“C’est la mort de C8” : Laurence Ferrari répond aux questions sur la perte de la fréquence TNT de la chaîne et le lancement de l’hebdo JDNews
|Laurence Ferrari est à la tête du JDNews, le nouvel hebdomadaire lancé en kiosques. – Anthony Quittot
Entretien avec Laurence Ferrari, l'une des journalistes vedettes d’Europe 1 et CNews, à la tête du nouvel hebdomadaire JDNews et de la marque JDD.
Vous êtes à la tête du JD News, disponible en kiosque le mercredi et le dimanche en supplément dans le JDD. Quelle sera sa ligne éditoriale ?
Nous avons deux objectifs : défendre la liberté d’expression en donnant la parole à des gens qui pensent sans œillères et portent un regard clair sur l’état de nos sociétés.
Mais aussi apporter de l’espérance. Nous ne sommes pas seulement les conteurs des maux de la société, à chaque fois que nous exposons un problème qui concerne nos lecteurs, nous essayons d’apporter une solution.
Le JDNews sera-t-il le magazine de toutes les expressions, y compris celles de la gauche ?
Tous les avis sont les bienvenus ! Nous aimons la confrontation des idées. Nos pages sont donc ouvertes absolument à tous ceux qui ont un point de vue et veulent l’exprimer. Se lancer dans une telle aventure en presse écrite est toujours un pari risqué.
Quel est votre objectif en termes de ventes ?
Il est ambitieux, le lancement se fait sur 130 000 exemplaires sur 20 000 points de ventes. Assister à la naissance d’un magazine, c’est tellement rare aujourd’hui, c’est un projet que nous portons avec beaucoup d’enthousiasme !
Mais nous sommes conscients des difficultés du secteur, le marché de la presse est compliqué, il va nous falloir du temps pour nous installer et que notre magazine trouve petit à petit sa place parmi toute l’excellente offre qui existe déjà en kiosques. Nous sommes confiants car nous savons les forces de notre offre.
On retrouve aux commandes de la rédaction, Geoffroy Lejeune, ancien de Valeurs Actuelles (1), qui est déjà aux responsabilités au JDD. La rédaction sera-t-elle également la même pour les deux titres ?
La matrice du JDNews est assurée essentiellement par des journalistes du JDD, avec l’apport de nombreuses signatures extérieures, notamment celles de grands reporters.
Vous êtes la présidente de la marque globale du JDD. L’arrivée de Geoffroy Lejeune avait entraîné une grève avec des départs dans votre hebdomadaire dominical. Le titre en a-t-il souffert économiquement ? Que disent les chiffres de la diffusion des annonceurs, un peu plus d’un an après ?
Nos annonceurs partenaires sont toujours restés fidèles. D’autres grandes marques viennent progressivement sur le titre. Nos ventes sont en ligne avec le marché et avec une croissance importante des abonnements sur Internet. Le JDD reste et restera une marque très forte dans le quotidien des Français. *
Vous avez quitté récemment la rédaction en chef politique de Paris Match, repris par le groupe LVMH. Votre objectif sera-t-il aussi de concurrencer ce titre ?
Pas du tout. Paris Match est un titre unique, tout comme le JDNews. Nous serons sur une offre différente avec le JDNews, centrée sur l’actualité.
Vous inscrivez-vous davantage dans une forme de concurrence avec L’Express et Le Point ?
Nous nous positionnons plus, en effet, par rapport à ces titres, mais ils sont extrêmement puissants. À nous d’avoir un ton original – ce que nous ferons ! Il faut que les gens sachent pourquoi ils achètent le JDNews et pas un autre grand hebdo.
Vous avez présenté sur TF1 le journal le plus regardé d’Europe, animé des débats de la présidentielle, votre carrière a connu un tournant dans les médias contrôlés par Vincent Bolloré, dont vous êtes aujourd’hui l’une des figures de proue. Plusieurs d’entre eux véhiculent des " valeurs conservatrices et religieuses" selon Le Monde. On entend peu les voix du groupe répondre aux critiques, que vous inspirent-elles ? Assumez-vous une forme de journalisme d’opinion ?
Il y a deux temps dans les médias : celui des éditoriaux et celui du factuel. Nous avons, en tant que journalistes, les mêmes valeurs, c’est-à-dire d’abord de donner des infos vérifiées. Nous ne choisissons pas des sujets parce qu’ils seraient connotés, nous évoquons ceux qui préoccupent les Français, il faut affronter la réalité telle qu’elle est et non pas pas telle qu’on aimerait qu’elle soit.
Vous êtes présente aussi sur Europe 1 et CNews, vous avez également officié sur C8, qui sera privée de fréquence TNT à partir du 28 février. Ces deux chaînes ont reçu 47 sanctions du CSA et de l’Arcom depuis douze ans. Comment l’expliquez-vous ?
Je ne me l’explique pas. Des recours ont été déposés par notre groupe devant le Conseil d’État. J’ai démarré à D8, avec les équipes des grandes émissions qui font aujourd’hui C8. Je pense à celle de Philippe Labro, de William Leymergie, Les Animaux de la 8, Jordan De Luxe…
Je ne sais pas si vous imaginez dans quel état d’esprit sont les 300 salariés et ceux des boîtes de production qui travaillent aussi pour la chaîne, ils ne savent pas quel sera leur sort fin février.
C’est un véritable drame humain, c’est une grande préoccupation pour tout le groupe, c’est à eux que je pense en priorité, je suis vraiment triste.
Quel sera l’impact sur la chaîne ?
Il sera majeur, c’est la mort de la chaîne. C’est extrêmement dur de fermer une chaîne qui est, de plus, la première de la TNT. Notre groupe a déposé des recours devant le Conseil d’Etat (les procédures en référé ont été rejetées, mercredi, la haute autorité administrative étudiera l’affaire sur le fond en novembre, C8 et NRJ 12 pourront défendre leurs dossiers devant le Conseil d’Etat, NDLR).
C8 et CNews ont reconnu des erreurs sur différentes séquences.
Chacun fait des erreurs et quand il y a des sanctions, on les accepte. On écoute très précisément ce que dit le régulateur et on se conforme aux règles. Mais le sujet dépasse de loin le problème d’un seul animateur (Cyril Hanouna, NDLR), la décision a été prise de mettre à mort une chaîne et c’est ce qu’on conteste devant la justice, comme NRJ12.
C8 pourra-t-elle perdurer sous une autre forme ? Cyril Hanouna va-t-il officier sur Canal + ?
Je ne pourrai pas vous répondre à ce stade. Nous attendons le résultat des recours, nous espérons que les choses vont pouvoir s’arranger.
(1) Magazine d’extrême droite que Geoffroy Lejeune vient d’attaquer aux prud’hommes pour contester son licenciement en juin 2023.
Le JDNews est vendu 2,20€ le mercredi. A noter que Laurence Ferrari anime notamment Punchline, du lundi au jeudi, à 18 h sur Europe 1 et CNews.
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