Le MO.CO. à Montpellier accueille la plus importante exposition de Kader Attia dans le sud de la France

Le MO.CO. à Montpellier accueille la plus importante exposition de Kader Attia dans le sud de la France

La puissante installation “Culture, Another Nature Repaired” (2024) occupe toute une salle des enfers vus par Kader Attia. J.BE

Le MO.CO. accueille jusqu’au 22 septembre, “Descente au paradis”, une impressionnante exposition monographique du célèbre artiste plasticien Kader Attia.

C’est la première exposition de cette importance pour Kader Attia dans le Midi de la France ; ce qui n’est pas anodin pour cet artiste important dont les cimes s’étendent à l’internationale mais les racines s’enfoncent sous la Méditerranée.

Sculpture, peinture, photo, collage, installation, vidéo… le plasticien franco-algérien fait feu de tout bois, sans jamais envisager l’art pour l’art, mais en disant toujours à travers lui les blessures du monde et la nécessité de les panser autant que les penser. "On évoque souvent la dimension politique du travail de Kader Attia, notamment au travers de son idée de la réparation, mais pas assez de la beauté de son œuvre. C’est cette réflexion qui a conduit à l’organisation de cette exposition", explique Numa Hambursin, le directeur général du MO.CO. Pour esthétique qu’elle soit, et poétique qu’elle sonne, ladite exposition n’abandonne pas tout discours éthique, politique. Bien au contraire ! Jusque dans la physicalité du parcours muséal propre au centre d’art contemporain montpelliérain.

Découvrant que la circulation s’y fait depuis le premier étage en descendant par paliers jusqu’au sous-sol, Kader Attia y a vu l’exact opposé de la promesse de la modernité et du capitalisme fondé, selon lui, sur la croyance « illusoire » en la progression (ou accumulation, c’est égal) constante vers le haut, vers le toujours plus haut. Moralité : son expo, qui veut inviter au mouvement inverse, s’intitule “Descente au paradis” et, dans une désescalade d’inspiration dantesque, nous invite successivement au purgatoire, aux enfers et enfin à l’éden.

Au purgatoire

Le premier est celui de l’attente et de la partance, de leur ambivalence. Ainsi, une superbe série de photographies d’hommes de dos contemplant l’horizon depuis la baie d’Alger nous dit le rêve de l’exil. Qu’un seul tienne et les autres suivront ? Effectivement, un seul ne scrute pas le lointain mais l’actualité dans son journal. Avec Kader Attia, le sens est toujours là, offert, limpide, poétique, compréhensible avec les tripes, le cœur.

Une installation de vêtements couleur bleu Mare nostrum s’intitule “La mer morte” (2015). Une sculpture de néons clignote « DémonCracy » (2003). Une barrière grillagée incrustée de pavés est titrée “On n’emprisonne pas les idées” (2018). À ces évidences métapho-graphiques, on peut préférer la superbe série de collages “Following the modern genealogy” (2012-2018), remplie de références architecturales et de souvenirs intimes, que jouxtent la projection d’un lent travelling verticale sur la face d’un immeuble de la Seine-Saint-Denis, où l’artiste a grandi.

En enfers

Au rez-de-chaussée, le séjour aux enfers impose le silence. La série “Culture, Another Nature Repaired” (2024) occupe toute une salle : des bustes en bois monumentaux sculptés au ciseau et à la hache qui opèrent la rencontre de l’art africain traditionnel et de l’art moderne, et forment une assemblée de gueules cassées, victimes autant que vigies d’un monde blessé. “On silence” (2018) qui mobilise une autre salle, nous fait lever les yeux au ciel : étrange effet que celui d’un plafond jonché de prothèses anciennes…

Le "travail critique sur les angles morts de la modernité", comme le définit lui-même Kader Attia, se poursuit avec une collection de crucifix issus de cultures non occidentales christianisées de force et en contrepoint l’installation “Intifada, the endless rhizomes of revolution” (2016) avec ses arbres de métal où bourgeonnent les lance-pierres…

Au paradis

Passé l’installation de vingt-et-un bâtons de pluie sur bras motorisés qui suggère la nature circulaire du temps, tout en apaisant nos crânes en pleine tempête, on descend, enfin, au paradis… que le plasticien imagine du côté de l’ancien royaume de Lan Na en Thaïlande.

Un diptyque de très belles vidéos projetées sur l’entièreté d’un mur témoigne, par la voix d’un paisible transsexuel du rapport singulier aux fantômes et aux arbres que cultivent les habitants, bouddhistes et animistes, de cette partie du Triangle d’or. On s’affale sur des coussins pour n’en rien louper, et l’on rêve de notre lien réparé avec la nature, avec le monde. L’art de Kader Attia n’a pas d’autre fin.

“Kader Attia – Descente au paradis” au MO.CO., 13 rue de la République, Montpellier. Jusqu’au 22 septembre, du mardi au dimanche. www.moco.art Je m’abonne pour lire la suite

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