Procès de Mazan : “Il faut tout montrer ! Regarder le viol, droit dans les yeux! ” clament les avocats de Gisèle Pelicot

Procès de Mazan : "Il faut tout montrer ! Regarder le viol, droit dans les yeux! " clament les avocats de Gisèle Pelicot

Gisèle Pelicot et ses avocats, Me Camus et Me Babonneau, après cette victoire judiciaire. MIDI LIBRE – François Barrère

La cour criminelle du Vaucluse a finalement accepté de diffuser au public et sans aucune restriction les vidéos tournées par Dominique Pelicot lorsque des dizaines d'hommes sont venus abuser de son épouse qu'il avait droguée dans leur chambre conjugale. Le président avait initialement refusé de faire droit à cette volonté de la partie civile.

"M. Pelicot, j’ai remarqué que vous ne les regardez pas, ces vidéos" demande à l’accusé ce vendredi 4 octobre Me Béatrice Zavarro, qui assure sa défense devant la cour criminelle du Vaucluse. "J’ai honte. Je me dégoûte. Je n’ai pas envie de revoir tout ça" répond le septuagénaire, qui vient de passer près de deux heures la tête baissée et la main sur les yeux, dans le box.

Des gros plans sur les pénétrations

Le dégoût ? C’est bien l’un des sentiments que l’on éprouve, après la diffusion dans la salle de ces images des viols infligés à son épouse Gisèle, assommée par des somnifères dans leur chambre conjugale, à Mazan. Images tremblées, mal cadrées et mal éclairées, avec des gros plans sur les pénétrations subies par la malheureuse inconsciente.

Certains accusés baissent la tête. Un autre, dans le box, semble hypnotisé par ce qu’il voit sur l’écran et n’en perd pas une miette. Un troisième, qu’on voit longuement profiter d’un corps inerte, sans le moindre signe de nervosité, assure que ces images prouvent à quel point il était terrifié par la présence de Pelicot.

Un accusé en perdition

"Je ne montre pas ma faiblesse, parce que je suis en présence d’un prédateur ", ose-t-il, en perdition.  "On voit que je suis terrorisé, mais ça ne se voit pas."

Pour la première fois, ces vidéos ont été diffusées en présence de la presse, et du public, dans la salle de retransmission, après un véritable bras de fer, gagné par Gisèle Pelicot et ses deux défenseurs, Me Antoine Camus et Me Stéphane Babonneau. Après avoir accepté une première diffusion en la seule présence de la presse, le président Roger Arata avait décidé le 20 septembre que "ces images indécentes et choquantes" ne seraient désormais diffusées qu’en présence de la cour.

De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot

Inacceptable pour Gisèle Pelicot, qui s’est battue pour que ce procès soit totalement public.

A lire aussi : Viols de Mazan, un procès qui fascine le monde entier : "Il y a une véritable admiration pour le courage de cette dame"

D’où ce recours plaidé avec force par ses défenseurs. Me Babonneau, d’abord, citant l’autre Gisèle, l’avocate Me Halimi, qui en 1978 avait elle aussi demandé qu’un procès pour viol soit public, et l’expliquait ainsi : "Une femme violée, c’est une femme cassée, une femme éclatée […]. Et quand elle se bat, elle a véritablement un courage parce qu’elle sait que ce n’est pas pour elle." 

L’avocat poursuit. "Pourquoi Giselle Pelicot se bat pour s’infliger cette dose supplémentaire de poison psychologique ? Pour elle, c’est trop tard, le mal est fait, le viol par plus de 60 hommes commis dans son lit. Mais si cette publicité permet de faire en sorte que d’autres femmes n’aient pas en passer par là, alors cette souffrance aura un sens."

L'Histoire se forge dans les prêtoires

 Me Camus enchaîne.  "Il faut tout montrer ! Le viol, droit dans les yeux, mais aussi la façon dont on défend le viol en 2024, dans ce pays des droits de l’homme qui est aussi celui des droits de la femme". Avant de conclure, en écho à l’impact désormais mondial de ce procès hors-norme : "C’est aussi dans les prétoires que se forge l’Histoire".

Le ministère public approuve et abonde, soutenant la diffusion publique, et écartant les arguments qui s’annoncent : "Les accusations de voyeurisme et d’exhibitionnisme ne font que discréditer ceux qui les portent." 

Des avocats s'insurgent à grand cris

Car derrière, quelques avocats des accusés, très hostiles à la projection de ces images dévastatrices pour leur stratégie de défense, s’insurgent à grands cris.  "Projections nauséabondes", "voyeurisme criminel exacerbé", "procès à la Ceausescu" tempête très longuement Me Olivier Lantelme.

Me Nadia El Bouroumi hurle à la barre contre "la dictature médiatique" qui empêcherait les avocats de la défense d’exercer leur mission. "On a été menacés, humiliés, insultés ! Les faits sont horribles, le procès international, il est retranscrit à la seconde !" s'époumone cette avocatepar ailleurs ultraprésente sur les réseaux sociaux. Et qui conclut avec un aveu lunaire. "Les vidéos de mes clients, je me demandais quand les visionner. Je l’ai fait dans le TGV hier soir en rentrant de Paris. J’ai eu envie de vomir."

 De telles images, judiciaires, visionnées dans un transport public, alors que le procès s'est ouvert il y a plus d'un mois ? Le dégoût est partout.

Je m’abonne pour lire la suite

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

(function(d,s){d.getElementById("licnt2061").src= "https://counter.yadro.ru/hit?t44.6;r"+escape(d.referrer)+ ((typeof(s)=="undefined")?"":";s"+s.width+"*"+s.height+"*"+ (s.colorDepth?s.colorDepth:s.pixelDepth))+";u"+escape(d.URL)+ ";h"+escape(d.title.substring(0,150))+";"+Math.random()}) (document,screen)