Épileptique et championne du monde : Marion Clignet, l’ancienne cycliste devenue porte-drapeau des malades
|Marion Clignet, six fois championne du monde et doublée médaillée d’argent olympique sur piste, vit en Occitanie. Jelenew
La journée internationale de l'épilepsie, ce lundi 12 février, est l'occasion de rappeler que ces malades sont encore trop souvent discriminés. L'ancienne championne sur piste, bardée de médailles, se bat pour récolter des fonds et changer le regard sur cette maladie.
On enfourche souvent son vélo pour partir à la recherche d'un absent ou fuir quelque chose. Dans le cas de Marion Clignet, il s'agissait d'échapper à l'épilepsie. Cette maladie, la Franco-Américaine, née à Chicago de parents français, l'a vue lui tomber dessus à 22 ans.
Caractérisée par un dérèglement soudain et transitoire de l'activité électrique du cerveau, elle se caractérise dans sa forme la plus violente par des pertes de connaissance accompagnées de convulsions spectaculaires. "On m'a suspendu mon permis de conduire et je me suis mise au vélo pour garder mon indépendance", raconte Marion.
Recalée par l'équipe US, accueillie par la France
Un refus de la fatalité qui allait aussi avoir une haute portée thérapeutique : "À travers le sport j'ai sans doute apporté plus d'oxygène à mon cerveau et appris à bien reconnaître les signes annonçant une crise."
Du confort personnel à la haute performance il y avait un gouffre qu'elle a franchi à pas de géante : six fois championne du monde et recordwoman du monde de poursuite sur piste, deux fois médaillée d'argent aux JO 1996 et 2000. Le tout en n'ayant commencé les compétitions qu'à 25 ans !
"En 1990, l'équipe américaine a refusé de me prendre pour les mondiaux en me disant que j'étais un risque pour l'équipe, raconte-t-elle. Lucien Bailly, le DTN français de l'époque m'a proposé une place en équipe nationale. Je me suis installée en France et je ne l'ai plus quittée…"
Vainqueure d'une étape après avoir fait une crise
Son fabuleux palmarès en bandoulière, la voilà porte-drapeau d'une population de malades généralement exclus du royaume de la performance. Preuve vivante que l'on peut concilier épilepsie et haut niveau, jusqu'à cette incroyable anecdote : une crise qui la jette à terre pendant l'échauffement avant une étape du Tour du Finistère dont elle prendra le départ pour couper la ligne en vainqueur !
"Il y a 57 formes différentes d'épilepsies. Toutes ne sont certainement pas compatibles avec une pratique intensive du sport, tempère-t-elle. Tout dépend de la façon dont c'est géré mais je pense que le sport est une très bonne chose pour les gamins épileptiques."
"Le sport peut aider les enfants à mieux gérer les crises"
Sur fond de tabou et de craintes inavouables, le monde du sport entrouvre pourtant encore trop rarement ses portes. "Récemment, les parents d'un jeune malade très doué pour le ski acrobatique m'ont confié qu'aucun club ne voulait lui délivrer une licence, déplore Marion. Le risque il est là, avec ou sans l'épilepsie. C'est dur pour l'enfant car ça le prive d'un bonheur qui peut l'aider à gérer les crises. Certains milieux ne comprennent pas et je crois qu'il n'y a pas encore assez d'éducation proposée sur l'épilepsie."
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Fonds récoltés pour la recherche et une école adaptée
Pendant 14 ans, l'ancienne championne a organisé dans le Gers une cyclosportive pour récolter des fonds permettant de financer la recherche puis de construire un gymnase spécifique pour l'école Castelnouvel de Léguevin (Haute-Garonne), une des deux seules en France dédiées aux enfants épileptiques sévères. "On a inauguré en 2023 ce gymnase adapté avec un sol mou en cas de crise et des équipements adaptés", se félicite Marion, installée en Hautes-Pyrénées mais suivie au CHU de Montpellier.
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Après quinze ans de militantisme intense, elle a mis son association Sport4thérapie en sommeil. "J'avais besoin d'un petit break", confit-elle. Car sa vie d'athlète retraitée est celle d'une hyperactive : "Avec une coach en entreprise, nous proposons à des cadres développement personnel en lien avec le physique, la nutrition, le sommeil (Reflectin)".
Co designer, elle développe aussi une marque de vêtements purement féminins pour le vélo (Jelenew) et continue à militer pour la parité et l'égalité salariale au sein de l'Association française des coureures cyclistes. Un autre combat.