Elections législatives : l’explosion des demandes de procuration semble annoncer un net regain de la participation

Elections législatives : l'explosion des demandes de procuration semble annoncer un net regain de la participation

Devant le commissariat annexe de Montpellier, chaque jour, des files d’attente se forment. Midi Libre – JEAN MICHEL MART

Selon le ministère de l’Intérieur, il y a eu 6,5 fois plus de demandes depuis le 10 juin qu’il y a deux ans. Les partis, notamment, s’organisent pour aller à la pêche… aux abstentionnistes.

La scène se répète un peu partout en France : des files d’attente qui s’allongent devant les commissariats et gendarmeries pour organiser un vote par procuration à moins de deux semaines des élections législatives anticipées. Ce n’est pas qu’une impression visuelle, cette affluence se traduit aussi dans les chiffres. Mercredi, dix jours après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le ministère de l’Intérieur annonçait que 717 000 procurations avaient déjà été établies, soit six fois plus qu’en 2022.

Si Beauvau ne communique pas les chiffres par département, les quelques mairies contactées font toutes état d’une explosion des demandes. "Nous en avons enregistré 3 058 en dix jours, contre 1 640 en six mois pour les européennes", répond la Ville de Nîmes. "Nous en étions mercredi à 2 693 procurations, nous avons atteint 4 500 ce jeudi, soit près de 2 000 en 24 heures", indique Radia Tikouk, conseillère municipale en charge des élections à Montpellier. Elle parle "d’une croissance exponentielle", preuve de l’intérêt grandissant pour cette élection. Jusque-là, seule la présidentielle engendrait un nombre aussi important de procurations sur la ville : 5 988 en 2012, 4 631 en 2017.

Mauvais calendrier

Dans les plus petites communes, l’ordre de grandeur n’est évidemment pas le même, mais les demandes affluent tout de même quotidiennement, une vingtaine par jour à Mende par exemple. Mercredi en milieu de journée, dix personnes attendaient leur tour devant la gendarmerie de Castries. Parmi eux, Denis, 59 ans. "J’avais prévu de longue date l’ascension du mont Blanc avec mon fils le week-end des 6 et 7 juillet. Tout est réservé, guide et refuge, je ne pouvais pas renoncer. Mais face à l’enjeu de cette élection, je n’imaginais pas ne pas voter", raconte-t-il. Procuration validée en quelques minutes par la magie de la pré-demande en ligne.

Beaucoup de demandes émanent d’électeurs traditionnellement mobilisés, mais qui avaient déjà programmé un week-end, comme Denis, voire le début des vacances. "Il y a beaucoup de colère chez les gens. Une élection, c’est un rendez-vous démocratique que l’on organise à l’avance. Là, beaucoup ressentent cette convocation aux urnes comme une injonction à voter, mais le contexte politique les pousse à s’organiser", partage l’élue Radia Tikouk, expliquant ainsi en partie cette explosion des demandes.

L’enjeu, toutefois, pousse aussi certains inscrits, jusque-là abstentionnistes, à vouloir s’exprimer à nouveau. Comme ce chauffeur de bus, qui préfère rester anonyme mais décrit son ras-le-bol des incivilités et violences qu’il constate au quotidien et qui le poussent à se tourner "vers le Rassemblement national, qui fera preuve de fermeté", espère-t-il.

Dans les partis, un système quasi-industriel

"Les abstentionnistes sont pour nous un réservoir de voix", appuie le député RN sortant du Gard et délégué départemental du parti, Yoann Gillet, à contre-courant de certaines analyses. "Nous sommes en capacité de prendre le pouvoir et cela mobilise l’électorat", ajoute-t-il. D’où l’organisation mise en place pour ne pas perdre une voix. "Beaucoup de gens nous sollicitent parce qu’ils ne trouvent personne pour voter à leur place. Entre les demandes qui nous viennent de la plateforme nationale, depuis le site internet du RN, et ceux qui viennent directement à la permanence, nous traitons jusqu’à 60 dossiers par jour." Un système quasi industrialisé, avec des délégués dans chaque circonscription "chargés de trouver des militants qui acceptent de voter pour ces électeurs", décrit Yoann Gillet.

Même stratégie de l’autre côté de l’échiquier politique. Rhany Slimane, influent insoumis de Montpellier, organise le service via le café-bar associatif, Le Quartier Généreux. "Nous avons une longue liste de volontaires et nous les mettons en relation avec celles et ceux qui cherchent à confier leur procuration. Rien que ce matin, nous en avons enregistré huit".

Un travail "intense"

Sur les 4e et 9e circonscriptions de l'Hérault, où il suit particulièrement les campagnes de Sébastien Rome et de Nadia Belaouni, il a même analysé les listes d’émargement des européennes de nombreuses communes – et il y en a beaucoup – pour débusquer des abstentionnistes qu’il connaît, afin de leur rappeler ensuite, par la voix de militants, les enjeux ô combien particulier de ce scrutin et leur proposer, si besoin… de gérer leur procuration. "C’est un travail intense, mais cela peut faire basculer un scrutin. Sur la 8e en 2022, Sylvain Carrière l’a emporté de 450 voix sur un total de 43 000 votes", ajoute-t-il.

Même les candidats plus modestes, sans structure militante, s’y mettent. Ainsi Flavio Dalmau (Écologie au centre), sur la 3e circonscription de l’Hérault, a bricolé sa plateforme numérique, "après avoir reçu une vingtaine de mails de personnes disant vouloir voter pour nous mais absentes".

63 % de votants ?

Ce boom des procurations semble annoncer un net regain de la participation. Une analyse que partagent les sondeurs, lesquels s’accordent tous, dans leurs dernières enquêtes d’opinion, sur une perspective de 63 % de votants. Cela représenterait, par rapport aux européennes, 6,4 millions supplémentaires d’électeurs sur un total de 49,4 millions d’inscrits. Et 8,6 millions de plus qu’aux dernières législatives. La promesse d’un scrutin possiblement historique.

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