En salle à partir du 2 octobre, “All we imagine as light” : une merveille de film indien primé à Cannes
|Trois magnifiques parcours de femmes d’aujourd’hui en Inde qui se croisent et s’unissent. Condor Distribution
Grand prix au Festival de Cannes cette année, "All we imagine as light" de Payal Kapadia était le premier film indien à y être en compétition depuis trente ans. C'est une merveille de sensibilité, d'une beauté formelle enveloppante, qui brosse un portrait contrasté et empathique de la condition de la femme dans l'Inde moderne. Un très grand film.
On pourrait s’interroger longtemps sur l’absence durant trois décennies en compétition officielle à Cannes, plus grand festival du cinéma au monde, de l’Inde, pourtant plus que grand pays de cinéma, pays continent. Mais on préfère se réjouir de son retour victorieux avec un Grand prix pour un film au titre, grand lui aussi : All we imagine as light. “Tout ce qu’on imagine comme étant de la lumière”. Quelle merveilleuse promesse d’espoir, et parfaite définition du cinéma !
Remarquée à la Quinzaine des réalisateurs en 2021 avec Toute une nuit sans savoir, un film documentaire qui tenait autant du journal intime que du geste poético-politique, Payal Kapadia ouvre sa fiction par une immersion polyphonique dans la vie nocturne de Bombay. Sur des images d’activités nocturnes, marchés, chantiers, transports en commun, se posent des témoignages anonymes de la difficulté à être et à vivre dans la tornade permanente de la mégapole. Bientôt, la caméra se fixe sur trois femmes, trois infirmières, trois âges.
Trois femmes, trois solitudes
Il y a Prabah, pas encore 40 ans, très réservée, mariée, qui n’a pas eu de nouvelles de son époux parti travailler en Allemagne depuis plus d’un an. Mais elle l’attend, reste sourde à la cour que lui fait un médecin arrivé depuis peu et à peine moins timide. Prabah partage un appartement avec sa collègue, Anu, plus jeune et plus délurée. Elle a un petit copain de confession musulmane, ce qui n’est pas bien vu mais elle s’en fiche, son souci, c’est qu’ils n’ont nulle part où aller pour être tranquilles et aller au-delà des baisers et des caresses qu’ils échangent à la dérobée. Et enfin, il y a Parvaty. Plus âgée, laissée sans papier par un défunt mari imprévoyant, elle risque d’être expulsée de son logement convoité par les promoteurs de Bombay avides de terrains. Prabah l’aide dans ses démarches mais c’est mal barré.
"On dit que Bombay est la ville de tous les possibles, mais c’est surtout la ville des illusions", soupire Prabah dans l’un des nombreuses voix off, voix intérieures, dont bruit le film, surtout dans sa première partie urbaine. Dans une seconde partie, les trois femmes vont en effet se retrouver loin de la ville, et peut-être tout…
Si All we imagine as light n’est pas travaillé par un enjeu narratif majeur, il fait montre d’une attention à ce détail qu’on appelle l’humain qui ne laisse pas d’émouvoir dans sa mise en scène plein de délicatesse et de sensualité de la sororité, mais aussi pleine d’une tendre ironie à l’endroit des hommes. Il éblouit aussi par la finesse de l’intelligence avec laquelle, l’air de rien, il nous aura raconté par la fiction, la réalité, contrastée, compliquée, de son pays continent. Et puis, quelle beauté ! Quelle lumière ! Quel final ! Bref, un Grand prix et un TRÈS grand film.
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