Mort d’Alain Delon : “Le meilleur et le pire, à la fois inaccessible et si proche”, retour sur la carrière du dernier monstre sacré du cinéma
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Un grand fauve est mort, qui fascinait et divisait à la fois. Retour sur une carrière aussi longue que mouvementée.
Icône du cinéma mondial, acteur instinctif à la beauté incandescente mais aussi réac assumé à l’ego énorme, Alain Delon s’est éteint ce dimanche 18 août à l’âge de 88 ans.
"Alain Fabien, Anouchka, Anthony, ainsi que (son chien) Loubo, ont l’immense chagrin d’annoncer le départ de leur père. Il s’est éteint sereinement dans sa maison de Douchy, entouré de ses trois enfants et des siens", affirment-ils d’une même voix, tournant le dos à des mois de bisbilles par médias et justice interposés quant au sort de la star, affaiblie par la maladie. L’acteur de "Plein soleil", de "La piscine" et du "Samourai" est décédé vers 03 h 00, a précisé son fils Anthony à l’AFP.
"Alain est dans une solitude profonde, choisie, dans un autre monde, dans le passé avec des êtres qu’il a aimés très fort. Son mal-être a toujours été présent", disait en 2015 à l’AFP son ancienne compagne, Mireille Darc, avant les 80 ans de la star. "Le meilleur et le pire, à la fois inaccessible et si proche, froid et brûlant", résumait Brigitte Bardot pour les 80 ans de l’acteur.
Loin des acteurs cérébraux, Delon était un instinctif de génie. Il s’enorgueillissait de n’avoir jamais travaillé sa technique et s’appuyait sur son charisme, mélange unique de beauté incandescente et de froideur cassante.
"Ce n’est pas un acteur normal, Alain Delon. C’est un objet de désir. Il n’est même pas ni sexy, ni masculin, ni féminin : c’est une beauté infernale", soulignait le comédien Vincent Lindon dans le documentaire "Revolvers" en 2012. "Moi, je peux regarder des photos d’Alain Delon des heures et des heures, ajoutait-il. C’est ce qu’il y a de plus beau à voir au monde, Alain Delon. Tout est parfait. C’est plus beau à regarder qu’une belle femme".
Samouraï
Le cinéaste le plus important dans sa carrière est Jean-Pierre Melville, qui le dirige dans deux chefs-d’Å“uvre, "Le samouraï" (1967) et "Le cercle rouge" (1970), avant "Un flic" en 1972. Ces rôles définissent le mythe Delon, qu’il exploitera dans de nombreux autres polars par la suite : l’homme d’honneur viril et taiseux, obligé de se battre seul contre des forces qui le dépassent.
Ce personnage archétypal inspirera des réalisateurs du monde entier, comme le Hong-Kongais John Woo ou l’Américain Quentin Tarantino, alors même que le Français n’a jamais percé à Hollywood.
De rivalité en rares collaborations ("Borsalino" en 1970 et "Une chance sur deux" en 1998), la carrière de Delon se construit parallèlement à celle d’un autre monstre sacré, son ami Jean-Paul Belmondo.
Parfois critiqué, souvent admiré
"Lui et moi, c’est le jour et la nuit", écrivait "Bebel" dans un livre de souvenirs en 2016. Belmondo, c’est le fils de bourgeois à la gouaille de Gavroche quand Delon est un enfant du peuple à l’allure hiératique. Mais si l’acteur Delon était unanimement admiré, l’homme a souvent été critiqué et jugé antipathique.
Certains lui ont reproché ses prises de position, en faveur de son ami, le leader d’extrême droite Jean-Marie Le Pen, pour la peine de mort ou contre l’homosexualité, qu’il avait qualifiée de "contre-nature". Son retour à Cannes, en mai 2019, avait d’ailleurs été précédé d’une polémique, des féministes contestant l’honneur fait à Delon.
Cet homme de droite revendiqué, nostalgique des années De Gaulle, était aussi moqué pour son ego et son habitude de parler de lui à la troisième personne. Après la mort d’Alain Delon, les cinéphiles qui l’adulaient repenseront sans doute à la phrase d’introduction du "Samouraï": "Il n’y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï, si ce n’est celle d’un tigre dans la jungle… Peut-être…"