“Un des effets du changement climatique” : pourquoi les fraises de l’Hérault sont déjà sur nos tables
|Jean-Marc Touzard, chercheur à l’Inrae MIDI LIBRE
Jean-Marc Touzard, directeur de recherche, économiste de l'innovation au sein de l’Inrae à Montpellier est spécialiste d’agriculture et lie la précocité de l'arrivée des fraises au dérèglement climatique.
Est-ce que la précocité des récoltes est à mettre en lien avec le changement climatique ?
Le changement climatique a différents impacts. L’un des principaux porte sur la phénologie des végétaux, c’est-à-dire sur leur stade de développement. Ils débourrent plus tôt, dès la sortie de l’hiver. Mais tout cela dépend des cultures, des variétés, d’où elles viennent… Il y a une multitude de critères qui entrent en compte, comme la dormance, si elles ont besoin ou non de froid… Là, on voit que même des fruits sous serre, qui tempèrent un peu les effets du changement climatique, sont en avance. Mais au-delà des fraises de Mauguio, un des premiers impacts du changement climatique, c’est cette précocité de tout le cycle végétatif. Cela porte sur les fraises, mais aussi sur la vigne, sur les vergers, sur les plantes pérennes…
L’une des conséquences, c’est le risque du gel tardif observé en région en 2021 et en 2022…
Absolument, l’un des risques de cette précocité c’est l’exposition des végétaux au gel tardif. C’est d’autant plus paradoxal que si on observe une diminution du nombre de jours de gel, le risque d’exposition à un gel tardif lui est en augmentation.
Peut-on se prémunir de ce gel ?
Oui, tout dépend là encore les productions. Sur la vigne, cela peut-être la taille tardive où on retarde le démarrage végétatif. Sous serre, on peut la retarder en adaptant un peu la température. On peut faire des choix de variétés qui vont débourrer plus tard. Puis on a des modalités de protection comme les bougies, l’aspersion… de nombreuses techniques connues.
On sait que les agriculteurs sont les premiers témoins du changement climatique…
À l’échelle de la région Occitanie, les acteurs professionnels comme ceux qui les accompagne comme les chambres d’agriculture ont vraiment pris conscience de l’enjeu de l’adaptation au changement climatique. Et tout le monde sait qu’il n’y a pas de solution miracle. Par exemple, l’irrigation est une réponse à un problème particulier. Il convient de mettre en œuvre des stratégies globales, adaptées à chaque production et à chaque territoire. On sait que d’ici 2050, le changement climatique va s'accélérer et le caractère méditerranéen du climat va s’accentuer. Pour autant, on reste dans une zone où il existe des solutions. D’ici là, on ne sera pas à l’abri de risques majeurs comme des grosses inondations, des vagues de chaleurs intenses, des énormes incendies ou des sécheresses à rallonge comme on observe dans les Pyrénées-Orientales… Mais le problème c’est après 2050 ? Quel sera le scénario ? Est-ce qu’on aura stabilisé les choses ? Or c’est aujourd’hui que cela se joue.
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