“Tout le monde veut revenir au Grand Travers !” : à La Grande-Motte, les paillotes déplacées accusent le coup
|Joël Ortiz, gérant de la Voile Bleue, espère retourner au Grand Travers. Midi Libre – Lilian Todeschini
La Voile Bleue, paillote déplacée, se situe désormais près du centre. Midi Libre – Lilian Todeschini
Après plus de vingt ans de présence estivale sur la plage du Grand Travers, trois paillotes ont dû se rapprocher de La Grande-Motte après une décision de justice. Les exploitants ont obtempéré, non sans regrets… Témoignages.
Après le transfert de leur emplacement historique du Grand Travers, comment s'est déroulée la saison pour les trois plages privées concernées ? "Nous n’avons eu personne pendant trois mois", déplore Joël Ortiz, le patron de la Voile Bleue. Il essuie cette année une "baisse d’activité catastrophique : –40 % sur mai-juin et – 20 % sur juillet". Pour lui, plus que le déplacement, c’est surtout la mauvaise saison estivale qui impacte son établissement, qu’il gère depuis 28 ans. Le Grand Travers, classé espace remarquable, a été rendu à la nature après la décision de la Cour administrative d'appel en avril dernier. Le tribunal a jugé que les permis précaires des trois concessions de plages (La Voile Bleue, l’Effet Mer et la Paillote bambou) n'étaient pas légaux.
Pierre-Yves Bricon, patron de la Paillote Bambou, dresse un constat similaire. Il se désole d’avoir dû embaucher "35 personnes de moins pour la saison". Conséquence du déplacement de son établissement, mais aussi "de la baisse du pouvoir d’achat des vacanciers". "Comparons ce qui est comparable". Joël Ortiz explique que "tous les établissements de plage d’Occitanie sont touchés." Chez lui, "Il y a moins de monde", mais le panier moyen de sa clientèle "n’a pas baissé".
Parking et temps de trajet
La Voile Bleue, entre la mer et le parking de l’esplanade Jean Baumel. Midi Libre – Lilian Todeschini
Joël Ortiz, auparavant "installé sur un lieu de passage", est aujourd’hui "au bout d’une voie sans issue", compliquant ainsi l’accès à son établissement. À la Paillote Bambou, c’est l’éloignement de la métropole de Montpellier qui pose problème. "Une partie de notre clientèle est montpelliéraine. Leur trajet se rallonge d’au moins dix minutes aller et dix minutes retour".
Les deux établissements se sont tout de même vus dotés de zones de parking réservées. Une portion du parking de l’esplanade Jean Baumel est ainsi dédiée aux clients de la Voile Bleue, tandis que la Paillote Bambou jouit d’une zone privatisée sur le parking Couchant 1, près du Super U. Ce qui ne semble pas satisfaire certains établissements voisins. "Avant, il n’y avait pas de parking privé. Notre clientèle a plus de mal pour trouver une place de stationnement", explique-t-on au Cosy Beach, une paillote adjacente.
Pour Antoine, l’un des responsables de l’équipe de la plage privée Côté Sud, "les paillotes déplacées ne posent aucun souci". On n’a pas forcément la même clientèle et puis on ne se marche pas dessus", précise-t-il.
"Tout le monde veut revenir au Grand Travers !"
"S’il y avait vraiment un problème, alors on ne fait que le déplacer", déclare Manu, la soixantaine, client à la Voile Bleue depuis 2005. Sa compagne Mimi semble tout aussi interloquée. "On ne comprend pas la différence : en quoi ça ne gêne pas la faune ici ?" Attablé avec le patron, le couple de Vauclusiens fustige ce glissement vers le port.
Bruno Ortiz, le frère de Joël, préfère laisser parler les chiffres. "Entre 55 000 et 60 000 personnes viennent ici tous les ans. Quant aux associations écologistes au Grand Travers, elles regroupent seulement quelques dizaines de personnes. Vous voyez la différence ?" Tout en acquiesçant aux propos de son frère, Joël Ortiz espère retrouver son emplacement au Grand Travers. "Dans deux ou trois ans, on y retournera". Mimi ajoute avec détermination : "Tout le monde veut revenir au Grand Travers !"
Quid de la saison 2025 ?
D'ici la fin de l'année, la municipalité doit remettre en jeu les concessions. "Les trois paillotes déplacées vont se disputer deux lots", explique Pierre-Yves Bricon. Elles seront situées après le rond-point de la discothèque La Dune, en direction de la ville. "L’une des trois va vraisemblablement disparaître", poursuit le gérant, attristé. "Mais on ne sait encore rien", indique le gérant de la Paillote Bambou, qui affirme cependant que "c’est la municipalité qui fera le choix des candidats", qui se verront alors attribuer une concession jusqu’en 2029.
La plage du Grand Travers, sans paillotes l’été pour la première fois depuis plus de vingt ans. Midi Libre – Lilian Todeschini
Le Grand Travers, un espace classé
Le classement des plages du Grand Travers en tant qu’espace culturel remarquable par le tribunal administratif de Montpellier en 2021 avait placé les trois paillotes en sursis. Une mission gouvernementale sur les concessions de plage dans l’Hérault, réalisée un an plus tard, concluait qu’un déplacement des établissements était nécessaire.
Le 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier avait annulé les permis précaires délivrés aux trois paillotes qui occupaient la plage du Grand Travers, pour les saisons 2023 et 2024. Deux associations environnementales sont à l'origine de ces recours.
La Cour administrative d'appel de Toulouse, qui a rendu son jugement le 11 avril 2024, a rejeté la demande de sursis à exécution de la commune de La Grande-Motte. Cette dernière a décidé de délivrer trois emplacements temporaires à la Voile Bleue, la Paillote Bambou et l’Effet Mer en dehors de la zone protégée.
Sollicitée à plusieurs reprises, l’équipe de l’Effet Mer n’a pas souhaité nous répondre. Je m’abonne pour lire la suite