Bruno Retailleau, une arme à double tranchant : est-il un atout dans la main de Michel Barnier ou un caillou dans sa chaussure ?
|Bruno Retailleau, le ministre le plus en vue du gouvernement. MAXPPP – TERESA SUAREZ
Le nouveau ministre de l’Intérieur, s’il est apprécié de sa famille politique et des électeurs de droite, divise profondément les macronistes.
Est-il un atout dans sa main ou un caillou dans son mocassin ? La nomination de Bruno Retailleau par Michel Barnier comme ministre de l’Intérieur a immédiatement été perçue comme une arme dégainée par Matignon pour neutraliser le RN.
Mais très vite, le nom du locataire de la place Beauvau est aussi devenu un irritant pour les macronistes supposés soutenir le Premier ministre.
"Ça commence à bien faire"
"On a un gros problème avec Retailleau, on aurait dû refuser toute coalition qui incluait un nouveau projet de loi immigration. En plus, il ne nous en a pas informés, on l’a découvert dans le Journal du Dimanche", pestait lundi auprès de La Dépêche une ancienne ministre.
"Multiplier les annonces par voie de presse que ce soit sur l’immigration ou la sécurité, ça commence à bien faire. On ne peut pas avoir pour méthode de contourner les parlementaires au moment même où le gouvernement est minoritaire", complète dans Sud-Ouest le président macroniste de la commission des Lois Florent Boudié.
Le même s’est fendu d’une missive adressée directement au locataire de la place Beauvau afin de lui reprocher d’avoir annoncé aux préfets vouloir revenir sur la circulaire Valls avant d’en avoir informé la commission des Lois qui l’avait pourtant auditionné quelques jours plus tôt.
"En mélangeant tous les sujets, on fait le lit du RN", s’agace enfin l’ex-ministre Roland Lescure dans une interview aux Échos.
Il explique : "Le Parlement a dû voter 30 lois sur l’immigration au cours des quarante dernières années. Je ne pense pas que c’est avec une 31e qu’on réglera les problèmes."
Homme de droite emblématique
Mais si le nouveau ministre de l’Intérieur agace les anciens marcheurs, il séduit en revanche à droite des hémicycles. 170 députés et sénateurs LR ont volé à son secours dans une tribune lorsque le ministre a été attaqué pour avoir remis en question l’État de droit.
Au gouvernement, les ministres LR le soutiennent et ses collègues de la place Beauvau apprécient l’homme et ses méthodes : "Nous sommes un triumvirat très soudé autour de Bruno Retailleau qui est un homme de droite très emblématique. Nous avons deux rendez-vous avec lui toutes les semaines, il sait faire vivre notre collectif", se félicite l’un de ses ministres délégués qui nous assure que son côté irritant ne le dessert pas auprès des macronistes.
Mais Bruno Retailleau joue surtout l’opinion publique et c’est bien ce que lui reproche l’ex majorité : "S’il voulait vraiment faire passer des projets de loi, il ferait attention à ne pas nous braquer puisqu’il a besoin de nos voix pour qu’un texte soit voté. Mais Retailleau fait le pari que Barnier ne va pas tenir et il veut sortir en étant le héros de la droite", analyse un député du camp Macron.
Populaire chez les policiers
Reste que l’opinion publique adhère. Le 3 octobre dernier, juste après ses propos sur l’État de droit, le baromètre Elabe pour Les Échos lui attribuait une forte hausse de 6 points pour s’établir à 21 % d’opinion positive. C’est chez les policiers que sa popularité est à son maximum : "J’ai de bons retours, des témoignages réguliers pour dire que les policiers se sentent soutenus. De plus, dans la loi de programmation, on a prévu 23 000 recrutements, ça a rassuré les forces de l’ordre", nous confie un membre du gouvernement.
Reste à savoir ce que donnera cette popularité lorsque l’Assemblée nationale devra débattre d’une éventuelle loi Immigration. Atout ou caillou ?
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