Septembre rouge : ” On sensibilise moins aux cancers du sang, il faut se faire entendre”
|La leucémie est le plus connu des cancers du sang. MAXPPP – Richard Villalon
Chaque année, les cancers du sang touchent environ 45 000 personnes en France, soit 12 % des nouveaux cas de cancer, rappelle l’association Vivre avec une NMP, NMP pour "néoplasies myéloprolifératives", un des cancers du sang à l’origine de la campagne de sensibilisation Septembre rouge. Stefan Wickenhauser, hématologue au CHU de Nîmes, fait le point sur ces cancers encore méconnus.
L’association Vivre avec une NMP se mobilise pour "faire connaître ces maladies méconnues et incomprises", faire "avancer la recherche", "informer et soutenir les malades".
Stefan Wickenhauser, responsable du service d’hématologie clinique du CHU de Nîmes, fait le point sur les progrès de la prise en charge et les recherches en cours.
Stefan Wickenhauser est responsable du service d’hématologie clinique du CHU de Nîmes. DR
Le cancer du sang, reste, pour le grand public, associé aux leucémies, c’est pourtant une réalité plus vaste…
Les cancers du sang sont moins sujets à des campagnes de prévention et de sensibilisation que d’autres cancers. Il faut mettre en lumière le travail des médecins et des chercheurs, et communiquer sur les cancers du sang.
Il y a des cancers aigus, qui nécessitent souvent un traitement lourd, avec des hospitalisations souvent longues en soins intensifs, et des maladies chroniques qu’il faut traiter avec des thérapies souvent ciblées.
Ce sont des cancers qui apparaissent à tout âge de la vie…
À tout âge, oui. Certains se manifestent plutôt chez des sujets âgés, d’autres chez des sujets jeunes, comme la maladie de Hodgkin.
On parle, depuis quelques années, d’une flambée de certains cancers, notamment chez des sujets jeunes. C’est aussi le cas pour les cancers du sang ?
L’incidence de maladies graves comme la leucémie aiguë n’évolue quasiment pas. On a toujours, dans la région, entre 40 et 50 nouveaux cas de leucémies aiguës chaque année.
On n’est pas dans la problématique du cancer du pancréas.
"On n'a pas compris toutes les raisons de l'apparition des cancers du sang"
On parle beaucoup des facteurs de risques environnementaux, ce sont des cancers qui sont liés à de problématiques environnementales, c’est acquis ?
C’est acté, des études montrent qu’il y a plus de cancers du sang chez les agriculteurs, notamment les lymphomes.
Mais c’est une piste encore à approfondir. On n’a pas tout compris sur les raisons de l’apparition des cancers du sang, notamment la leucémie aiguë.
Septembre rouge, lancé en 2022 à l’initiative de l’association Vivre avec une NMP, mobilise pour la recherche, elle est déjà très active sur les cancers du sang ?
Oui, et cette recherche en hématologie a parfois permis d’identifier des médicaments qu’on peut aussi utiliser dans d’autres maladies. Des anticorps monoclonaux, comme le rituximab, ont d’abord été utilisés dans les cancers du sang. Certaines thérapies ciblées aussi.
Des cancers qui touche chaque année 45 000 personnes en France. Midi Libre – SOPHIE WAUQUIER
Il y a aussi les CAR-T cells, des lymphocytes T génétiquement modifiés réinjectés chez des patients et susceptibles de reconnaître et de détruire spécifiquement les cellules cancéreuses…
Oui, la technique est aujourd’hui réservée à certains lymphomes, myélomes et leucémies aiguës, avec des indications de plus en plus précoces. Au lieu d’être utilisés en dernière intention, on les utilise de plus en plus tôt. Pour certains lymphomes agressifs, on les utilise désormais en deuxième ligne, et parfois, dans des essais cliniques, pour un lymphome au pronostic défavorable, en première ligne. Peut-être la technique sera-t-elle un jour utilisée contre les tumeurs solides. Pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Les allogreffes, avec transplantation de moelle osseuse, se sont aussi développées pour soigner les cancers du sang.
"On croit aux thérapies ciblées qui permettent d’éviter des chimiothérapies lourdes"
Il y a deux grandes révolutions en cancérologie, l’immunothérapie et l’intelligence artificielle, elles sont utilisées dans les cancers du sang ?
L’immunothérapie, oui, déjà. L’intelligence artificielle nous aidera à la décision pour certains choix thérapeutiques, et pour permettre à des patients d’accéder à l’innovation.
À Nîmes, nous sommes un centre de référence pour les syndromes myéloprolifératif, pour la myélofibrose… et des essais cliniques à proposer quasiment pour chaque maladie lymphoïde et myéloïde.
Nous avons une trentaine d’essais cliniques en cours.
Quel traitement espérez-vous pour demain ?
Les CAR-T cells devraient monter en puissance, même s’ils ont des effets secondaires, et coûtent cher. On croit aussi aux thérapies ciblées qui permettent d’éviter des chimiothérapies lourdes.
Les cancers du sang ont plutôt un bon pronostic ?
Oui, plus que certaines tumeurs solides même si des maladies ont un mauvais pronostic.
À quoi sert Septembre rouge ?
On essaie de mettre en lumière le travail des médecins et des chercheurs, qui sont moins sujets à des campagnes de sensibilisation et de mobilisation. C’est tout récent, depuis 2022. Il faut faire des actions et se faire entendre.
Sachant qu’il n’y a ni dépistage, ni prévention, et qu’on manque de spécialistes en hématologie, avec des files actives de patients plus importantes, compte tenu du vieillissement de la population. Il faudrait plus de moyens. À Nîmes, l’équipe est en reconstruction. Moi, je suis autrichien, on a une collègue libanaise, un autre, espagnol arrive… on manque de médecins.
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