“Recréer ce lien qui ne cesse de s’étioler” : comment le député Vignal veut mieux reconnaître le métier de médiateur social
|Patrick Vignal a réalisé de nombreuses auditions avant de peaufiner sa proposition de loi. Midi Libre – Michael Esdourrubailh
Le 29 janvier, les députés examineront la proposition du député héraultais dont le but est de remettre plus d'humain dans les rapports sociaux. Explications.
Le 29 janvier, lorsque les députés se prononceront sur la proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale, ils ignoreront peut-être sa genèse. "Tout est parti de l’histoire de Martine, cette retraitée de Rochefort-du-Gard qui s’était retrouvée à la porte de sa maison en 2020, parce que le locataire qui occupait le rez-de-chaussée avait profité de son absence pour s’installer à l’étage. Cette dame m’avait ému et je suis allé négocier avec le squatteur. En discutant, on a trouvé une solution", raconte Patrick Vignal, le député de l’Hérault. "Comme cela a été médiatisé, j’ai ensuite été contacté pour des affaires similaires. Je me suis dit qu’il fallait légiférer".
Fidèle à son principe qu’une loi doit "partir du terrain, plutôt que d’un cabinet à Paris", comme il l’a fait pour celle facilitant le changement de patronyme, le parlementaire a d’abord réalisé un tour de France pour multiplier les auditions d’élus et professionnels de la médiation sociale. Cela a donné lieu à un rapport intitulé "Remettre de l’humain dans l’urbain", puis à cette proposition de loi qui, fait rare dans cette législature, a été cosignée par de nombreux députés de tous bords, jusqu’aux très fidèles Mélenchonistes Sophia Chikirou et Benoît Delogu. "Mais il n’y a qu’un seul LR", constate Patrick Vignal avec une pointe de regrets.
Les effets positifs de l'intervention d'un tiers
Selon lui, si cette proposition de loi s’impose comme transpartisane, c’est parce qu’elle peut "recréer ce lien qui ne cesse de s’étioler avec les réseaux sociaux, le repli sur soi, la drogue… ", énumère-t-il. Au cours de ses visites de terrain, il a pu constater les effets "positifs" de l’intervention d’un tiers : "À Marignane et Vitrolles, le bailleur social 13 Habitat a considérablement réduit les incivilités en mettant des médiateurs dans les HLM. Dans les collèges et lycées où un même dispositif a été mis en place, les cas de harcèlement sont vite repérés et résolus. Il faut infuser la société pour créer du compromis".
Lorsque le président Macron a réuni 200 maires à l’Élysée, celui de Bordeaux, l’écologiste Pierre Hurmic, a apporté sa pierre à l’édifice. "Jamais nous n’avons connu une telle colère dans les quartiers populaires. Le constat de départ est toujours le même : de la déshumanisation des rapports sociaux naît leur brutalisation. Il est temps de professionnaliser cette filière indispensable des médiateurs sociaux, de cesser sa dépendance aux contrats-aidés qui précarisent les emplois et pénalisent les dynamiques partenariales".
Reconnaissance, rémunération, formation…
C’est justement l’objectif de la proposition de loi : donner un vrai statut à la profession qui compte environ 12 000 médiateurs et mieux les rémunérer "par un engagement financier de l’État d’un euro pour chaque euro dépensé par une collectivité ou tout autre organisme". Le député envisage encore des passerelles avec la fonction publique pour offrir des opportunités de carrière. "Il faut sortir aussi de l’image du grand frère de quartier et cela passe par une vraie formation. Je propose la création de quatre écoles à Dijon, Marseille, Montpellier et Lille", poursuit Patrick Vignal qui espère le recrutement rapide de 1 100 médiateurs dans les établissements scolaires "pour répondre à la problématique de harcèlement".
Son téléphone sonne, il s’interrompt. Au bout du fil, hasard, l’ancien squatteur de Rochefort-du-Gard qui profite de la nouvelle année pour remercier le député. Totalement oisif il y a trois ans, il a désormais un travail, renoué avec sa famille. "Le dialogue permet beaucoup", illustre Patrick Vignal avec le sourire qui voit, avec ce projet de loi, un outil du "réarmement civique" que le président Macron a appelé de ses vœux.
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