“Il nuit à notre pays, juridiquement on ne peut rien faire” : l’autostoppeur Max le Suisse, insaisissable papi arnaqueur
|L’affabulateur ne demande jamais de l’argent et attend qu’on lui donne pour éviter les poursuites judiciaires. MAXPPP – Philippe Turpin
Depuis plus de 20 ans, un autostoppeur qui se fait appeler Max le Suisse, sévit sur les routes de l’hexagone. Au grand dam des représentants de la Suisse mais aussi de certaines victimes qui souhaiteraient le voir arrêter et juger. D’autres, au contraire, ne lui en veulent pas malgré l’arnaque.
"Oh mon Dieu… Encore Max le Suisse ? Il a refait des victimes ? Il nuit à notre pays ! Mais la problématique avec ce Monsieur c’est que juridiquement on ne peut rien faire contre lui" soupire Aniela Tréanton, ancienne consule honoraire du pays des Helvètes, dont le siège est basé en périphérie de Montpellier, quand nous évoquons le passage récent en région de son compatriote supposé.
Cette dernière connaît parfaitement le stratagème de cet autostoppeur qui sévit depuis au moins vingt ans sur les routes de l’hexagone.
Près de 600 témoignages sur un blog dédié
Il affirme donc être originaire de Suisse, s’être fait voler ses papiers, souvent en gare de Marseille et il doit rejoindre le consulat ou aller voir un proche très malade, sans avoir le moindre centime en poche.
"Il opère d’une manière tellement intelligente… Il dit qu’on l’a volé mais il ne demande rien et les gens ont pitié de lui et lui donnent de l’argent, il promet de rembourser et donne une fausse adresse" poursuit Aniela Tréanton qui a souvent, ensuite, alerté le consulat général à Marseille, ne pouvant rien faire d’autre.
Sur le blog dédié qui recense les arnaques de l’autostoppeur, pour éviter d’éventuelles déconvenues à d’autres automobilistes, près de 600 personnes témoignent. Ses zones de prédilection sont représentées sur une carte : l’Hérault, le Gard ou l’Ardèche, Marseille, Rhône-Alpes ou encore Poitiers.
L’escroc sur une photo publiée en 2009, sévit dans des secteurs ciblés de l’hexagone. MIDI LIBRE – Sophie Wauquier
Certains n’ont donné que quelques euros ou payé un café à Max, Ulrich, Carl ou Edgar, c’est selon. D’autres ont eu la main plus généreuse, l’invitant chez lui, où lui prêtant 100, 200, 500 euros voire plus…
"Moi, il m’a pris 800 €… J’attends ou j’attends pas mes chocolats ?"
"J’ai eu le même discours… 800 euros… J’attends ou j’attends pas mes chocolats ?" grince avec humour Marine, arnaquée avec toujours la même promesse : un virement bancaire à venir pour le remboursement et, en prime, des chocolats ou de la viande des grisons, spécialités Suisses, ou carrément, une invitation dans le superbe chalet alpin de son beau pays…
"J’imagine que la viande des grisons si particulière ou le petit séjour chez toi je peux me le mettre où je pense… Chapeau… J’ai rien vu" commente un Marseillais en 2019.
"Il se balade gratuitement et prend l’argent en jouant sur ces croyances que les Suisses ont des moyens supérieurs" analyse l’ex consule honoraire. Chez les gens abusés par l’octogénaire à l’immuable chemise branche, différentes attitudes se détachent.
Ceux qui pardonnent aussitôt à la charité chrétienne chevillée au corps : "Nous ne regrettons rien, et si nous avions su dans quelle détresse vous êtes probablement en réalité, nous vous aurions donné davantage" écrivent deux dames qui demandent même de ses nouvelles.
"C’est le François Damien des routes… Je dis chapeau l’artiste"
"Mieux vaut en rire. S’il lit ces lignes, il poussera peut-être l’élégance dont il a fait preuve à me rembourser" écrit aussi un prêtre missionnaire en Amazonie, dépossédé de 200 euros destinés "à des vrais pauvres".
C’était à Montpellier, en 2021. Un autre, spolié de 50 €, avec qui il avait engagé une longue conversation sur le musicien Franck Zappa le taxe de "François Damien des routes sans caméra caché, je dis chapeau l’artiste".
Mais d’autres l’ont amers et lui promettent l’enfer s’ils le retrouvent. Ce qui arrive comme a pu témoigner un Audois dans un journal Suisse… En 2009 : "Près de Narbonne, je l’ai croisé après m’être fait avoir. Je l’ai donc félicité, lui disant qu’il était bon menteur et arnaqueur et il m’a remboursé en s’excusant".
"Il y a matière à poursuite"
En 2017, à Rodez, un automobiliste grugé le reprend en stop par hasard, Max le reconnaît et le rembourse aussitôt… D’autres affirment l’avoir retrouvé et pris son sac dans lequel il y avait des factures d’hôtel et un stock de chemises blanches. Enfin, certains déposent des mains courantes, veulent qu’il soit arrêté et puni en prison.
Ce qui est arrivé en 2009, du côté de Brive-la-Gaillarde, mais la justice a estimé que les gens avaient donné l’argent de leur plein gré et que l’infraction est insuffisamment caractérisée.
"À partir du moment où il utilise le mensonge en vue de se faire remettre des sommes d’argent, même s’il ne le sollicite pas directement, en utilisant la crédulité de la personne, il y a matière à poursuite, c’est une manœuvre frauduleuse caractéristique de l’escroquerie" estime néanmoins Me Baptiste Scherrer, avocat pénaliste à Nîmes.
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