Le Nouveau Festival Radio France a osé un étonnant “Requiem” de Mozart serti d’improvisations à l’orgue

Le Nouveau Festival Radio France a osé un étonnant "Requiem" de Mozart serti d’improvisations à l’orgue

Le “Requiem” de Mozart par le Concert de la Loge dirigé par Julien Chauvin s’est avéré parfois déstabilisant mais le plus souvent éblouissant. Franck Juery

Lundi 15 juillet, l’opéra Berlioz, au Corum, à Montpellier, affichait complet pour le mythique et sublime "Requiem" de Mozart, par le Concert de la Loge, sur instruments d’époque. Le chef Julien Chauvin avait opté pour la version complétée par l’élève du génie salzbourgeois, Süssmayr, qu’il a assortie d’improvisations à l’orgue… diversement appréciées.

Il en va des tubes classiques comme des sites historiques : on aura beau regimber, ratiociner, déplorer leur trop grande fréquentation, il n’en demeurera pas moins que, s’ils le sont, c’est pour la simple et bonne raison qu’ils le méritent plus que tout autre ! Bref, le Requiem de Mozart, lundi à l’opéra Berlioz, dans le cadre du Nouveau Festival Radio France ? Complet, forcément.

Mais avant ce chef-d’œuvre absolu laissé inachevé en 1791 par le génie salzbourgeois, Julien Chauvin a donné avec son Concert de la Loge, la Symphonie n°39 en mi bémol majeur du même Autrichien, achevé le 26 juin 1788, trois jours avant le décès de sa fille Thérèse. Une œuvre en quatre mouvements, d’une vingtaine de minutes, qui impressionne par sa narration palpitante et décoiffe par sa puissance héroïque. Les cordes y sont si bellement, si intensément mis à contribution qu’avec cinq minutes supplémentaires de ce traitement frénétique, on aurait sûrement vu flamber des violons ! Un régal encore augmenté du spectacle de la direction de Julien Chauvin depuis son violon, débout et particulièrement expressif, pour ne pas dire déchaîné !

Au retour, avant que d’entamer la messe sublime, le chef fait une précision au micro de France musique (qui diffusait en direct et qui nous offre la possibilité de réécouter la soirée sur son site internet) : "Mozart jouait du violon, du clavecin, du pianoforte, mais il adorait l’orgue. Et ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était improviser. Ce que j’ai imaginé avec Paul Goussot, organiste et parmi les plus grands improvisateurs au monde, c’est de nous faire pénétrer la chambre où Mozart, malade, est en train de réfléchir à ce qu’il va écrire, comment il va enchaîner les mouvements, comment la fugue va débuter et se terminer… J’ai donc demandé à Paul de jouer en quelque sorte le cerveau de Mozart".

Ainsi, avant l’Introitus tant attendu, ledit organiste Paul Goussot a-t-il proposé sa vision des ruminations créatives de l’alité génial quoique subclaquant. Pour le coup, c’est une surprise. Pas désagréable. D’autant que le (remarquable de tous les instants, tous les instruments) Concert de la Loge enchaîne avec l’introït qui laisse déjà soupçonner la puissance de l’ensemble Les Éléments (dirigé par Joël Suhubette) et permet d’apprécier l’élégance de la soprano Lauranne Oliva. Le Kyrie offre ensuite au chœur de nous éblouir véritablement, par sa ferveur, sa clarté et sa précision. Que dire alors de la Sequencia ? La Dies irae est fabuleuse, ça gronde sous les cintres de l’opéra Berlioz. Tuba mirum est le moment des solistes Thomas Dolié (baryton), Sahy Ratia (ténor), Eva Zaïcik (mezzo-soprano) et Lauranne Oliva.

C’est ensuite que les avis divergent : une nouvelle improvisation se glisse avant la clameur superlative du Rex tremendæ et ce soliloque nous fait, certes, goûter aux affres de la création mais ce faisant, déboussole un peu notre horloge cardiaque pourtant athée. D’autant qu’il s’achève par une paire de notes ludiques, pour le coup, hors sujet. Heureusement, bien sûr, la suite parachevée par l’élève Süssmayr et parfaitement exécutée par les chœur et orchestre est si palpitante que notre pendule interne reprend le rythme de son émotion.

Gasp, nous revoilà dans les méninges autrichiennes : rameraient-elles un peu sur la suite ? C’est un peu long, on perd le fil mais on est sauvé par les Confutatis, Lacrimosa et Amen qui, sans excès de mélodrame, mais une franchise déchirante, font ce que le génie au bout de sa vie (littéralement) escomptait : nous faire verser une larme de pur tragique existentiel, de celles qui ne sèchent jamais. Memento mori. C’est l’acmé de la soirée.

Après, au fond, plus rien n’a d’importance. Est-ce parce que la suite est l’œuvre du disciple plus que du maître, toujours est-il que les improvisations y semblent moins perturbantes (d’aucuns auraient dit agaçantes), voire même fascinantes. Et le Communio de nous remettre d’aplomb dans la tête et le cœur pour apprécier le long silence qui suit avec la certitude qu’il est composé par Mozart et remarquablement interprété par le Concert de la Loge et Les Éléments. Il y aura alors bien quelques très brèves huées mais surtout une longue, très longue, très longue ovation. Pas debout. Forcément terrassée.

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