Avec “Madame l’Aventure”, le 38e Printemps des comédiens, à Montpellier, se tape un bon délire !

Avec "Madame l'Aventure", le 38e Printemps des comédiens, à Montpellier, se tape un bon délire !

Ne vous fiez pas à cette photographie de répétition, “Madame l’Aventure” de Clémence Jeanguillaume et Lionel Dray est une splendeur visuelle ! DR

Création fantastique et délirante de et avec Clémence Jeanguillaume et Lionel Dray, "Madame l'Aventure" est à voir au théâtre des 13 Vents, dans le cadre du 38e Printemps des comédiens, à Montpellier du vendredi 7 au dimanche 9 juin.

"L’aventure c’est l’aventure, elle est pareille à l’amour, elle est en moi pour toujours", disait un philosophe, à moins que ce ne fût Johnny Hallyday ? En tout cas, elle travaille déjà la tripe de Jean-Pierre, l’aventure, quand s’ouvre Madame l’Aventure donné au théâtre des 13 Vents, dans le cadre du 38e Printemps des comédiens. Jean-Pierre (Lionel Dray), c’est le chevalier à la pas triste bouille, qui s’est foulé (il a des béquilles) pour boiter jusqu’à nous sur l’échiquier – lynchien – de la destinée. Il porte accroché dans le dos un grand panneau où, on suppute, sont punaisés ses plans sur la comète. Il n’est pas tout seul. Ni dans sa tête ni à l’extérieur d’icelle.

Reine dragon

À jardin, en effet, une série de lampadaires puissants type aire d’autoroute. À cour, une réduction de Citroën Ami-8 accueillant un sofa, un clavier, une console son, une cymbale, bref tout un bazar. En fond de scène, un rideau de larges lamelles en plastique façon garage. Et assise non loin, une drôle de princesse (Clémence Jeanguillaume) dont l’étrange hennin couvre aussi le visage, ne laissant apparaître que la bouche ; ce qui est pratique car elle roucoule une mélopée. Quand elle se lève, elle révèle être juchée sur des bottes rouges à talon extrême. Ce n’est pas une princesse mais une queen, une queen dragon…

Ainsi donc le bon ferrailleur et la bien carrossée veulent-ils nous affranchir sur l’aventure, et à y être, y partir ? Pour se donner du courage, ils s’embrassent goulûment. Beaucoup. "Si la mort d’une étoile est la condition de son éclat, ainsi en va-t-il aussi de l’aventure", s’interroge (et s’inquiète) le trompe-la-mort-quoique.

Exploration chapitrée

Après ce prologue plein de drôlerie, les affaires sérieuses (ou presque) de commencer. Un panneau lumineux nous annonce le premier chapitre : Explosion du connu. Muette, et ô combien burlesque, la séquence voit notre aventurier se battre contre des ombres, frappant de taille et d’estoc dans des giclées de sang figurées par sa dulcinée à l’aide de pigments colorés, le tout sur fond d’electro discoïde. Vous vous souvenez de Metropolis colorisé, dynamité, par Georgio Moroder ? Eh bien, c’est la même chose avec plus d’escrime : c’est que ça brette à rire !

Le chapitre suivant, La tour de l’anecdote, est son contrepied anti-spectaculaire. "L’aventure est-elle au coin de la rue ?", s’interrogeait un philosophe, un autre, à moins que ce ne fût Jacques Dutronc ? À écouter Jean-Pierre faire le récit épique de sa quête du pain, et de sa perte des clés, la réponse est assurément positive. Mais voilà que la Mort, crâne nu, sourire carnassier, qui s’invite pour chanter la mélopée de l’absurde ontologique de la condition de mortel (ou un truc dans ce goût-là).

Sans transition, chapitre 3, De la théorie de l’aventure. On retrouve JP et Madame l’Aventure (allez, on vous a reconnue) à bord de l’Ami-8. Aïe, sortie de route, sortie du cadre. C’est le début d’une conférence sur les aventuriers actifs et passifs, peut-être docte mais pas pédante, impossible : leurs voix sont filtrées, héliumisées, ridiculisées. "On va rire ce soir !" Et ce n’est pas fini… mais on n’en dévoilera pas plus car une large part du plaisir que procure Madame l’Aventure tient à la surprise de sa découverte.

Foutraque à dessein

S’il s’appuie en effet à l’évidence sur une étude sévère du concept d’aventure, s’il regorge de références tranchantes ou coupantes (Don Quichotte et Le Mont Analogue, pour les plus évidentes), s’il prend soin de chapitrer sa progression, sa maïeutique reste volontairement échevelée, pleine de nœuds, hirsute. Pourquoi ? Eh bien, parce que l’aventure se doit d’être échevelée ! À la continuité narrative, Madame l’Aventure préfère l’accident heureux et la séance fiction, le morceau de bravoure et fragment lunaire, le tableau songeur et le songe pictural… Bref, partir dans tous les sens, sans perdre jamais ceux de l’humour, du beau, de l’envie…

Lionel Dray s’avère irrésistible dans tous les registres de jeu, de la pantomime au contemporain, en passant par la tragédie et le clown. Également excellente, Clémence Jeanguillaume produit en outre en direct une musique synthétique puissante et hypnotique sous l’influence de Tangerine Dream et John Carpenter. À deux, et des coups de main aux masques, aux costumes, aux lumières, ils produisent des visions fantastiques et délirantes, évoquant un croisement entre Terry Gilliam et Alejandro Jodorowsky, qui valent le détour. Il faut toujours se laisser tenter par l’aventure.

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