JO Paris 2024 : il y a 60 ans, l’éclair du boxeur narbonnais Jo Gonzales, alias “Jo la Foudre”, aux Jeux de Tokyo

JO Paris 2024 : il y a 60 ans, l'éclair du boxeur narbonnais Jo Gonzales, alias "Jo la Foudre", aux Jeux de Tokyo

Jo Gonzales, fier et heureux de porter la flamme lors du relais olympique, le 16 mai dernier à Narbonne. Independant – CHRISTOPHE BARREAU

Médaillé d’argent au Japon en 1964, porteur de la flamme en mai dernier, Jo Gonzales raconte, à 82 ans, comment les Jeux ont changé sa vie.

L’image en noir et blanc semble tout droit sortie d’une autre époque ou d’un univers parallèle. Entouré de Marcel Cerdan Junior, Mireille Darc, Maurice Chevalier et Régine, ce 29 décembre 1964 au Club de l’Étoile, Jo Gonzales fête sa médaille d’argent conquise quelques mois plus tôt aux Jeux de Tokyo. Le Narbonnais dégage un charisme ombrageux d’acteur et renvoie le même éclat que ces stars. Une lueur nostalgique sur cette époque où la boxe restait un noble art dans l’inconscient collectif.

"Je me battais avec tout le monde"

60 ans plus tard, Joseph aime raconter, le regard gourmand, comment, entre coups d’éclat et coups de poing, il s’est forgé un passage vers ce monde de lumière où aucune place ne lui semblait réservée. Fils d’un immigré espagnol travaillant dans les vignes, certainement le plus turbulant des six enfants, il le concède : "Je me battais avec tout le monde pour tout et pour rien…"

Au pays du rugby, lui serait boxeur… Repérées par Maurice Graves, président Boxing club narbonnais, ces mains d’apprenti-boulanger seront pétries rue de l’Étoile pour aller décrocher la lune olympique. "Il s’est vraiment bien occupé de moi et m’a employé dans son entreprise de miroiterie".

La bise de Dalida, la médaille de De Gaulle

À 16 ans, Jo cultive, combat après combat sa réputation de vrai frappeur gaucher qui lui ouvre les portes de l’Institut national des sports, à Paris, et d’une carrière fulgurante chez les amateurs.

JO Paris 2024 : il y a 60 ans, l'éclair du boxeur narbonnais Jo Gonzales, alias "Jo la Foudre", aux Jeux de Tokyo

Jo Gonzales (à gauche) lors d’un combat professionnel contre l’Américain Art Hernandez en 1967. MAXPPP – Keystone Pictures USA

104 victoires avant la limite pour ce pur puncheur

« J’étais un vrai frappeur, je cognais fort du gauche, ça c’est sûr ». Il ne faut pas beaucoup de mots à Jo Gonzales pour étaler ce qui était son point port : des qualités de puncheur qui en fait un des plus redoutables finisseurs de sa génération.

Les statistiques parlent d’elle-même : 76 combats disputés chez les amateurs pour 74 victoires, dont 64 avant la limite. Trois fois champion de France, vice-champion du monde militaire des super welters, le Narbonnais remportera aussi la médaille d’or aux Jeux de l’amitié puis l’argent olympique à Tokyo avant de démarrer une carrière chez les professionnels.

Deux championnats d'Europe perdus

Là encore, les statistiques traduiront sa puissance avec, en 52 combats, de 1964 à 1971, 40 victoires, toutes avant la limite, 2 matchs nuls mais aussi 10 défaites, dont deux par KO. Deux nouveaux titres de champion de France compléteront ce parcours chez les pros ainsi que deux défaites lors de championnats d’Europe, à chaque fois contre des rivaux italiens qui boxaient à domicile : Sandro Mazzinghi en 1967 et Remo Golfarini en 1968.
 

Point d’orgue, ces JO de Tokyo, en 1964, où il n’échoue qu’en finale des super welters sur la terreur de l’époque, le Russe Boris Lagutine qui sera à nouveau sacré quatre ans plus tard à Mexico. "Je n’avais pas de regrets à avoir, se souvient le Narbonnais. Un des juges m’avait quand même donné vainqueur aux points. Mais même battu en finale, cette médaille m’avait propulsé sur le devant de la scène."

Avec seulement 15 médailles dont une en or en 8 en argent, la France ne brillait guère, alors, sur les anneaux olympiques. La bise de Dalida à Jo, à sa descente du ring japonais, alimentera les gazettes de l’époque avant une réception par le Général de Gaulle en personne qui le fera Chevalier de l’ordre national du mérite.

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Jo Gonzales heureux de faire découvrir sa médaille d’argent, volée en 1970 et dont le CIO lui a offert une réplique en 2015. Midi Libre – Richard Gougis

Une médaille volée puis refaite par le CIO

Se faire voler sa médaille olympique. Il n’existe sans doute pas pire mésaventure pour un ancien champion. C’est ce qui est arrivé à Jo Gonzales en 1970, six ans seulement après son podium olympique.

"Nous avions ouvert notre restaurant à Narbonne deux ans avant mais nous n’y étions qu’en saison, raconte Jeannine Gonzales. La médaille était dans une vitrine pas fermée à clé. Les amis, les habitués pouvaient l’admirer. Et un beau jour, elle a disparu."

Des années de combat

Commence alors une longue quête qui va réclamer beaucoup de temps et d’énergie à l’épouse du champion : demander une réplique de la médaille au Comité international olympique. "Je savais qu’ils avaient un exemplaire de cette médaille dans leur musée de Lausanne et qu’il était possible d’en faire une copie."

Une demande qui restera lettre morte pendant une quarantaine d’années. Et puis, en 2015, l’acharnement de Jeannine sera récompensé par l’attribution de cette fameuse réplique qui trône à nouveau dans la vitrine. Et que Jo Gonzales est fier de montrer aux journalistes et aux visiteurs.

Médailles, trophées et ceintures dorment là, dans une petite vitrine qui trône au cœur de leur appartement narbonnais, sobre et spacieux. Jo se régale de les étaler, comme on remonte le temps. L’œil reste vif mais la mémoire rate parfois un aiguillage. À ses côtés, Jeanine, son épouse depuis 61 ans, corrige une date, précise une anecdote, elle qui a tout partagé avec lui. Y compris la vie de restaurateurs, à Narbonne, après une carrière qui gardera un goût d’inachevé dans l’univers impitoyable de la boxe professionnelle. Deux championnats d’Europe perdus comme autant de portes refermées sur les chances de disputer un jour un championnat du monde.

La visite de Sugar Ray Robinson dans le vestiaire

La consolation ? Sans doute cette visite réconfortante dans un vestiaire de vaincu, à Rome, d’une de ses idoles, Sugar Ray Robinson, "le plus grand de tous les temps avec Cassius Clay".

La boxe d’aujourd’hui ? "Elle n’a pas foncièrement changé mais elle est moins bien considérée", regrette Jo. La flamme, elle, est intacte. Jo est allé presque en courant la porter fièrement quand elle est passée à Narbonne le 16 mai. "Une ferté et le plaisir de voir qu’on pense encore à moi."

À bientôt 83 ans, il regardera les Jeux de Paris devant sa télé, malgré les deux invitations proposées par la fédération française de boxe. "La vie parisienne n’est plus faite pour nous", rigole Jeannine. Mais elle leur a apporté tant de beaux souvenirs…

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