Déserts médicaux : Mobisanté 48, une solution d’urgence pour villages sans médecin
|Le Dr Daniel Durand reprend du service avec le Mobisanté 48. Midi Libre – Célian Guignard
Ce nouveau dispositif, véritable cabinet médical mobile, est porté par l’association Lozère Avenir Santé et financé en intégralité par l’Agence régionale de santé. Il était à Châteauneuf-de-Randon, ce mardi 12 mars. Présentation.
Le docteur Daniel Durand est retraité depuis le 31 mars 2023. Pourtant, en ce mardi 12 mars 2024, l'ancien généraliste mendois reprend du service, sur la place Du-Guesclin de Châteauneuf-de-Randon. L'homme de 68 ans n'ouvre pas un cabinet dans ce village de Margeride niché à quelque 1 280 m d'altitude et qui cherche depuis un an et demi un nouveau médecin. S'il est là, c'est parce qu'il a accepté la proposition de l'association Lozère Santé Avenir d'intégrer la petite brigade de praticiens du Mobisanté 48.
Ce tout nouveau dispositif en Lozère, intégralement financé par l'Agence régionale de santé à hauteur de 180 000 € pour sa première année, est un véritable cabinet médical mobile. Il desservira quatre communes en manque de médecin généraliste : Serverette, Châteauneuf-de-Randon, Le Massegros-Causses-Gorges et La Bastide-Puylaurent. Le but : permettre aux personnes en rupture de soins ou sans médecin traitant de bénéficier d'une consultation.
Mobisanté 48, le mode d’emploi
Le Mobisanté 48 se rend le premier mardi du mois à Serverette, le deuxième mardi du mois à Châteauneuf-de-Randon, le troisième mardi du mois au Massegros, le quatrième mardi du mois à La Bastide-Puylaurent. Pour prendre rendez-vous, un seul numéro de téléphone : 05 61 36 39 22. Si tous les créneaux ne sont pas occupés, des patients sans rendez-vous peuvent être pris. Sur place, comme dans un cabinet classique, le patient est pris en charge à son arrivée pour remplir son dossier, avant qu'il ne patiente dans un espace dédié de la mairie. Autre contact : lozereavenirsante@gmail.com
Une convention de location avec chauffeur a été signée entre Lozère Avenir Santé et la Croix-Rouge pour le véhicule. Midi Libre – Célian Guignard
"Le symbole local du naufrage national de la médecine"
Pour le docteur Daniel Durand, neveu d'Adrien Durand, ancien député-maire du village et médecin de profession, participer à cette nouvelle aventure a du sens, beaucoup de sens. "Je ne m'estime pas trop délabré. Je peux encore aider. Une journée par-ci par-là, ce n'est pas énorme", commence-t-il par plaisanter, avant de changer de ton. "Je pense aussi à mon oncle, évidemment, lui qui travaillait sept jours sur sept. Il lui arrivait même de se déplacer à skis chez ses patients. C'est terrible de voir le désastre de son village après tout ce qu'il a fait. Châteauneuf, c'est le symbole local du naufrage national de la médecine."
Avec le Mobisanté 48, le docteur Durand ne s'attend pas à des miracles, simplement à "dépanner". "Le bus, c'est du palliatif. On voit la personne pour une urgence et il n'y a pas de suivi. Mais c'est mieux que rien." Il rappelle la situation critique dans laquelle se trouve la Lozère : "Même en ville c'est très compliqué, voire impossible, de trouver un médecin alors qu'il y en a. Ils ne prennent plus de nouveaux patients."
Trois médecins et quatre infirmières
Le diagnostic est posé. Le praticien ne voit pas d'autres solutions que de "revoir le système" pour le soigner. "La première mesure serait de raccourcir les études. À mon époque, on était médecin en sept ans. Puis c'est passé à huit. Maintenant dix. C'est beaucoup trop. En cinq ans, un médecin généraliste doit pouvoir être formé."
Pour lancer le Mobisanté 48, Lozère Santé Avenir a sondé 26 généralistes à la retraite. Trois ont répondu favorablement. En plus du docteur Durand, le docteur Claude Fleury, qui exerçait à Aumont-Aubrac, et le docteur Hélène Boulard, qui avait son cabinet à Saint-Chély-d'Apcher, sont montés à bord. Quatre infirmières sont à leurs côtés. "Tous sont salariés du Mobisanté, souligne le docteur Élodie Repole, médecin généraliste à Saint-Étienne-du-Valdonnez et présidente de l'association à l'origine de ce projet. Pour la première année, le planning est calé. Si d'autres médecins nous rejoignent, nous pourrons, en 2025, desservir d'autres communes."
"Pour une urgence, pourquoi pas"
Pour ce premier arrêt à Châteauneuf-de-Randon, après une toute première sortie à Serverette le mardi 5 mars, huit patients ont pris rendez-vous. La petite équipe du Mobisanté 48 en attend d'autres qui viendraient spontanément. Dans le village, le véhicule est bien visible et fait réagir les habitants. Ces derniers, s'ils ont bien compris que ce dispositif ne réglera pas tous leurs problèmes, l'accueillent avec enthousiasme. "Moi je vais chez le docteur Marie-Jeanne Roux, à Badaroux (soit 23 km de route, NDLR), confie Roseline Valantin, la gérante de l'Oustalet, le bar-tabac de la commune. En cas d'urgence, ça peut être pratique. Pour une grippe ou un rhume, pourquoi pas."
Le Mobisanté reviendra dans un mois sur la place Du-Guesclin, le deuxième mardi d'avril. Avant, il se rendra donc au Massegros, à La Bastide-Puylaurent et à nouveau à Serverette.
Bruno Durand, maire de Châteauneuf-de-Randon : “La situation est dramatique”
Voilà un an et demi que votre commune n'a plus de médecin…
L'ancienne est restée quatre ou cinq mois avant de partir à Grandrieu… Cela fait des années que je me bats pour retrouver un médecin. Un cabinet de recrutement travaille pour nous. Il y a quelques mois, nous avons eu des contacts avec un médecin tunisien, mais il ne parlait pas assez bien français.
Comment jugez-vous la situation pour vos administrés ?
La situation est dramatique. Même la pharmacie a fermé. Pourtant, nous avons tout ce qu'il faut : un cabinet médical, un Ehpad, une maison d'accueil spécialisée, un foyer de vie… Il y a une patientèle potentielle de 1 000 personnes.
Pour attirer un généraliste, vous avez même installé un panneau "cherche médecin" à l'entrée de la commune avec le numéro de téléphone de la mairie…
Je me dis que si un médecin passe par Châteauneuf et qu'il trouve le village joli, il aura peut-être envie de s'y installer. Nous tentons notre chance.
Quels seraient les avantages en s'installant à Châteauneuf ?
Le cabinet médical, géré par la communauté de communes Randon-Margeride, serait gratuit pendant six mois. Avec la Zone de revitalisation rurale (ZRR), il y a aussi une exonération fiscale de cinq ans.
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