Un feu d’artifice procédural : comment la défense de Marine Le Pen tente de torpiller son procès dans l’affaire des assistants parlementaires
|Le cas Louis Aliot sera examiné le 22 octobre MAXPPP – MICHEL CLEMENTZ
Les avocats de Marine Le Pen et d’autres prévenus du procès ont utilisé tous les arguments de procédure possibles pour tenter, sans succès, de torpiller la poursuite.
Marine Le Pen absente du tribunal pour assister à l’Assemblée à la déclaration du Premier ministre, son avocat a occupé la deuxième journée d’audience ce mardi par un festival de plaidoiries, en présence du maire de Perpignan, Louis Aliot.
Me Rodolphe Bosselut s’est levé pas moins de trois fois pour tenter de faire renvoyer ou annuler le procès qui vise le détournement supposé par le RN des fonds publics européens destinés à financer les emplois d’assistants parlementaires européens.
"Question préjudicielle" (une demande de renvoi du dossier à la Cour de justice de l’Union européenne), demande d’annulation de l’ordonnance de renvoi, demande de prescription : la première requête a été rejetée, tandis que le tribunal devrait renvoyer sa réponse sur les deux autres au jugement de fond. Me Bosselut a pu ainsi, d’entrée, tempêter en réalité sur le fond.
Jamais mis les pieds au Parlement européen
"Les juges d’instruction n’ont pas examiné un document de 500 pages qui démontre que Catherine Griset, assistante parlementaire à Strasbourg de Mme Le Pen, a vraiment travaillé au Parlement européen", a-t-il dit, énumérant les tâches supposées.
Le cas de Catherine Griset, assistante puis cheffe de cabinet au RN de Marine Le Pen, est un point sensible de l’affaire. Payée de 2 813 à 4 472 € bruts mensuels entre 2008 et 2016 sur fonds communautaires, elle n’a, selon l’enquête, quasiment jamais mis les pieds au Parlement européen mais était par exemple entre 15 et 22 jours par mois au siège du RN en 2015-2016.
Sur la question de la prescription, Me Bosselut a aussi appuyé une demande concernant le cas – plus embarrassant encore – de Thierry Légier, garde du corps de Jean-Marie puis de Marine Le Pen, rémunéré comme assistant parlementaire de 5 236 € bruts mensuels en 2005 à 9 078 € bruts mensuels sur trois mois en 2011.
"Tromper le citoyen"
"Rien n’a été dissimulé, tout le monde le connaissait comme chargé de sécurité au Parlement européen", a dit Me Bosselut, soulignant que cette situation aurait en fait commencé en 1992.
Cette absence de dissimulation entraînerait la prescription du dossier, à ses yeux. Cela sera jugé avec le fond.
Plusieurs autres prévenus n’ont pas été en reste d’arguments techniques, ajoutant à la panoplie notamment la "question prioritaire de constitutionnalité" (une demande consistant à solliciter le renvoi pour examiner la conformité du dossier avec la Constitution).
On conteste dans ce cas rien moins que la qualité de "chargé d’une mission de service public" d’un… député, afin de repousser la possibilité même de l’accusation de détournement de fonds.
"Une croisade contre lui"
A enfin été recyclé l’argument de procédure, usé jusqu’à la corde et toujours rejeté dans d’autres affaires, selon lequel les juges n’auraient pas le droit de contrôler l’usage des fonds publics par des élus, car ce serait une "atteinte à la séparation des pouvoirs".
Une stratégie vouée à l’échec, à laquelle Me Patrick Maisonneuve, avocat du Parlement européen, partie civile, a répliqué avec virulence : "Il faut cesser de dire que le Parlement européen aurait voulu maltraiter ou tordre le cou au RN, mener une croisade contre lui."
Et de commencer la bataille, regardant les prévenus : "Ils n’ont pas trompé seulement l’institution, mais surtout le contribuable, le citoyen."
Le procès va commencer l’examen du fond ce mercredi avec le cas du RN, poursuivi comme personne morale. Celui de Marine Le Pen sera examiné entre les 14 et 16 octobre, celui du maire de Perpignan Louis Aliot sera examiné le 22 octobre.
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