Faut-il bannir la voiture dans les centres anciens ?

Faut-il bannir la voiture dans les centres anciens ?

À Salasc, sur la place des Comédiens, une nouvelle réglementation va entrer en vigueur. JM – JM

Avec l’évolution démographique, la circulation et le stationnement entraînent leur lot de nuisances. Comment réguler cette “invasion” ? Des maires répondent à la question.

Témoins d’une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, les cartes postales anciennes, couleur sépia, attestent d’une évidence : sans voiture, les centres historiques de nos villages sont juste magnifiques. Sauf qu’aujourd’hui, cette esthétique est bien souvent sacrifiée sur l’autel du tout automobile.

Car partout le constat est le même. Accroissement démographique oblige, il y a de plus en plus de voitures dans les villages. Résultat, "notre belle place patrimoniale, la place des Comédiens, est envahie de véhicules, c’est vraiment dommage", déplore Jean-Claude Clozier. Maire de Salasc depuis un an et demi, le premier magistrat entend bien utiliser le pouvoir de réglementer le stationnement, qui est entre ses mains, pour trouver une solution à un sujet qui est sur la table depuis… 1998. Un quart de siècle plus tard, la question est toujours d’actualité et particulièrement sensible alors qu’en la matière, un arrêté municipal entend réduire l’omniprésence automobile sur une placette baignée de soleil où chante une jolie fontaine souvent éclipsée par la tôle.

Rendre aux lieux publics leur vocation collective

Il y a un an pourtant, une première réunion publique avait été organisée pour évoquer ce sujet, expliquer, notamment, que la création de deux parkings (un à l’école et un près du cimetière) devrait permettre de limiter le stationnement sur la place centrale du village et l’encadrer davantage sur la commune. Lundi, quelques jours avant la mise en place de l’arrêté, (initialement prévue le 1er juin), la dernière réunion publique sur le sujet a été particulièrement houleuse. Pourtant vertueux, l’objectif de "mise en valeur et de conservation du patrimoine de la commune" et, notamment, la volonté de "rendre à cette place l’essence d’un lieu collectif" se sont heurtés aux habitudes et aux contraintes des foyers même si, "au total, il y a plus de 100 places de stationnement sur la commune…" Résultat, le maire a dû revoir sa copie et faire quelques concessions… à l’automobile. Une bagnole qu’il est décidément difficile de bouter hors des centres anciens. Mais, à Salasc, dès fin juin, l’évolution devrait être nette du côté de la place des Comédiens. La fontaine sera plus visible et le stationnement plus contraint, notamment d’avril à septembre.

L'apport du label Grand Site de France… et des ASVP

À quelques encâblures de là, du côté d’Octon, Bernard Coste a également pris, de longue date, un arrêté municipal pour interdire le stationnement devant le griffe, la fontaine de la place centrale. "Sur cette question du stationnement, il faut réglementer mais il faut faire du cas par cas, il ne faut pas généraliser, prévient-il. Sur la place d’Octon, par exemple, il n’est pas possible d’empêcher ni la circulation, ni même le stationnement. Nous avons par exemple interdit le stationnement devant la fontaine mais nous avons aussi créé deux places (arrêt minute) près de l’épicerie, cela complète le dispositif. Et il y a un parking à 50 mètres de la place !". Et pour le maire d’Octon, le classement du Salagou, désormais reconnu Grand site de France, devrait contribuer à la prise de conscience face à une problématique bien réelle : "Aujourd’hui, il y a deux ou trois véhicules par foyer. Il y a cinquante ans, il n’y en avait pas dans tous les foyers." Autre levier : l’embauche d’ASVP (par la communauté de communes du Clermontais) contribue "avec beaucoup de pédagogie" à faire passer le message.

"Aujourd'hui, on est comme accroc à l'auto"

À Montpeyroux, le maire Claude Carceller résume la situation : "On a de plus en plus de voitures. Aujourd’hui, on est comme accro à l’automobile mais nos villages ont été construits à une époque où il n’y avait pas beaucoup de circulation et où les modes de circulation n’étaient pas ceux d’aujourd’hui." Comme une évidence, à leur création, ces villages n’avaient pas été pensés pour l’automobile. Alors aujourd’hui, la réponse passe aussi par les solutions de mobilités avec, par exemple, "les bus à la demande que nous mettons en place dans la Vallée". Pendant l’été, les villages bénéficieront aussi de lignes supplémentaires pour en faciliter la découverte. Et "sur Montpeyroux, nous avons créé quatre parkings pour permettre aux automobilistes de ne pas stationner dans les rues. La voiture provoque une certaine nuisance visuelle… et olfactive. Le but c’est de l’écarter du centre-ville. Mais les gens souhaitent toujours s’approcher le plus possible de leur domicile ou des commerces. Dans le cadre de notre future ZAC, nous allons travailler sur ces problématiques : la circulation, le stationnement et le piétonnier".

Alors, les centres villages retrouveront-ils un jour l’esthétique des temps anciens ? La marge de progression est certaine. L’arrivée annoncée, à marche forcée, du tout électrique pourrait faire bouger les lignes et donner un formidable coup d’accélérateur à des solutions qui peinent encore à émerger. Encore faudrait-il, déjà, planifier une véritable stratégie, volontariste, en la matière. La route est longue et cahoteuse… mais le temps presse. 2035, c’est demain.

“Les visiteurs nous font des compliments”

À Romiguières, plus petite commune de l’Hérault, la maire Valérie Rouveirol a pris la question du stationnement dans le centre ancien à bras-le-corps. "Au vu du nombre de véhicules par maison, il n’était pas souhaitable qu’elles soient dans les rues. Nous avons des rues très étroites et cela encombrait l’espace public. Avec l’architecte, le parti pris a été d’aménager des plates-bandes pour empêcher le stationnement de longue durée même si on peut décharger les voitures".

Des parkings déjà présents ou créés dans le village apportent des solutions et des aménagements réduisent la vitesse. La décision n’a pas été facile à faire accepter témoigne l’élue. "C’est ce qui a été le moins bien accepté même si le village est tout petit, il faut faire 50 mètres pour aller au parking. Mais il y avait des habitudes, il y a eu de grandes discussions. Mais cela a permis de règler la question du stationnement et de la vitesse." Deux ans après la réalisation, les esprits se sont calmés et "les visiteurs nous font des compliments sur les aménagements qui ont été réalisés".

En charge de l’urbanisme sur la communauté de communes du Lodévois et Larzac, Valérie Rouveirol estime que _"si l’on veut réhabiliter les cœurs de village. Il faut que la voiture soit un peu en retrait pour créer des espaces de vie".Il en va, aussi, de l’équité. Car dans les villages, tous les habitants ne disposent pas de jardin. Et ils devraient pouvoir profiter de l’espace public en toute quiétude.

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