La cité d’Alès vaut bien (plus) qu’une visite

La cité d'Alès vaut bien (plus) qu’une visite

Benjamin Gai, guide conférencier, détaillant la plus ancienne statue de la ville (1896) représentant Louis-Pasteur. Midi Libre – STEPHANE BARBIER

Le guide conférencier Benjamin Gai révèle une histoire tourmentée et passionnante de la cité.

C’est par la citation, avérée ou pas, d’Henri IV, “Paris vaut bien une messe” , que la question se pose au sujet du patrimoine historique d’Alès. Et pour cause. Avec deux châteaux devenus rivaux rasés par Louis XIV, un centre historique déblayé par le maire Béchard sur l’autel du progrès au mitan des années 50, un fort Vauban fermé au public et encore, la façade d’une ancienne église des Cordeliers occultée par des panneaux photo voltaïques, le moins que l’on puisse dire est que la ville ne déborde pas d’atout. Au premier regard…
Car c’est sans compter la visite assurée par le guide conférencier Benjamin Gai, grandi dans la plus vieille rue de la cité, conduisant en cette matinée du 20 août, un groupe de quatre curieux…

Béchard, le maire qui terrassa le patrimoine…

Deux heures durant, l’homme fait émerger cette histoire ensevelie par les tourments de l’histoire.
Pour deux raisons majeures : la religion et l’économie. En embrassant la pensée protestante sujette à l’intolérance grandissante de Louis XII puis Louis XIV, la protection de l’édit de Nantes (1 598) se désagrège. La ville assiégée se souvenant du terrible sort réservée à la ville de la Rochelle, abdique. Un temps politique fort représenté par le tableau de Jean-François Cabane avec la signature de la paix d’Alais (1 629) installé dans l’escalier de l’Hôtel de ville.
Petit aparté, c’est l’erreur d’un scribe, dit-on, qui donnera l’orthographe Alais, n’autorisant pas la prononciation du “S” que feront corriger, en 1926, les membres de la société littéraire et scientifique en exigeant le retour à la graphie Alès.
Retour en 1 629. La destruction des châteaux de Montalet et Bernard d’Anduze, disposé l’un sur la butte de la Roque, l’autre en face est ordonnée. Avec ses éléments de pierres le fort Vauban (1685-1688), mi-garnison des dragons du roi et prison jusqu’en 1990, dont le célèbre Henri Charrière dit “Papillon” dresse ses hauts murs.
Dirigeant ses canons sur la ville, le pouvoir royal n’aura alors de cesse de marquer de son empreinte catholique le pays. L’exil des fortunés protestants appauvrit la région et le pays, tandis que les réfractaires demeurant sont promis aux galères ou à l’emprisonnement. Le grand incendie achève de faire disparaître les temples encore debout tandis que l’église Saint-Jean-Baptiste, créée en 1694, deviendra cathédrale avec la construction du palais épiscopal par monseigneur D’Avejan, actuel bâtiment de la caisse d’Épargne, en 1 741. Distinction qu’elle conserve de manière historique depuis le rattachement de l’évêché à Nîmes. Après deux siècles d’affrontements, la signature de l’édit de Versailles (1 788) signe la fin des hostilités et le temple signé Revoil est érigé 1 864. Mais les outrages faits à la cité se prolongent alors que survient le second temps de la ville avec l’économie de la soie et du charbon. La statue de Louis-Pasteur (1 896), à l’orée du parc du Bosquet au pied de Vauban, atteste de la puissance de son économie. Et de son inquiétude lorsque surgissent les fléaux de la pébrine et de la flacherie auxquelles Louis-Pasteur, élève de Jean-Baptiste-Dumas, effectuant plusieurs séjours entre 1865 et 1869, proposera un protocole sauvant, pour un temps, la production locale. Une statue ayant échappé à l’avidité des Allemands pendant la Seconde guerre, contrairement à celle du poète Florian qui surplombait en son temps la sculpture d’Estelle et Némorin au cœur du parc Beltrame aujourd’hui. La reconstruction de la France par l’effort consenti par les mineurs offre un développement économique sans précédent. 22 000 mineurs, de France et d’ailleurs, s’affairant sur le site cévenol dont la découverte de Mercoirol fermera en 1990. Avec près de 80 000 personnes liées à l’activité minière, le besoin de place se fait sentir.

Entre tourments et passions, Alès façonne sa singularité

Poussé par la nécessité de lutter contre l’insalubrité, et alors que la décolonisation s’accélère, le maire Paul Béchard fait tout raser… La place du marché couvert, plus grande que la place aux Herbes d’Uzès, et son pavillon Baltard y passe. L’auberge du Coq hardi qui aurait accueilli Richelieu, également. Le théâtre à l’italienne, actuel office de tourisme, victime d’un incendie en 1950, est détruit tout comme le lycée Jean-Baptiste-Dumas en centre-ville. " Un vrai carnage " ne peut s’empêcher de réagir Aurore… Mais l’attachement des Alésiens à leur ville et la tertiarisation de son économie forgent une identité nouvelle. Entre tourments et passions, Alès façonne, encore et toujours, sa singularité.

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