Viols de Mazan : “Mon père est sans doute l’un des plus grands prédateurs sexuels des vingt dernières années” affirme sa fille
|Caroline Darian et sa mère, Gisèle Pelicot. “Ca m’est tombé dessus comme un cataclysme.” MIDI LIBRE – François Barrère
Caroline Darian, la fille de Gisèle et Dominique Pelicot, jugé avec 50 coaccusés devant la cour criminelle du Vaucluse pour viols aggravés, raconte avec ses belles-soeurs comment toute la famille a aussi été la cible de son voyeurisme maladif.
"Tous les petits-enfants de cette famille ont perdu leur innocence. Nous passons notre temps à les amener à l’hôpital, chez le psychologue." Belle-fille de Dominique Pelicot, qui a organisé pendant dix ans les viols sous soumission chimique de son épouse Gisèle, Céline, 45 ans, témoigne vendredi 6 septembre devant la cour criminelle du Vaucluse de la déflagration familiale créée par l’arrestation de son beau-père, le 2 novembre 2020. "Ma belle-mère appelle le soir pour parler à son fils, je comprends que c’est grave. Quand je le vois raccrocher, il va dans les toilettes et il va vomir."
Une lumière rouge qui s'allume dans la piscine
Au-delà de l’épouvante subie par Gisèle Pelicot, qu’elle a racontée jeudi, toutes les femmes et les filles de la famille Pelicot ont été la cible de son voyeurisme maladif. Dans la maison de Mazan, près de Carpentras. "On y envoyait nos filles en vacances. On les a questionnées. Ma fille m’a dit que quand elles allaient dans la piscine, on voyait une petite lumière rouge s’allumer. Me concernant, il y a eu des photos prises dans la salle de bains, là-bas et à mon domicile. Des photos où je suis nue sous la douche. Zoomées sur mes parties intimes. Est-ce qu’elles ont été diffusées ? À qui ? Mes enfants pourront-ils tomber un jour dessus ?"
Un photomontage humilliant
Les policiers ont découvert un photomontage, avec le haut de son corps et son visage, et deux hommes qui se livrent à des actes sexuels. "C’est quoi ce regard qu’il a pu avoir sur nous ? C’est très perturbant, dégradant, humiliant. Ça me dégoûte." Elle se demande aussi si Dominique Pelicot a fait violer son épouse pendant que les fillettes, qui ont raconté avoir eu un jour du mal à réveiller leur grand-mère, étaient en vacances dans la villa de Mazan.
Me Béatrice Zavarro, l’avocate de ce dernier, se lève. "M. Pelicot a dit qu’il ne faisait venir des hommes que quand ils étaient tous les deux." La réponse est cinglante. "Je ne crois rien de ce que peut dire M. Pelicot."
Surpris en train de se masturber devant son ordinateur
Aurore, 37 ans, l’autre belle-fille, a elle aussi eu droit à des montages photo dans l’ordinateur de son beau-père, devant lequel elle l’a un jour surpris alors qu’il se masturbait. Les policiers y ont trouvé un fichier avec son corps et le sexe de ce dernier, et ces mots : "Ma salope de belle-fille". Elle détaille : "Des photos de moi nue sous la douche, prises à mon insu, en maillot au bord de la piscine, des photos du sexe de mon beau-père sur mon maillot de bain".
Elle a appris qu’à l’été 2020, lorsque ses filles, au supermarché, ont demandé à leur grand-père d’acheter des bonbons, "il leur a dit qu’il voulait bien si elles acceptaient de se montrer nues. Elles nous ont dit qu’elles n’ont pas compris". Elle l’a aussi entendu un jour demander à son autre petit-fils de "jouer au docteur."
Une affaire historique
Elle-même a été abusée par son grand-père, a déposé plainte, a déjà vécu un procès. "Cette affaire est historique, exceptionnelle, mais j’espère qu’on n’oubliera pas toutes celles qui sont banalisées. J’ai trois enfants, et j’ai peur de les voir évoluer dans un monde où ce genre de choses est possible."
Exceptionnel, le procès Pelicot l’est assurément. La presse américaine, anglaise, japonaise, espagnole ou allemande afflue à Avignon, et Nabila a lancé une cagnotte pour Gisèle Pelicot, vite stoppée à la demande de la famille.
"Comment fait-on pour se reconstruire sur des cendres, quand on sait que son père est sans doute l’un des plus grands prédateurs sexuels des vingt dernières années ?" s’interroge justement à Caroline Darian, la fille de Dominique et Gisèle Pelicot.
Rappelée d'urgence au commissariat d'Avignon
"J’aimais l’image de l’homme que je croyais connaître, sain, bienveillant, un papa affectueux chez qui je n’ai jamais décelé en grandissant et en devenant une femme un regard déplacé, un geste malvenu."
Juste après son arrestation, elle a été rappelée d’urgence un après-midi au commissariat d’Avignon. "Je comprends tout de suite que je vais devoir voir des choses qui ne vont vraiment pas me faire plaisir." Une photo de femme endormie, allongée sur le côté, avec la lumière allumée.
"On voit ses fesses en gros plan. Non, ce n’est pas moi, monsieur." Deuxième cliché, "même position, même femme, a priori même culotte, qui n’est pas à moi, même mise en scène." Le policier lui montre : "C’est bien vous qui avez une tache brune sur la joue droite ?" Elle souffle. "Je découvre que mon père m’a photographiée à mon insu dénudée, et je suis moi-même droguée sur ces photos, parce que je ne dors pas comme ça. Ça m’est tombé dessus comme un cataclysme."
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