Lea Vicens : « Remplir les arènes est notre meilleure arme pour maintenir la corrida »
|Lea Vicens figure toujours en haut de l’escalafon des cavaliers. Midi Libre – Stéphan Guin
La star française du toreo à cheval, quatre fois numéro un de l’escalafon, évoque son mano a mano avec Pablo Hermoso de Mendoza qui célèbre ses adieux à Béziers.
Est-ce une fierté d’être au cartel des deux seules corridas à cheval organisées à Béziers en 20 ans ?
Au-delà de mon cas, l’essentiel est que cette arène ait enregistré des grandes affluences chaque fois ce qui est formidable pour la tauromachie. Ces corridas réunissent à la fois des spécialistes du cheval, des néophytes et des familles. Tous les types de public sont présents pour remplir les arènes. Béziers occupe une place particulière dans mon cœur car j’y ai connu de grands triomphes et je m’y suis toujours sentie aimée et soutenue.
"Il y aura un avant et un après Mendoza dans l’histoire"
Que représente Pablo Hermoso de Mendoza pour la corrida à cheval ?
C’est à la fois une figure d’époque, une légende, une référence et un modèle. Il est admiré de tous les aficionados et professionnels. Dans l’histoire, il y a eu un avant et un après Mendoza. Il a transformé la corrida à cheval en restant fidèle à un classicisme absolu en investissant beaucoup dans le dressage de ses chevaux. Le rejon n’est plus basé uniquement sur le combat mais il a créé une chorégraphie sans céder au tremendiste en respectant le toro et ses chevaux.
C’est une source d’inspiration pour tous les cavaliers. Il a beaucoup travaillé le temple et le face-à-face avec le toro. Il faut être très respectueux des rejoneadors avant Mendoza mais il a exigé du bétail de qualité alors qu’avant, on ne toréait que les toros que refusait la corrida à pied. Nous avons maintenant des élevages dédiés au rejon comme Capea, Bohorquez ou Los Espartales… Les toros ont beaucoup de cadences ce qui permet le toreo à cheval actuel de côté, avec des pirouettes…
Comment se déroule cette saison 2024 ?
C’est un excellent début de temporada avec des triomphes importants dans de nombreuses arènes et notamment dans plusieurs grandes ferias. J’aurai pu ouvrir une troisième grande porte à Madrid sans les aciers. J’ai eu la chance de toucher plusieurs bons toros et d’avoir l’adhésion des publics. Ces succès m’ont permis de gagner des contrats et me permettent de rester au sommet de l’escalafon.
Est-ce une reconnaissance de vous maintenir depuis une décennie au sommet ?
Arriver au sommet peut être le fruit de la chance et d’une accumulation de triomphes. Mais durer impose une persévérance et un énorme travail au quotidien. Les exemples sont nombreux de toreros qui ont brillé, avec des petits miracles à Madrid ou Séville, puis ont été rapidement oublié ensuite. Cela fait une décennie que je suis au sommet de l’escalafon et mon plus beau compliment a été le jour où Pablo Hermoso de Mendoza a déclaré qu’il me considérait comme un concurrent sérieux. Je n’étais plus l’attraction de la petite nîmoise.
Au quotidien, je travaille de nouvelles séquences pour progresser et j’investis pour renouveler mon écurie pour sortir de nouveaux chevaux vedettes. Actuellement, j’ai Panthère et j’espère qu’un toro me permettra de le présenter en France à Béziers. Il faut rester vigilent quand on fait débuter un cheval car, avec un mauvais toro, on peut pénaliser des mois de travail d’apprentissage.
"La corrida n’a pas d’être défendue mais maintenue"
Votre carrière est unique pour une femme. Où puisez-vous encore votre motivation ?
Je n’aime pas cette question ! Je veux juste être comparée aux toreros de mon époque et non pas aux femmes qui ont déjà brillé dans le passé. Le torero est UN torero. Le toro ne sait pas s’il affronte un homme ou une femme. Je suis animé par ma passion qui ne se dément pas. Quand on est accro de quelque chose, on ne ressent pas de lassitude et je me lève tous les matins avec l’envie de me perfectionner et de créer de nouvelles figures et améliorer ma gestuelle. Avec la passion, on n’a pas le sentiment de travailler.
La situation politique en France peut représenter une menace sur l’avenir de la tauromachie. Quelle est votre analyse ?
Un torero est un personnage a politique. Les gens se moquent de mes opinions et je suis là pour créer des émotions sur le sable. Le risque d’interdiction existera toujours mais le peuple du toro a démontré que remplir les arènes est notre meilleure arme. Il faut rester passionné et cela va nous maintenir. La corrida n’a pas besoin d’être défendue mais maintenue.
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