“Le Carmat m’a sauvé” : implantés au CHU de Montpellier, ils racontent leur vie avec le coeur artificiel
|Jean-Bernard Gadolet avec l’équipe de réanimation d’Arnaud-de-Villeneuve. Il a été transféré dans le service de chirurgie cardiaque ce vendredi 9 février. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH
Le 13 décembre et le 23 janvier dernier, Jean-Bernard Gadolet et Patrick Rey ont été implantés avec un Carmat, le coeur artificiel, au CHU de Montpellier, seul centre du sud de la France à participer à l'étude clinique Eficas, destinée à valider la fiabilité et l'efficacité du dispositif. Elle est coordonnée par le Pr Philippe Gaudard, chef du service d'anesthésie réanimation de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve.
"T… t… t… t…" Allongé dans un lit du service de réanimation de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve, Jean-Bernard Gadolet, 70 ans, bat la mesure à la façon des battements d'un métronome. À la question "Comment vous sentez-vous avec le Carmat ?", le geste fait écho aux courbes parfaites de l'électrocardiogramme, et aux paroles rassurantes du retraité, venu de Bourg-en-Bresse pour recevoir un cœur artificiel au CHU de Montpellier, le 13 décembre dernier.
L'histoire du Carmat. SOPHIE WAUQUIER
Il s'agit de la première implantation du Carmat réalisée dans le sud de la France, dix ans après le lancement de l'aventure proposée à 50 patients en Europe. Le CHU de Montpellier est un des centres français habilités à proposer le dispositif à des patients en insuffisance cardiaque sévère, sans possibilité immédiate de greffe. Le programme est coordonné par le professeur Philippe Gaudard, chef du service d'anesthésie-réanimation de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve, coordonnateur de l'étude clinique Eficas, qui devra, d'ici 2025, prouver l'efficacité et la fiabilité de la prothèse.
"Le Carmat m'a sauvé la vie", dit Patrick Rey, 60 ans, implanté à son tour le 23 janvier dernier au CHU de Montpellier. Le Biterrois arrivait au bout d'un parcours médical complexe, après un infarctus en 2011, un double pontage… jusqu'à une hospitalisation en soins intensifs juste avant la pose du Carmat. "Les derniers temps étaient très difficiles", relate le Pr Gaudard.
"Je fais avancer la science, c'est pour ça que je suis là", témoigne aussi Patrick Rey, toujours hospitalisé en réanimation .
"J'étais au bout du rouleau, ce n'était pas une vie"
"Alors, vous nous quittez monsieur Gadolet ?" Ce jeudi 8 février, Jean-Bernard Gadolet s'apprête pour sa part à quitter la "réa" pour rejoindre le service d'hospitalisation de chirurgie cardiaque, un étage au-dessus. Il a passé la matinée dans un fauteuil et marche quotidiennement. Sylvie Méjean, l'infirmière coordonnatrice, plonge dans les documents qui permettront à son patient de "manipuler" le Carmat, et qui feront l'objet d'une éducation thérapeutique, à l'hôpital puis dans la phase de récupération en rééducation, avant le retour à la maison.
Le Pr Gaudard et son premier patient Carmat, Jean-Bernard Gadolet.
En juillet dernier, il était "au bout du rouleau" : "J'étais fatigué, j'étais sous oxygène en permanence, ce n'était plus une vie. Le Carmat, j'en avais entendu parler, comme tout le monde. J'ai pris la décision en mon âme et conscience, en accord avec ma famille, et j'y suis allé serein parce que c'était la solution qui me paraissait la plus adaptée, même si l'opération était lourde. Sinon, je restais comme j'étais, sous assistance, avec deux consoles de pompes à gérer car j'ai une insuffisance du ventricule droit et du ventricule gauche du cœur".
Candidat à la greffe, Jean-Bernard Gadolet avait peu de chance de recevoir un greffon, compte tenu du son âge et de son profil, rappelle le Pr Gaudard, qui évoque une intervention "difficile". Les chirurgiens Philippe Rouvière et Alexandru Nigoléan ont opéré pendant huit heures.
"J'avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête"
Jean-Bernard Gadolet se lève depuis quelques jours, après "deux mois d'un séjour inhabituel en réanimation", souligne le Pr Gaudard. aura pleinement récupéré et que le Carmat aura livré quelques-uns de ces secrets, la prothèse lui sera enlevée et il deviendra prioritaire sur les listes d'attente, selon le protocole établi dans l'étude clinique. En espérant qu'elle montrera qu'"un jour, les patients pourront garder le cœur artificiel toute leur vie",
Entre les contraintes et le risque d'un essai clinique, et le résultat pour le patient, le bilan est, pour l'instant, gagnant-gagnant : "Aujourd'hui, je n'ai pas d'appréhension. J'avais déjà un défibrillateur, une machine dans le corps… on ne peut pas deviner l'avenir, mais je n'ai plus d'épée de Damoclès au-dessus de la tête, ce n'est que du bénéfice !", se félicite le premier patient Carmat de Montpellier.
S'il vit "au jour le jour", il a hâte de revoir sa famille, et ses deux petits enfants qui ont envoyé des mots d'encouragement affichés au pied de son lit. Le médecin a promis : "Vous allez pouvoir reprendre une vie normale".
Le Pr Philippe Gaudard : “Les patients les plus urgents, sans solution alternative”
Le Pr Gaudard est chef du service d'anesthésie réanimation de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve.
Comment avez-vous sélectionné les premiers patients opérés ?
Il s'agissait des patients les plus urgents, sans solution alternative. Le choix a été fait en réunion pluridisciplinaire, en fonction de la pathologie, et de l'état du patient.
Combien de patients devraient être implantés avec un cœur artificiel au CHU de Montpellier ?
Cinq nouveaux patients en 2024. C'est l'objectif.
Comment les candidats arrivent-ils jusqu'à vous ?
Par une filière médicale, par leur cardiologue.
C'est une fierté de participer au programme ?
Je ne sais pas si c'est une fierté, en tout cas, c'est une aventure passionnante. On a intégré ce programme avec beaucoup d'enthousiasme et les deux premières implantations nous confortent dans ce sentiment. Il faut beaucoup de conditions pour rentrer dans le programme, réservé à peu de patients, mais c'est un espoir pour l'avenir qui élargit notre panel thérapeutique.
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