“On avait déjà des débats avec les malades” : à Montpellier, la clinique du Motoneurone fait référence sur la maladie de Charcot

"On avait déjà des débats avec les malades" : à Montpellier, la clinique du Motoneurone fait référence sur la maladie de Charcot

Origine et mécanismes : la recherche fondamentale permettra de mieux comprendre la maladie. PIXABAY – PUBLIC DOMAIN PICTURES

Que sait-on de la maladie de la sclérose latérale amyotrophique, communément appelée maladie du Charcot, une maladie rare neurodégénérative mise en lumière par le débat sur la fin de vie ? Florence Esselin, neurologue du centre de référence du CHU de Montpellier, explique comment les patients sont détectés et soignés en ce mois de juin placé sous le signe des "défis givrés" à la maladie pour récolter des fonds pour la recherche. 

La neurologue est médecin au centre de référence des maladies du motoneurone, qui suit 550 patients, dont 130 nouveaux chaque année. Le mois de juin sensibilise à la maladie avec le retour du défi givré, le "Ice bucket challenge", qui symbolise l'effroi causé par l'annonce de la maladie.

"On avait déjà des débats avec les malades" : à Montpellier, la clinique du Motoneurone fait référence sur la maladie de Charcot

Le Dr Florence Esselin est neurologue au centre de référence du CHU de Montpellier. DR

Que dire sur la maladie de Charcot, très médiatisée avec les débats sur la fin de vie ?

La moyenne d’âge du début des symptômes est de 65 ans, mais dans notre centre de référence, on voit des malades âgés de 30 à 90 ans.

Les premiers symptômes peuvent être assez variés : tout peut débuter par des problèmes à la marche et notamment pour relever le pied. Ou par le membre supérieur avec une faiblesse au niveau de la main, ou pour relever le bras. Et enfin, on peut aussi avoir ce qu’on appelle des troubles bulbaires, des problèmes pour avaler ou un changement de la voix.

Ce sont des symptômes qui ne font pas mal.

C’est très compliqué à repérer, car ces symptômes peuvent être ceux d’autres pathologies…

Oui, mais il faut savoir que tous ces symptômes sont aussi liés au départ à une perte de poids inexpliquée. Les patients doivent consulter assez rapidement leur médecin généraliste pour que le médecin repère si le problème est plutôt d’ordre neurologique ou rhumatologique.

N’importe qui peut être touché ?

Il y a 10 % des formes d’origine génétique, avec un antécédent dans la famille, mais dans la majorité des cas, il n’y a pas d’antécédent. Comme dans toute maladie neurodégénérative il y a une hypothèse environnementale, elle n’est pas encore prouvée. L’augmentation de la prévalence, qui ne s’explique pas par un meilleur diagnostic, conforte cette hypothèse.

Les facteurs de risques qui ont été montrés sont liés à l’hyperactivité physique.

"Une étude sur une équipe de foot italienne a montré un sur-risque chez les sportifs"

C’est-à-dire le sport en excès ?

Oui, mais de manière très intense, ou alors, quand on a des métiers très physiques, dans le bâtiment par exemple. On a souvent ce profil-là de patients.

Les sportifs de haut niveau sont touchés ?

Oui, une étude sur une équipe de foot italienne a montré un sur-risque dans cette population.

La sclérose en plaques reste une maladie rare…

Oui. À Montpellier, on suit environ 550 patients, avec 130 nouveaux patients diagnostiqués chaque année. On est centre de référence, et on reçoit tous les patients de l’ex-Languedoc-Roussillon.

Comment établissez-vous le diagnostic, il y a des marqueurs de la maladie ?

Le diagnostic va être fait de deux manières : un électro-neuro-myogramme, un examen qui stimule les nerfs moteurs pouvoir s’ils sont malades. En même temps, on fait souvent une IRM du cerveau et de la moelle épinière et une prise de sang.

"On avait déjà des débats avec les malades" : à Montpellier, la clinique du Motoneurone fait référence sur la maladie de Charcot

Origine, symptômes, triatement… l’essentiel sur la maladie. SOPHIE WAUQUIER

Qu’est-ce qui se passe chez un malade ?

Le mécanisme initial n’est pas tout à fait compris. On voit que plusieurs voies du métabolisme sont effectivement dérégulées mais in fine, une protéine toxique se développe dans le neurone moteur via des mécanismes notamment de l’inflammation. Le neurone moteur dégénère.

La maladie évolue au même rythme chez tous vos patients ?

Chaque patient est très différent, certains avec des formes très rapides de la maladie, d’autres avec des formes très lentes qui peuvent évoluer pendant plus de dix ans. Et tous les patients n’auront pas la même évolution. On peut débuter par un problème de pied, et ne pas forcément avoir des problèmes de parole.

"La peur de la maladie était là avant le débat sur la fin de vie"

La maladie est entrée dans le débat sur la fin de vie, c’est encore plus effrayant pour les patients ?

Je crois que ça n’a pas vraiment changé, la peur de la maladie était déjà là. Les patients savent malheureusement que c’est une maladie incurable.

Dès qu’un patient nous est adressé, on peut débuter un traitement par Riluzole, un médicament qui ralentit l’évolution de la maladie. Et on a une prise en charge pluridisciplinaire pour prendre en charge les facteurs qui aggravent la maladie, la perte de poids, et une atteinte respiratoire.

"On avait déjà des débats avec les malades" : à Montpellier, la clinique du Motoneurone fait référence sur la maladie de Charcot

L’équipe de la clinique du Motoneurone du CHU de Montpellier.

En dépistant les complications et en les prenant en charge plus tôt, on ralentit aussi l’évolution de la maladie. Nos patients sont rarement hospitalisés, la majorité fait le choix du domicile.

Vos patients restent dans une dynamique de vie, par rapport, encore une fois, aux images renvoyées par le débat sur la fin de vie ?

Chaque patient est vraiment différent, c’est là la complexité. Pour certains patients, il y a une forme de résilience et d’acceptation, avec une vie qui certes, a changé, mais qui n’est pas dépourvue de bonheurs.

Où en est-on dans la recherche ?

On a un autre traitement, le Tofersen, en cas de mutation génétique. Et des essais thérapeutiques sont en cours pour trouver des médicaments qui permettent de faire mieux que ce qu’on fait aujourd’hui. Il y a beaucoup d’essais thérapeutiques, à l’échelle européenne et surtout internationale.

C’est autant de la recherche fondamentale, pour mieux comprendre la maladie, que thérapeutique.

À Montpellier, on travaille avec le laboratoire de recherche de l’Inserm du Dr Cédric Raoul, à l’institut de neurosciences, qui cherche à mieux comprendre la maladie, et du Pr Sylvain Lehmann qui recherche de nouveaux biomarqueurs pour essayer de diagnostiquer plus tôt.

"On ne voit jamais les patients en première ligne"

Quelle est la voie qui permettra peut-être de se soigner ?

Il y a deux pistes : diagnostiquer plus tôt les malades. Si on intervient beaucoup plus tôt, on sait que le travail sera plus efficace. La deuxième piste consiste à cibler plusieurs mécanismes différents pour qu’in fine, cette protéine toxique ne se forme plus dans le neurone moteur.

Et il y a enfin toutes les pistes de la thérapie génique.

On en est au stade des essais thérapeutiques. Malheureusement, tant qu’on n’a pas les résultats, on n’a pas de certitudes.

La médiatisation de la maladie permet de récolter des fonds pour la recherche et de sensibiliser. Plus on va parler de la maladie, plus on consultera plus tôt.

Qu’a changé le débat sur la fin de vie ?

On avait déjà des débats avec les malades. Nous, on travaille avec des équipes de soins palliatifs qui manquent réellement de moyens, humains et financiers.

Et on constate toujours que malheureusement, les supports, notamment via la maison départementale de personnes handicapées, et l’étude des dossiers APA est plus lente que l’évolution de la maladie de nos patients. Elle va plus vite que l’administration. C’est souvent compliqué. On essaie d’anticiper au mieux.

Très concrètement, y a-t-il des contacts à donner aux malades ?

La clinique du motoneurone a une adresse mail : gdc-sla@chu-montpellier.fr, tous les mails sont lus tous les jours, et un téléphone, le 04 67 33 02 81. On ne voit jamais les patients en première ligne, on demande à ce qu’ils soient vus d’abord par un médecin généraliste, sauf cas particulier, une forme génétique connue dans la famille.

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