“Il faut que chaque euro dépensé soit utile” demande Frédéric Valletoux, ministre délégué à la santé attendu vendredi à Montpellier
|Frédéric Valletoux, ministre délégué à la santé et à la prévention : “Il faut mieux dépenser”. MAXPPP – Luc Nobout
Le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux se déplace ce vendredi 22 mars dans l’Hérault, à l’occasion du congrès national des maisons de santé pluriprofessionnelles organisé à Montpellier. En amont il visite l’Institut du cancer-Val d’Aurelle. Dans l’après-midi, des échanges sont prévus avec les membres de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de Lunel et du centre de santé du quartier Lemasson, à Montpellier.
Accès aux soins, convention des généralistes, déficits des hôpitaux publics et privés, économies… Frédéric Valletoux s’exprime sur les dossiers "chauds" de son ministère.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles, qui réunissent, sur un même lieu, des professionnels de santé en soins primaire, tiennent, les 22 et 23 mars, leur congrès national à Montpellier. S’ouvrira-t-il sur le constat que l’objectif fixé par le gouvernement de 4000 MSP a été tenu ?
C’est un objectif à horizon 2027. Le modèle fonctionne bien, d’abord parce qu’il répond à l’aspiration d’un nombre de professionnels de plus en plus important, notamment les jeunes générations, de travailler en équipe.
Les MSP permettent aussi d’ancrer dans les territoires une offre des soins, et le sujet de l’accès aux soins est aujourd’hui primordial.
Peu importe le nombre. Ce qu’il faut, c’est que ces projets soient portés par un vrai projet médical d’équipe. Les choses iront à leur rythme. Derrière, ces MSP s’insèrent dans un projet de territoire plus vaste en lien avec l’hôpital et le reste de la médecine de ville. Voir émerger des organisations territoriales de soins qui permettent de décloisonner et de faire travailler ensemble le public, le privé, l’hôpital, la ville, les spécialistes, les généralistes, les paramédicaux… est une de mes priorités, c’est un des grands enjeux des années à venir.
À l’occasion du congrès, ces MSP demandent un "Plan Marshall" pour "aller plus vite et plus loin, avec plus de moyens", vous y souscrivez ?
Je me méfie des grandes expressions qui font plaisir quand on les prononce et qui ne correspondent pas à la réalité. La réalité, c’est qu’aujourd’hui, on est dans un contexte contraint de finances publiques. On n’a pas besoin d’annoncer la lune pour mettre en place des solutions concrètes.
En 2017, la France consacrait 200 milliards d’euros à la santé. En 2024, c’est 255 milliards d’euros, plus de 30 % supplémentaires. Il faut qu’on arrive à mieux dépenser et à mieux flécher ce qui est utile, nécessaire, et qui sert la santé des Français, plutôt que de donner l’impression que la santé est un puits sans fonds dans lequel on doit, chaque année, injecter des milliards.
La France ne sous-finance pas son système de santé. En revanche, il y a des tensions : il faut qu’on paye mieux les salaires à l’hôpital, qu’on valorise et accompagne mieux des systèmes comme les maisons de santé… Le sujet est de mieux dépenser plutôt que de dépenser plus.
"Je suis optimiste sur la capacité des médecins libéraux à comprendre qu'il doit y avoir des engagements réciproques"
Les médecins généralistes demandent une hausse de leurs tarifs, les discussions ont repris avec la caisse nationale d’assurance maladie pour faire aboutir la convention qui les fixe. Êtes-vous favorable à ce que l’on en reste aux 30 euros la consultation et jusqu’à 60 euros pour certaines consultations complexes ?
Tout va dépendre des négociations en cours. Beaucoup de choses ont été mises sur la table et sont en discussion entre les syndicats et l’assurance maladie. J’ai compris que l’état d’esprit est plutôt positif et constructif même si on entend encore que "le compte n’y est toujours pas". Je suis optimiste sur la capacité à trouver un accord. À partir du moment où l’assurance maladie, c’est-à-dire l’État, est prête à accompagner financièrement une évolution de la consultation, je suis optimiste sur la capacité des médecins libéraux à comprendre qu’il doit y avoir des engagements réciproques. Pour le monde libéral, ce sera un engagement sur la prise en compte d’un certain nombre d’objectifs d’intérêt général qui tiennent à cœur au gouvernement et qui expriment les attentes des Français : une meilleure permanence des soins, la prise en charge de patients qui n’ont pas de médecin traitant…
Quand l’État finance des assistants médicaux pour venir soulager les médecins libéraux de tâches administratives, c’est pour permettre aux médecins de consacrer plus de temps aux patients. 6000 assistants médicaux déployés. L’objectif, c’est 10 000 d’ici la fin de l’année.
Elle sera signée d’ici l’été ?
Oui, j’espère, ils se retrouvent début avril.
Vous savez bien que les positions sont crispées sur la permanence des soins, notamment sur les obligations posées, vous êtes optimiste ?
Aujourd’hui, les libéraux ne sont pas absents de la permanence des soins : 40 % des généralistes y participent. Ils prennent des patients le soir après 20 h, le week-end et les jours fériés. C’est beaucoup, 40 %, mais ce n’est pas la majorité. On a sans doute des marges de progrès, avec des dispositifs attractifs, d’autant qu’il ne s’agit pas de rétablir des gardes 24 h sur 24 h.
Je rappelle aussi que dans la proposition de loi que j’avais portée, et qui a été adoptée en décembre dernier, on a rendu obligatoire permanence des soins pour les cliniques privées pour soulager les urgences hospitalières.
Dans le courant de l’année, on va accélérer la territorialisation du système de santé. Les délimitations, les territoires les feront eux-mêmes, avec les élus locaux, l’agence régionale de santé, les préfets, les représentants des hôpitaux, des cliniques, les libéraux… Peut-être que progressivement, ces derniers se sentiront emmenés par le collectif.
"L’Hérault aura un SAS en avril"
Le modèle de la permanence des soins, c’est le SAS, le service d’accès aux soins que Gabriel Attal souhaite voir déployé partout sur le territoire, qui permettra de trouver un rendez-vous en médecine de ville sous 48 heures hors urgence vitale, grâce à une collaboration entre médecine de ville et professionnels de l’urgence ?
Les SAS, c’est la régulation. Quand vous appelez le 15 et que le régulateur voit que le sujet est moins l’urgence vitale que l’obtention d’un rendez-vous chez un praticien, il oriente vers une plateforme tenue par les médecins de ville avec la capacité d’orienter vers des confrères qui ont des créneaux de rendez-vous disponibles à court terme.
Le SAS est déployé aujourd’hui dans 67 départements…
L’Occitanie a été pilote…
Oui. L’Hérault finalise son projet dans le courant du mois d’avril. L’Aude et les Pyrénées-Orientales fonctionnent, la Lozère est bientôt prête.
Depuis qu’on a lancé les premiers SAS en juillet 2022, 900 000 Français ont été orientés ainsi vers un médecin de ville. Tous les départements seront couverts en septembre.
"Dans notre système de santé, il y a aussi des rentes, des actes inutiles ou redondants"
Pour ça, il faut de l’argent, dans un contexte où le déficit des hôpitaux publics a atteint un niveau record l’an dernier, où un établissement du privé sur deux est en déficit. Ils attendent l’annonce des tarifs hospitaliers, il y a beaucoup de chantiers à mener…
Sur la campagne tarifaire, il ne faut pas s’affoler, les décisions arrivent. Elles sont complexes. Mon objectif, c’est que chaque euro dépensé soit utile à la santé des Français.
Je le dis, parce qu’il faut être honnête, dans notre système de santé, il y a aussi des rentes, des actes inutiles ou redondants, des dépenses qu’on pourrait faire de manière plus pertinente.
Où sont ces "rentes" ?
Sur certains actes qu’on fait par habitude, par confort ou par motivation financière.
Le remboursement par la Sécurité sociale des cures thermales ?
Je n’ai aucun tabou. L’essentiel c’est qu’on pérennise notre système universel de prise en charge adaptée aux besoins, dont on doit être fier. Si un jour il faut poser le sujet des cures thermales, regardons-le. Certains souhaitent qu’on regarde le sujet des affections longue durée. Cela ne veut pas dire qu’on va diminuer l’accompagnement des Français, ce n’est pas l’objectif.
"On ne va pas fermer un hôpital parce qu’il est en déficit"
Les déficits affichés par les établissements de santé, hôpitaux publics et cliniques privés, sont inquiétants ?
L’État connaît un déficit depuis près de cinquante ans et les choses tournent toujours. On ne va pas fermer un hôpital parce qu’il est en déficit. On sait qu’aujourd’hui, des hôpitaux sont prêts à réouvrir des services et des lits à partir du moment où ils parviendront à recruter. On n’est pas dans une approche de fermeture violente de services hospitaliers sous prétexte d’économies. On peut survivre à une année de déficit, pour peu que ce ne soit pas ad vitam aeternam.
Les soignants se disent à bout, comment répondre à cette situation ?
Oui, les soignants sont épuisés. À l’hôpital et jusqu’aux généralistes qui sont de moins en moins nombreux et qui abattent un boulot énorme. Il faut qu’effectivement on redonne du sens, qu’on finance mieux ce qui doit l’être, il faut qu’on fasse un effort sur les salaires hospitaliers, sur les petits salaires, pourquoi pas sur la consultation en libéral…
Mais le sujet n’est pas que financier. C’est aussi une question de sens qu’on donne à son travail, des conditions dans lesquelles il se fait. Il faut qu’on redonne de l’attractivité aux métiers à l’hôpital, et je pense aussi dans les Ehpad où les rythmes sont souvent très difficiles.
Qu’allez-vous dire aux médecins que vous allez rencontrer à Montpellier vendredi ?
Qu’on a besoin de tous se remonter les manches et de se serrer les coudes. Mon travail est de leur dire que j’ai confiance dans la mobilisation de tous les acteurs, et surtout je veux leur donner les moyens pour améliorer la situation dans les territoires, en faisant émerger des projets qui seront différents à Montpellier qu’ailleurs. On veut libérer les énergies.
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