Montpellier Danse : l’immense chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker bouleverse “Les quatre saisons”

Montpellier Danse : l'immense chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker bouleverse "Les quatre saisons"

La chorégraphie est portée par quatre danseurs d’origines et de vocabulaires très différents. Anne Van Aerschot

Avec "Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione", qu’elle cosigne avec Radouan Mriziga, Anne Teresa de Keersmaeker, LA grande dame de la danse contemporaine européenne, se collette au tube classique par excellence : "Les quatre saisons" de Vivaldi. Avec une pointe d’humour, quelques ficelles, des fulgurances et un souci constant du dérèglement climatique.

On n’attendait pas forcément Anne Teresa de Keersmaeker, LA grande dame de la danse contemporaine européenne, sur une partition aussi poncée, aussi fréquentée, aussi musique-d’attentisée, que Les quatre saisons de Vivaldi. Mais on mésestimait combien cette ode puissamment violoneuse à la nature résonne avec l’inquiétude de l’artiste vis-à-vis du dérèglement climatique. En outre, la chorégraphie qui cosigne pour la deuxième fois une création avec Radouan Mriziga (après 3ird5 @ w9rk), a trouvé là encore l’occasion de poursuivre son compagnonnage avec la violoniste Amandine Beyer et son ensemble Gil Incogniti après Six concertos brandebourgeois et Mystery sonatas.

Quatre saisons, quatre danseurs

Aux quatre saisons répondent quatre danseurs qui ne les incarnent pas forcément mais qui, par leurs origines différentes, leurs styles opposés, leurs techniques singulières, ont d’évidence quelque chose à nous dire de notre nature autant que de notre société. Mais au prologue, c’est la scénographie qui nous parle : au lointain, à cour et à jardin, sont fixés des alignements de néons qui, dans l’obscurité, clignotent à un rythme aléatoire, éclairs blancs au cœur d’une nuit silencieuse.

Bientôt un autre néon, orange lui, côté salle, va faiblement éclairer le plateau où s’ébroue un premier danseur. Short long de basket, haut en résille légère, sa tenue offre une note de modernité que complète l’arrivée des autres danseurs, d’âges, de cultures, d’expressions corporelles encore une fois différentes.

Il n’y a plus de saison ?

Si au début la célébrissime partition semble être tenue à distance, et peut-être en respect, se faisant entendre par bribes, par soupçons. Au fur et à mesure que la pièce progresse, la nature reprend ses droits, même chamboulés, et Vivaldi, de l’autorité sur la danse. Aux premières évolutions silencieuses, comme désordonnées, propres à chaque danseur, succèdent des élans harmonisés, bras tendus, corps pliés, sauts, alors que se font entendre quelques mouvements emblématiques, quand bien même leur ordre est bouleversé… Il n’y a plus de saison ?

Hiver, printemps, été chamboulés, et pourtant… la puissance de la composition est telle qu’elle insuffle, qu’elle inspire, et bientôt les danseurs de dessiner par leur marche perpétuelle et rigoureuse, le huit aplati du symbole de l’infini mathématique. Ou de partir dans des pivots et des tours comme pousser par les éléments. Ou d’alterner sauts et toupies comme une pure illustration de la construction de la composition, mixant pulsations et sensations, rythmes et mélodies…

Malicieusement, la chorégraphie opère aussi par ruptures de ton par l’adjonction saisonnière de gestes de pantomime, références aux semailles printanières, à l’invasion estivale de moustiques, aux fêtes traditionnelles, aux chasses automnales, aux glissades hivernales… mais aussi de bruits d’animaux, oiseaux, chiens… Elle tempère en outre la rigueur un peu roide des déplacements répétés, épuisés, par le contrepoint des solos, toujours très personnelles aux danseurs, expressifs et partant étonnamment touchants…

Elle ose même la franche drôlerie quand deux danseurs reproduisent les trépidations d’un air hivernal vivaldien par leurs seuls battements de pieds et frappements de mains ! En outre, Il cimento dell’armonia e dell’inventione déborde la logique, ou pourrait-on dire la tétralogique, repartant pour une nouvelle année avec un automne nouveau, un hiver nouveau, un printemps nouveau, et les élans qui vont avec. Et le spectacle de s’achever par un poème d’Asmaa Jama, We, the salvage qui achève de boucler la boucle entre l’universalité des Quatre saisons et l’actualité de leur dérégulation. Et malgré tout, la beauté pour témoin, et l’espoir de la résilience.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

(function(d,s){d.getElementById("licnt2061").src= "https://counter.yadro.ru/hit?t44.6;r"+escape(d.referrer)+ ((typeof(s)=="undefined")?"":";s"+s.width+"*"+s.height+"*"+ (s.colorDepth?s.colorDepth:s.pixelDepth))+";u"+escape(d.URL)+ ";h"+escape(d.title.substring(0,150))+";"+Math.random()}) (document,screen)