Pour sa clôture, le 23e festival Jazz en Pic Saint-Loup s’est transformé en paradis des enjailleurs !

Pour sa clôture, le 23e festival Jazz en Pic Saint-Loup s’est transformé en paradis des enjailleurs !

Thomas de Pourquery a rappelé sur scène Rémi Panossian pour un moment d’anthologie ! J.BE

Après l’explosion volcanique Moonlight Benjamin et le co-plateau superlatif des saxophonistes Sophie Alour et Laurent Bardainne, le festival Jazz en Pic Saint-Loup s’est achevé samedi soir avec une double dose de joie groovy et spatiale en compagnie de Rémi Panossian et Thomas de Pourquery.

Un p’tit coin de paradis. Ce n’est pas un cliché, c’est tout au bout à droite, après quelques minutes de marche depuis le parking où on a abandonné son véhicule qui ne méritait pas mieux à l’entrée du village. Où ? Au parc – bucolique au-delà du verdoyant – de la Plaine, au Triadou, avec vue sur le Pic Saint-Loup, et avec verre de pic saint-loup aussi, on ne va pas se priver. Pour la soirée de clôture de sa 23e édition, le festival du même caillou, goupillé de main de maître par l’Assos qui Pic et Jazz à Junas, accueillait samedi soir Rémi Panossian et Thomas de Pourquery. Des enjailleurs, des anges d’ailleurs, pour un p’tit coin de paradis, et pour un p’tit goût aussi, on ne va pas se priver.

Un marteau brisé

C’est à Rémi Panossian, l’enfant du pays, pianiste passé par le Jam, visité par le Talent, qu’il est revenu d’ouvrir les réjouissances paradisiaques avec ses camarades de joie Maxime Delporte à la basse et Frédéric Petitprez à la batterie. Après une ouverture parfaitement évocatrice de tous les possibles du trio, Full Buddha pour l’élégance mélodique jazzpopclassique, Wisteria forever pour l’allégresse trépidante jazzpopboogie, le drame : "J’ai cassé une note !", déplore Rémi Panossian. Il a miré, Rémi, et rit mais un mi ne s’en est pas remis, expiré, l’ami… Une touche hors jeu au début d’un set, il y a de quoi rendre marteau un pianiste, mais pas (tout à fait) le Montpelliérain qui se révèle pas juste drôle mais carrément hilarant au micro !

Tant bien que mal, mais surtout tant bien, le trio reprend ses esprits tandis qu’on les perd à les suivre. Pour l’essentiel, le trio pioche dans le répertoire de son fantastique album Sun Monkey Voltage de 2022 (le rose avec la boule à neige) mais, trop sympa, nous gratifie de plusieurs inédits de son futur album, enregistré il y a peu en Corée du sud. On relève Nena, composition douce et pop que Rémi Panossian dédie à sa fille adolescente, ainsi que Bi Bim Bop, fantastique morceau psyché-pop façon sixties. Maxime Delporte impressionne de puissance sensuelle à la basse, qu’il joue au médiator, tandis que Frédéric Petitprez régale par sa virtuosité sèche, caniculaire même, à la batterie.

Une case en moins

Quant à Rémi Panossian, malgré sa case en moins (pas celle-là, l’autre), il parvient à déployer toute la palette de ses enchantements de peintre contemporain des touches, ici en mode dripping, là en figuration narrative, ailleurs en expressionniste abstrait… Et avant un final totalement cinglé (il a donc perdu plus qu’un marteau : la boule aussi), multipliant les montées, les ruptures, les relances, il a offert son chef-d’œuvre radioheadesque Purple Soul, mélodie pop mélancolique perçant le plafond de la grisaille existentielle par des flèches musicales de soleil jazz. Bref, un pur régal et, exploit, sans pain de mi.

Pour passer après, il faut être costaud. Thomas de Pourquery est mieux que ça. Cousin jovial, barbu et chauve de Totoro, vous savez, l’hybride titanesque de panda, matou et lapin tout gris, tout moelleux, du film d’Hayao Miyazaki, le saxophoniste semble avoir comme lui le pouvoir de répandre l’harmonie, la bonté, le plaisir et, ça, ça lui est propre, de la doux-dinguerie ! Il n’empêche, la rencontre est un peu difficile : après le set de RP3, certes ouvert aux quatre vents d’inspirations actuelles mais enraciné dans le jazz, la pop spatiale de notre merveilleux ami en mode "Biggy Stardust" semble de prime abord peiner un peu à atteindre le public, comme lointain, assis dans une autre dimension, au fond du rythme.

Un humour absurde

Mais outre un groupe absolument sensationnel (où brille notamment Etienne Jaumet aux synthétiseries modulaires et David Aknin aux rythmiques tentaculaires), Thomas de Pourquery a de la ressource. Notamment un sens de l’humour si absurde, si what-the-fuck (qui en bon français, se traduit : "Gné ?") qu’il bouscule d’abord la raison, puis la désarçonne pour mettre en selle et en scène, à la place, la joie, la pure, la pas dure, la qui dure.

Il a bien sûr aussi un répertoire qui fonctionne comme une fusée : au début ça tremble, ça galère un peu pour s’arracher à la gravité (c’est le cas de le dire), mais cela fait, on retient sa respiration et on plane grave, enfin, léger, on veut dire. Back from the war nous offre de nous régaler des talents de Thomas de Pourquery en crooner à la voix grave (décidément) mais aussi en sylphide de falsetto, mais encore en saxorthophoniste (son solo est hyper bien articulé !). Pour Carry on, il roucoule d’abord assis derrière son clavier, tandis que Sylvain Daniel fait des choses pas très catholiques à sa basse qui en ronronne, et inclut bientôt des morceaux des Mots bleus de Christophe dans son verygoodtrip.

Tout le monde debout

L’ambiance ayant enfin décollé, Thomas de Pourquery veut en faire de même de notre séant. Sans doute se souvient-il de l’adage de George Clinton, le génie fou des funkadélices parliamentaires : "Free your mind and your ass will follow". Libère ton esprit et ton cul suivra. Or donc, entame-t-il sa chanson The rhythm changed dans un esprit opera-rock mélodramatique et au coeur de sa progression, invite la foule à se lever.

Pour sa clôture, le 23e festival Jazz en Pic Saint-Loup s’est transformé en paradis des enjailleurs !

Rémi Panossian, Thomas de Pourquery et Etienne Jaumet à l’acmé de la soirée de Jazz en Pic Saint-Loup. Pierre Maso

Alors le morceau de muter en tornade groovalissime ! Il prend un énorme solo au sax, filtré, flambé, et réclame que Rémi Panossian le rejoigne sur scène ; ce qu’il ne se fait pas prier longtemps pour faire et se fendre à peine installé au clavier, d’un long chorus frénétique. La basse filtrée, surgonflée, prend un temps le relai puis le sax revient pour une série de questions-réponses avec le clavier. Le public est en délire, qui danse comme des Sélénites shootés à l’oxygène, mais les chaises font la gueule : plus personne ne s’intéresse à elles.

Dirty love, Rise again… Thomas de Pourquery enchaîne, déchaîne dès lors les morceaux les plus euphorisants de son album Let the monster fall pour le plus grand plaisir des foules sentimentales qui se défoulent débiles mentales. Une dinguerie jusqu’aux ultimes moments où le maître de cérémonie prêche sa chouette parole : "La musique peut sauver le monde, j’en suis convaincu, et c’est le psychiatre le moins cher du monde. Ecoutez de la musique ! Faites des concerts ! Encore !" Et de rejoindre dans la foulée, et en petite foulée, l’espace merchandising en soufflant dans son alto. Après le show, il fait encore son show : chaque dédicace est l’occasion d’une blague, d’un échange, d’un sourire, d’un plaisir.

Samedi soir (peut-être même que c’était déjà un peu dimanche), le p’tit coin de paradis était au Triadou, tout au bout à droite, après quelques minutes de marche, on y a rencontré deux anges d’ailleurs, deux enjailleurs, et on a compris Thomas Pesquet : trop bien là-haut, aucune envie de redescendre.

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