Des perturbateurs endocriniens identifiés dans l’air que l’on respire : Atmo Occitanie lance une étude pour les quantifier
|Le capteur a identifié 46 perturbateurs endocriniens sur les 56 recherchés par Atmo Occitanie. MAXPPP – ALEXANDRE MARCHI
Nous absorbons des perturbateurs endocriniens, mais dans quelles proportions et avec quels effets sur notre santé ? Une expérimentation a permis de mettre au point une méthode de mesure, qui sera déployée sur cinq sites de la région durant trois ans. Une collecte de données indispensables aux chercheurs en santé publique.
Que respirons-nous, au rythme de 15 000 litres d’air par jour et par individu ? Du dioxyde d’azote, des particules fines dont on sait qu’elles furent à l’origine de 238 000 décès en 2020, selon les chiffres communiqués l’an passé par l’Union européenne, et quoi d’autres ? Des PFAS, des perturbateurs endocriniens ? Ni les uns, ni les autres n’ont jamais été mesurés dans l’air extérieur et de telles données étudiées quant à leur impact sur notre santé. Pourtant, ils "sont une réalité dans le compartiment aérien", des éléments dont, "à travers l’air que nous respirons, nous nous chargeons", lâche Thierry Suaud, administrateur d’Atmo Occitanie.
L’observatoire régional de la qualité de l’air a présenté, mardi, les résultats d’une étude exploratoire, qui "démontre" la présence de perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques déréglant le fonctionnement hormonal des êtres vivants, dans l’atmosphère. Une étude circonscrite à Toulouse, menée de juin 2022 à août 2023, qui, avec l’aide d’un laboratoire de l’université de La Sorbonne, à Paris, "nous a permis de mettre au point une méthode" pour capter, isoler puis quantifier ces substances, explique Dominique Tilak, directrice de l’association. Placée à quelques mètres au-dessus du sol, cette "cartouche" spécialement développée a prélevé 19 échantillons sur la période, des particules dans sa partie inférieure, des gaz en partie haute, analysés par chromatographie.
Dominique Tilak et Thierry Suaud présentent le capteur développé pour l’étude exploratoire. Atmo Occitanie
Une première en France
"Nous avons recherché 56 molécules de perturbateurs endocriniens, reprend Dominique Tilak. Et nous en avons recueilli 46. 34 d’entre eux ont été quantifiés sur au moins 75 % des échantillons. 25 sur la totalité, c’est-à-dire toute l’année", observe l’ingénieure, dans l’environnement très urbain où le capteur était implanté. Aucune des familles référencées n’y échappe, phtalates, HAP, alkylphénols, insecticides et autres muscs de synthèse, qui "hantent" les produits cosmétiques et les détergents, le bois de mobilier, les vernis, les plastiques d’assemblage, les emballages de tous ordres et autres retardateurs de flamme. Un véritable "cocktail" aux effets inconnus, "on n’en est qu’au début", rappelle Thierry Suaud, quant à notre connaissance du sujet. "Là où on était il y a trente ans s’agissant de l’eau", compare Dominique Tilak.
L’idée est désormais d’aller plus loin et d’être en mesure de fournir aux chercheurs en santé des masses de données plus denses à analyser. Sur une plus longue période, "trois ans", dans des environnements différents, "urbains, ruraux et au passé industriel", en complétant avec les PFAS – les polluants dits éternels –, grâce à la méthodologie élaborée durant l’expérimentation.
Cinq sites équipés
Cette étude, une première en France, a été "lancée en mars" par Atmo Occitanie, grâce notamment à des fonds de l’État, astreint par le Conseil d’État à cesser de négliger le sujet. Cinq emplacements ont été équipés : les métropoles de Montpellier et Toulouse, cofinanceures, Alès (Gard) pour évaluer l’empreinte d’un passé industriel et minier, des sites ruraux de l’Aude (viticole) et de Haute-Garonne (agricole), ciblés pour les pesticides et insecticides.
"Nous voulons, liste la directrice d’Atmo Occitanie, identifier et quantifier la présence des perturbateurs endocriniens dans l’air ambiant, analyser les variations au cours de l’année, évaluer, à terme, les risques et notamment de l’effet cocktail. Ce sera aussi un indicateur de suivi environnemental" : quels produits apparaissent, disparaissent, se densifient et s’estompent, comme ces PCB, interdits depuis 1987 mais encore présents dans… 80 % des échantillons.
Les premiers résultats seront présentés dans un an. Pour les conclusions en matière de santé et d’éventuelles décisions réglementaires, il faudra cependant attendre davantage.
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