Saidi, Burger, Haddab, Orange Blossom… Vendredi, Fiest’à Sète avait mis le cap sur un autre possible

Saidi, Burger, Haddab, Orange Blossom… Vendredi, Fiest’à Sète avait mis le cap sur un autre possible

Depuis une trentaine d’années sur les routes, le groupe Orange Blossom ne laisse pas d’impressionner ! J.BE

Pour la troisième fois de sa 27e édition, le festival Fiest’à Sète affichait complet vendredi soir au Théâtre de la Mer. Il faut dire que que l’affiche était aussi belle qu’audacieuse avec, pour le premier acte, le projet raï’n’roll teinté d’électronique de Sofiane Saidi, Rodolphe Burger et Mehdi Haddab, et pour le second acte, le trip-hop orientaliste et lyrique d’Orange Blossom. Very good trip !

Vendredi a été une journée historique aux Jeux Olympiques avec neuf médailles françaises, et non des moins éblouissantes. Tandis que l’événement sportif se prolongeait en soirée, un autre, artistique, se tenait au Théâtre de la Mer, dans le cadre de Fiest’à Sète, qui ne le contredisait pas, bien au contraire : le projet "Mademoiselle" et le groupe Orange Blossom ont offert deux images supplémentaires de la France qui gagne ; une France métisse et inventive, ouverte et combative, éclairée et généreuse !

Trois fortes têtes camarades

"Mademoiselle", c’est le projet de trois personnalités tellement fortes et singulières que la fainéantise intellectuelle, et son triste ami, l’imaginaire individualiste, auraient tôt fait de décréter leur société impossible. Ne leur en déplaise, Rodolphe Burger, Mehdi Haddab et Sofiane Saidi font cause commune et leur tout fait plus que la somme des parties ; ce qui n’est pas peu dire, s’agissant respectivement du chanteur explorateur du rock lettré depuis plus de trois décennies (et Kat Onoma), du virtuose du oud électrique derrière les groupes Ekova, DuOud et Speed Caravan et enfin, du crooner et claviériste qui ragaillardit le raï depuis une bonne décennie !

Vendredi, le trio ouvrait donc la soirée : Vous êtes belle (mademoiselle), 504, One Two Three, Rani Whadi / I drink alone… les trois "demoiselles" enchaînent les prototypes raï’n’roll de leur répertoire commun gravé sur le disque Mademoiselle et l’on admire déjà la classe de l’entrelacs du parlé-chanté du baryton Rodolphe Burger et du chant lyrique du ténor Sofiane Saidi, en même temps que la beauté de leur blues oriental produit de la sédimentation de rythmes robotiques, nappes synthétiques de claviers, sur laquelle tombent des cordes électrisées, filtrées, saturées…

La nature du concert change avec un aveu, bouleversé, de Rodolphe Burger : "Ma mère est morte aujourd’hui, je lui dédie ce morceau, un blues… Je suis avec mes deux fères là, je suis avec vous dans cet endroit sublime. Je lui dédie tout ce concert". Et le trio de délivrer alors une version hantée, crépusculaire, terrible, d’Embrasse Marie pour moi, réitération du chef-d’oeuvre Marie paru sur le meilleur album de Rodolphe Burger, No sport, en 2008. Il nous semble alors que le chant ornementé, serpentin, plaintif de Sofiane Saidi assume toutes les larmes que le géant alsacien se refuse à verser pour l’heure, et ça nous brise le cœur.

Une fin de set d’une intensité brûlante

La suite est remarquable. Et forcément spéciale. La reprise de Jimi Hendrix, Hey babe, est un autre moment phénoménal, progressant avec une lenteur aristocratique et mélancolique, jusqu’à un solo colossal de Mehdi Haddab au oud électrique, boosté à la pédale wah-wah (mais pas que), bientôt rejoint par Rodolphe Burger à la Gibson SG sur-saturée. Sofiane Saidi réclame des youyous, "cri de résistance face à tous les aléas de la vie", et la version du Dédain qui suit est d’une sauvagerie post-industrielle, apocalyptique, croisant Kraftwerk, Suicide, Kat Onoma, Alain Bashung, Speed Caravan, Mazalda… Le top pour décalaminer les pavillons, et les ventricules !

Après deux rappels également fantastiques, Hard times et Njdoum, le public, majoritairement venu pour Orange Blossom, comprends qu’il n’a pas attendu "son" groupe, pour être debout et en transe. Oui, il s’est passé quelque chose. Mademoiselle.

Un collectif bigarré, engagé, habité

Peu médiatisé, rétif au baratin rhizo-social, Orange Blossom, groupe nantais conduit depuis une trentaine d’années par le batteur Carlos Robles Arenas, est une sublime aberration comme seul l’Hexagone en produit et abrite. Outre le rythmicien voyageur et engagé, le collectif accueille un violoniste plus vif et vénère qu’un diable de Tasmanie, un conguero à huit bras (on a compté), un vielliste breton sans œillères, un guitariste post-punk et post-atomique, et au chant, une réfugiée syrienne, Maria Hassan, à laquelle il revient la tâche délicate de faire oublier la virtuose égyptienne Hend Ahmed Hassan.

Joie ! La jeune et gracile chanteuse se révèle d’une grâce bluffante et d’une sincérité bouleversante au micro, et c’est ainsi sans trembler qu’elle peut s’emparer de Ya Sîdî, tube phénoménal, alter-mondial et dévastateur pour quiconque est doté d’un cœur, issu de l’album Under the Shade of Violets qui affiche dix ans d’ancienneté sans une ride. Pour l’essentiel, néanmoins, c’est le répertoire du récent – et somptueux – 4e opus Spells from the Drunken Sirens, qu’Orange Blossom explore.

Pour en reproduire la munificence orchestrale, le collectif abuse sans doute un peu du séquenceur (claviers, cuivres et cordes symphoniques sont pré-enregistrés) mais les compositions sont tellement puissantes, et la conviction des musiciens sur scène telle qu’ergoter serait mentir sur l’évidence de son frisson, et de sa profondeur, et de sa constance.

En clair : c’est un régal de tous les instants que ce trip-hop orientaliste et savant, teinté de dub électronique, de trance libertaire et de lyrisme classique. Et une fois encore, sa nature hybride, qui agglomère des instruments, des idiomes, des cultures et des êtres qu’une minorité de tristes esprits voudrait cantonner et diviser, est la plus intelligente réponse à ceux-là, et la plus souriante. Comme le dit notre excellent collègue du service des sports de Midi Libre dans son "carnet de route" des Jeux Olympiques, "c’est la France, baby" !

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