas difficile. Chaque jour est une aventure différente avec des rencontres et des anecdotes que je me plais à croquer".
Denis Clerc, croquée par l’artiste Bérengère avec un E.
Le bonheur est dans le chemin
Denis lui a facilité la tâche, en se coiffant de cette plume de faisan trouvée dans les monts d’Orb au quatrième jour de marche et en s’équipant d’un lourd bâton en buis trouvé dans les Cévennes et sur lequel il a inscrit les noms de ses trois enfants et deux phrases qui symbolisent son état d’esprit. La première, de Rousseau : "plus le corps et faible, plus il domine ; plus le corps est fort plus il obéit". La seconde, empruntée à Lao-Tseu : "le bonheur est dans le chemin". Celui dont il dit déjà s’être pleinement imprégné après 500 km de marche. Zinzin n’est pas fou, il a retrouvé son chemin.
Son actu en 3 infos
1- Deux mois à marcher
Parti de Saint-Geniès-des-Mourgues dans l’Hérault, samedi 16 mars, Denis Clerc prévoit d’arriver 1 700 km plus loin à Saint-Jacques-de-Compostelle avant le 20 mai, soit deux mois à marcher, à raison de 30 à 40 km par jour. Tous les jours, ou presque, il partage son aventure, en photo ou en vidéo, sur ses profils Facebook et Instagram "Zinzin Reporter". Il y dévoile ses rencontres, les paysages qu’il traverse, mais aussi ses sentiments, qu’il soit heureux ou mélancolique, en forme ou fatigué. Sans filtre. Il ne sait pas encore, en revanche, s’il en fera un film. "Je me laisse porter par les événements", dit-il.
2- Un ultra en Cévennes
En 2022, avec son ami Pierre Toussaint, Denis Clerc était passé de l’autre côté de la barrière et avait organisé le premier "Zinzin Ultra-Trail", le Zut pour les intimes, à Florac. Plusieurs courses étaient au programme, du 14 km au 160 km à travers les causses du Parc national des Cévennes. La deuxième édition est programmée en juillet 2025. À noter sur vos agendas pour courir dans les pas de Zinzin.
3- Des années d’aventures
Depuis sa première participation à l’emblématique trail des Templiers en 2007, Denis Clerc a pris l’habitude d’embarquer une mini-caméra sur toutes les épreuves qu’il dispute, afin de montrer les courses de l’intérieur, notamment les ultra-trails les plus emblématiques (UTMB, Diagonale des fous, Tor des Géants…). Il en est devenu une référence dans le milieu. Sa chaîne YouTube "Zinzin Reporter Productions", forte de 160 vidéos, cumule aujourd’hui 3,4 millions de vues. On peut aussi y voir les randonnées tournées dans les plus beaux endroits de la région pour France 3 Occitanie.
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