“Si l’abattoir d’Alès ferme, c’est la catastrophe” : les éleveurs du Gard mobilisés pour sa sauvegarde

"Si l'abattoir d'Alès ferme, c'est la catastrophe" : les éleveurs du Gard mobilisés pour sa sauvegarde

Les plus belles bêtes mises aux enchères Midi Libre – K. H.

Le quatrième concours bovin et ovin organisé ce dimanche à la chambre d'agriculture, à Nîmes, a surtout permis aux éleveurs de dire leurs craintes si l'abattoir d'Alès – qui devrait être placé en redressement judiciaire – fermait.

Ce dimanche, la campagne s'est invitée à la ville ! Pas en mode revendicatif comme sur l'autoroute A9, en février, mais pour un concours qui met en valeur le savoir-faire des éleveurs, où la plus belle vache s'est envolée aux enchères à 20€ le kilo ! Mais dans cette ambiance festive, l'inquiétude était largement affichée sur les tee-shirts rouges "Sauvons l'abattoir d'Alès". Et la mobilisation générale : les élus, venus nombreux, ont appuyé le combat des agriculteurs (1).

"Si l'abattoir d'Alès ferme, c'est la catastrophe" : les éleveurs du Gard mobilisés pour sa sauvegarde

Patrick Gravil, président de Bovigard : "Aller ailleurs, ce sera un surcoût et la fin de la vente locale". Midi Libre – K. H.

En cessation de paiements – avec une dette de 160000€ -, l'abattoir tourne avec 2900 tonnes de viande par an,  quand il en faudrait au moins 3500 tonnes pour être rentable, et une centaine d'éleveurs. "S'il ferme, finis les circuits courts ou les exigences de la loi Egalim sur le local dans la restauration collective", résume Magali Saumade, la présidente de la chambre d'Agriculture. Alors que "l'élevage représente 20% de l'agriculture gardoise et 30% des terres", insiste David Sève, le président de la FDSEA.

Finis les circuits courts

Président de Bovigard, le syndicat des éleveurs bovins du Gard, Patrick Gravil élève une centaine de vaches limousines à Saint-Privat-des-Vieux. "Toute ma viande est valorisée localement", insiste-t-il. Abattue à Alès et achetée essentiellement par trois bouchers, sinon en vente locale à la ferme. "L'abattoir, on y va plusieurs fois par semaine, à la demande des bouchers, c'est un travail d'épicier… Une bête à la fois !" Sa fermeture remettrait en cause tout ce travail de proximité. Aller à Aubenas, "s'il y a encore de la place, rien n'est moins sûr, ce sera une demi-journée de trajet et un surcoût d'au moins 300€ par semaine. Et ce ne sera pas valorisable avec une seule bête…"

"Si l'abattoir d'Alès ferme, c'est la catastrophe" : les éleveurs du Gard mobilisés pour sa sauvegarde

Concours bovin et ovin à la Chambre d'agriculture. Midi Libre – K. H.

Il devra donc faire des lots de quatre vaches et travailler avec des négociants. Un intermédiaire qui fera aussi grimper le prix de la viande. "Et je ne ferai plus de vente locale", se désole Patrick Gravil.

“Une cagnotte solidaire”

Le tribunal de commerce décidera ce mercredi si l'abattoir d'Alès est placé en redressement judiciaire. "Pour 18 mois maximum", explique Patrick Viala, président du Mas des agriculteurs. "Pour gagner du temps et redonner de la confiance à tous", une cagnotte solidaire est ouverte. Objectif : récolter 200 000€ pour renflouer la dette de l'abattoir. Ce dimanche, déjà, 5% du montant des ventes aux enchères étaient destinés à cette cagnotte. "Avec seulement 80 tonnes et 126 000€ de chiffre d'affaires, l'abattoir du Vigan a été sauvé", lance-t-il. Avant d'appeler toutes les collectivités "à faire un geste solidaire à hauteur de 2 000€ par structure".
"Je m'engage à verser le premier 1% de la dette", lance Grégory Lavatelli, dirigeant de l'Intermarché de Saint-Privat-des-Vieux. "Les 17 salariés du Mas des Agriculteurs ont fait un don de 300€, Michel Equipement 2 000€, le réseau Bienvenue à la ferme et le Mas des agriculteurs feront de même", ajoute Patrick Viala qui glisse "à la sortie de l'audition, le président du tribunal de commerce nous a fait savoir, qu'à titre personnel, il ferait un don".
Pour le grand public, la cagnotte est ouverte au Mas des agriculteurs.

"Si on n'a plus d'abattoir, c'est la catastrophe, prévient Claude Méjean qui a 140 bêtes à Saint-Félix-de-Pallières. La moitié de l'année, on ne se sort pas de salaire, l'autre moitié on arrive à 700€ par mois. Faire 100 km pour amener une vache à l'abattoir, ce ne sera pas rentable. Est-ce que mon neveu pourra même reprendre l'exploitation dans ces conditions ?" Tous le disent, sans abattoir, plus de vente directe ni de circuits courts mais des surcoûts, des intermédiaires et "quid du bien-être animal et du bilan carbone s'il faut faire 200 km", ajoute Benoit Mathieu qui fait des Aubrac à Saint-Privat-des-Vieux.

"Un geste militant"

Pour Frédéric Ehret, qui a 300 brebis allaitantes à Aubord depuis 2018, il y a aussi une question de cohérence : "Mes bêtes sont nées, élevées dans le Gard, elles doivent être abattues et transformées ici. Je n'ai ni l'envie ni les moyens d'aller à Pézenas." A l'heure des enchères, chacun a joué le jeu. Alain Joassan, négociant en viande, achète plusieurs lots : "On est le plus gros actionnaire de l'abattoir d'Alès, on représente 40% de son activité, on se bat pour les agriculteurs gardois avec lesquels on travaille beaucoup". La gérante du Super U d'Anduze achète la vache primée de Claude Méjean, "on travaille ensemble depuis des années, c'est un geste militant", sourit Christelle Legrand. 

À l'heure des discours, Christophe Rivenq, président d'Alès Agglo, rappelle l'engagement de la collectivité, "15M€ investis en 20 ans. Cet abattoir a 60 ans, il faut penser à en construire un autre plus performant".

"Si l'abattoir d'Alès ferme, c'est la catastrophe" : les éleveurs du Gard mobilisés pour sa sauvegarde

Christophe Rivenq, le président d'Alès Agglo, et de nombreux élus, ont défendu la nécessité d'un abattoir. Midi Libre – K. H.

Patrick Viala, président du Mas des agriculteurs, reste confiant : "Après la grande manif des paysans, le chiffre d'affaires du Mas des agriculteurs a grimpé de 25%. Les gens ont compris, consommer devient un acte politique".

(1) Etaient présents le sénateur Burgoa, le député Michel Sala, Philippe Ribot, président de l'association des maires du Gard, le maire de Saint-Félix-de-Palllières, Cathy Cholet, du Département, Eric Giraudier, président de la CCI, David Sève, président de la FDSEA, Romain Angelra, président des JA, Fanny Tamiser, vice-présidente du syndicat ovin.

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