“On est des gars assez sensibles” : le groupe Kyo donne deux concerts au Théâtre de la Mer à Sète les 19 et 20 juin prochains
|Le groupe Kyo (Benoît Pohier porte un t-shirt blanc) fête les 30 ans de sa formation en 2024 ! Stéphane Ridard – stephane
Pour fêter les 20 ans du “Chemin”, son 2e album au succès phénoménal, le groupe Kyo est en tournée depuis l’an dernier. Avant ses deux dates au Théâtre de la Mer, à Sète, les 19 et 20 juin, son chanteur Benoît Poher revient sur ce disque, et sur leur son singulier, à la fois énergique et émotionnel.
Avec le recul, comment le trouvez-vous ce disque “Le chemin” ?
À l’occasion de sa réédition, on s’est replongé véritablement dedans… Bien sûr, on en joue les morceaux depuis des années, en tournée, on les a réarrangés plein de fois, mais réécouter les versions originales c’était très particulier, assez émouvant. Pour sa réédition, on avait envie de faire un bel objet pour les fans de la première heure, avec des inédits. On y a ajouté des reprises en duo pour y ajouter de la fraîcheur artistique. Mais l’impact sur le public de cette réédition a dépassé nos espérances. On savait que Le chemin avait été important pour une génération, à sa sortie en 2003, mais tout a pris des proportions inattendues : on devait juste faire une unique pour fêter ses 20 ans avant de passer au prochain album… mais on s’est retrouvé à faire cette tournée pour le public.
Avez-vous compris les raisons de son succès phénoménal ?
On a cherché parce que c’est toujours intrigant… Mais pour une large partie, un succès reste inexplicable. On fait une proposition artistique au moment pile où les gens ont envie de ça, c’est un truc absolument impossible à maîtriser. C’est une rencontre. Ce qui peut être frustrant pour la suite de ta carrière. Je me souviens d’une interview de Robert Smith, des Cure, dans laquelle il disait qu’ils avaient toujours l’impression de faire leur meilleur album quand il sortait une nouveauté (ce qui est normal, on s’améliore, on a de l’expérience) et pourtant dans le cœur des fans, rien ne vaut The head on the door ou Kiss me, kiss me, kiss me… Voilà ce qui arrive quand on rencontre vraiment le public, qu’on touche une génération…
Alors je ne sais pas l’expliquer mais je sais que s’il y a encore des gens qui nous écoutent aujourd’hui c’est parce qu’on les a touchés à l’adolescence. À la question du disque pour l’île déserte, je sais que je ne prendrai jamais un album que j’ai adoré récemment mais forcément celui que j’ai écouté trois millions de fois quand j’avais entre 15 et 20 ans. Quand on est ado, la musique nous touche plus que jamais, elle nous identifie, nous rapproche, nous console, nous aide à nous construire. Si on est encore là, vingt après, c’est sans doute parce qu’il y a des gens pour lesquels Le chemin est leur disque pour l'île déserte.
Le fait qu’à la réécoute, on réalise que le son du Chemin a fait mieux que bien vieillir, il est carrément actuel, à la fois très pop, mais avec du gros riff, du gros kick à la batterie…
C’est une histoire de cycles, j’imagine : en musique, les modes reviennent, même dans l’urbain il y a de plus en plus de guitares. Pour le son en lui-même du Chemin, on doit tirer son chapeau au producteur François Delabrière qui a eu une influence capitale dans la définition du son de Kyo : un mélange de mélodies pop, de chanson française et des codes empruntés à tout ce qu’on écoutait ; de l’indie, du rock, du métal… Normalement, quand un truc marche, les labels tentent toujours de trouver des artistes similaires mais avec Kyo, ça ne s’est pas fait, je ne vois rien qui lui ressemble. Si on a eu d’ailleurs la chance de revenir après notre pause (qui a duré plus de huit ans – c’est long !), quand on a sorti l’album L’équilibre (on ne faisait pas les malins, d’ailleurs : se souviendrai-on de nous ?), c’est aussi dû au fait qu’il y a pas eu vraiment d’artistes dans le même esprit….
Ce mélange d’énergie et de sensibilité, qui est l’ADN de Kyo, c’est précisément ce qui caractérise la nouvelle génération née après l’an 2000 !
C’est pas faux. Si on prend un artiste comme Nuit incolore avec qui on a collaboré sur une reprise de Je cours. Entre lui et nous, ça a été hyper fluide, la connexion s’est faite facilement, et on a coécrit le morceau Rendez-vous qui figure sur son album. Les jeunes d’aujourd’hui ont effectivement ce truc de sensibilité, ce côté à fleur de peau, qu’on avait à l’époque.
Ce qu’on vous reprochait parfois d’ailleurs, trop ceci, pas assez ça…
Plus jeune on était sensible à ça mais avec l’expérience, on n’en a plus rien à cirer, même si je peux entendre les critiques. Mais on ne va pas se renier, c’est comme ça qu’on est. On est des gars assez sensibles. Ce n’est pas toujours facile, d’ailleurs, de trouver son équilibre quand on est comme ça, mais bon… Quand je vois ce que j’écris pour le prochain album, ok, le champ lexical a évolué, beaucoup de choses ont changé, mais la sensibilité est toujours là. C’est indépendant de notre volonté, on est comme ça, point.
Que pouvez-vous nous dire du prochain disque, justement ?
On devait le sortir beaucoup plus tôt mais on est sur la tournée. Le côté positif c’est qu’on a du temps supplémentaire pour le peaufiner. On est bien avancé. On devrait rentrer en studio en septembre pour sortir l’album à la veille de l’Accor Arena, à Paris, qu’on doit faire le 7 juin 2025. D’ici là, on aura beaucoup, beaucoup de morceaux. On est vraiment excité, et je vais parler comme Robert Smith : j’ai vraiment l’impression que ça va être un beau disque, j’arrive mieux que jamais à traduire dans mes textes ce que j’ai envie de dire. Je suis très impatient de partager ses nouvelles chansons avec le public… et j’espère qu’il sera du même avis que moi !
Qu’est-ce que vous nous réservez pour vos concerts au Théâtre de la Mer ?
On va d’abord faire Le chemin en entier, dans l’ordre. Ce n’est pas un concept qu’on a inventé, plein de groupes ont déjà fait des tournées anniversaires d’albums, j’en ai vu, j’ai trouvé ça génial. Il n’y a pas l’effet de surprise, c’est sûr, mais une émotion particulière, liée à l’attente. Dans une seconde partie, on joue les morceaux de notre répertoire dont on sait qu’ils provoquent toujours une grosse réponse, le gros kiff… Au Théâtre de la Mer, ça va être génial. On y a joué il y a vingt-et-un ans pour la tournée Le chemin, justement. On ne se souvient pas de toutes les dates mais de celle-ci, oui, comme si c’était hier ! Ce lieu ! En plus, deux soirs, c’est la classe. On aura le temps de se baigner. D’ailleurs, sur une date, récemment, j’ai fait une erreur de débutant… après plus de vingt de carrière : j’ai oublié mon maillot de bain. Cette fois, ça n’arrivera pas !
Je m’abonne pour lire la suite