Insolite. Comment le trône en or de l’empereur sanguinaire Bokassa 1er a fait revivre un château près de Montpellier

Insolite. Comment le trône en or de l'empereur sanguinaire Bokassa 1er a fait revivre un château près de Montpellier

Jean-Bedel Bokassa s’était fait couronner empereur à Bangui le 4 décembre 1977. Keystone Pictures USA – Keystone Pictures USA

La mise en vente aux enchères, ce dimanche 26 mai, d'une réplique du trône du dictateur de République de centrafrique ravive un épisode oublié de l'histoire de l'Hérault : en 1978, Olivier Brice, un artiste parisien sulfureux qui avait fait fortune grâce à ce sacre controversé avait racheté le château de Cambous, à Viols-en-Laval, pour y créer un très éphémère musée, inauguré par Georges Frêche en 1984.

Il mesure trois mètres de haut, il est en acajou massif, doré à la feuille d’or, et sera l’un des objets phares d’une vente aux enchères organisée dimanche 26 mai au château d’Artigny, près de Tours, par la maison Rouillac, à côté du fameux scooter que conduisait François Hollande pour rejoindre discrètement Julie Gayet depuis l’Elysée. Ce siège hors-norme est une réplique parfaite du trône du dictateur sanguinaire de la République centrafricaine Jean-Bedel Bokassa, autoproclamé empereur à Bangui le 4 décembre 1977, et réalisé par la marque parisienne Percier et Fontaine.

"Pas du tout là pour glorifier ce dictateur"

"Je ne suis pas du tout là pour glorifier ce dictateur peu recommandable" insiste Rémi le Forestier, responsable de cette société spécialisée dans le meuble de style historique, "pour l’hôtellerie, l’événementiel, ou le cinéma" et leader depuis quinze ans sur un marché de niche : celui les trônes.

Insolite. Comment le trône en or de l'empereur sanguinaire Bokassa 1er a fait revivre un château près de Montpellier

La copie du trône, grandeur nature, proposée à la vente. Percier et Fontaine

"On en vend une centaine par an en Europe, beaucoup pour des opérations commerciales à Noël, mais aussi pour des clips de rap. C’est en préparant une exposition sur les trônes, en 2023 au château des Princes de Condé, dans l’Aisne, que j’en ai eu l’idée pour montrer notre savoir-faire : c’est un peu le roi des trônes, je n’en connais pas de plus imposant." Huit mois de travail plus tard, la copie du siège de Bokassa a été exposée à côté de celle, en fer, de Game of Throne. Depuis, l’entreprise cherche, en vain, à le vendre.

10 000 € pour cette réplique monumentale du trône de Bokassa

Si vous avez de très hauts plafonds et beaucoup de place chez vous, vous pourrez vous offrir la réplique du trône de l’empereur Bokassa, mise en vente ce dimanche 26mai par la maison Rouillac au château d’Artigny, près de Tours. Et c’est également au même prix de départ qu’est mis aux enchères le fameux scooter ayant appartenu à François Hollande, avec lequel il allait rejoindre discrètement Julie Gayet depuis l’Elysée.

Un épisode marquant de l'histoire du département de l'Hérault

Mais au-delà de l’anecdote, l’image de ce siège impérial ravive le souvenir d’un épisode qui a marqué le département de l’Hérault. Car le 31 janvier 1978, moins de deux mois après le sacre de l’ancien capitaine de l’armée française, devenu chef de la République centrafricaine via un coup d’État en 1966, un artiste rachète pour 1,3 million de francs, un bâtiment menacé par la décrépitude près de Montpellier. Une histoire racontée en détail par l’érudit héraultais Christian Pioch, dans un ouvrage très documenté.*

Estimé à l'époque à 2,5 millions de francs

Olivier Brice, un artiste qui devient à 45 ans le nouveau propriétaire du château de Cambous, à Viols-en-Laval, non loin du Pic-Saint-Loup, roule alors sur l’or : c’est lui le créateur du fameux trône doré de Bokassa 1er, estimé à l’époque à 2,5 millions de francs. Il a aussi décoré le rutilant carrosse de cet éphémère monarque africain, fasciné par Napoléon, et cousu sa garde-robe pour la cérémonie. Car l’homme a plusieurs cordes à son arc : il a débuté sa vie professionnelle dans la haute couture à Paris, sous le nom de Michel Tellin. Il mêle ses talents en créant des sculptures recouvertes de drapés, qui attirent l’œil : c’est après avoir vu sa Venus de Milo à Beaubourg en 1976 que les conseillers culturels de Bokassa lui confient le marché de la cérémonie impériale.

Un dictateur accusé de cannibalisme

Un jackpot très polémique : le sulfureux dictateur est accusé d’avoir fait massacrer des enfants et de ruiner son peuple. On raconte qu’il jette ses opposants aux crocodiles, qu’il serait aussi cannibale…

"Cela m’a beaucoup plus amusé que rapporté. Si ce n’est pas mal de jalousie à Paris, ce qui m’a poussé à venir me mettre au vert, à prendre du recul" explique Olivier Brice à Midi Libre, le 13 juillet 1982. L’artiste met en avant son besoin d’espace pour justifier l’achat du château : "Je faisais des sculptures monumentales et j’étais obligé de les détruire une fois les expositions terminées".

Un compagnon moine trappiste défroqué

Entre 1978 et 1984, il se lance avec son compagnon, un ancien moine trappiste barcelonais devenu artiste peintre, dans la rénovation de ce château classé monument historique, tout en faisant tourner sa boutique de vêtements de luxe.

"À ma mort, le pays en héritera et ma volonté est qu’il devienne un musée" insiste ce personnage étrange qui se dit proche de Salvador Dali, et laisse entendre avoir été très intime avec lui. En juin 1983, le château est classé Monument historique, puis ouvert au public. Le 29 juin 1984, Georges Frêche, député maire de Montpellier, inaugure officiellement le musée qui expose des centaines d’œuvres d’Olivier Brice et de son compagnon tout comme des toiles de maître : Cézanne, Dali, Daumier, Masson, Picasso, Rodin, et des créations de César ou de Vasarely.

Rattrapé par une dette fiscale colossale

Mais après le dîner aux chandelles dans le parc du château, et le somptueux spectacle pyrotechnique tiré ce soir-là, le musée de Cambous ne fera pas long feu : il ferme en mai 1985, alors qu’Olivier Brice, rattrapé par une dette fiscale colossale de plusieurs millions de francs, évacue ses œuvres en urgence vers la Belgique, et quitte définitivement les lieux. Non sans avoir accueilli avant son départ une visite hautement symbolique : Jean-Bedel Bokassa lui-même, destitué et exilé en France en 1979, après avoir été chassé du pouvoir. L’empereur déchu a tenu à venir voir au château de Cambous, juste avant sa ruine, celui dont il avait fait la richesse.

Le château de Cambous, Arts et traditions rurales, 2 016. Je m’abonne pour lire la suite

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