3e édition de Palmarosa à Montpellier : le festival s’est achevé dimanche par le plus démentiel des concerts !

3e édition de Palmarosa à Montpellier : le festival s’est achevé dimanche par le plus démentiel des concerts !

Enorme claque en clôture : le live surpuissant du groupe Soulwax, avec ses trois batteurs et ses synthés analogiques ! J.BE

La troisième et dernière soirée de la 3e édition du festival Palmarosa, à Montpellier, a été marquée par les performances fantastiques du trio garage Howlin’Jaws, de la pop star Tom Odell, du sulfureux duo The Kills, enfin et surtout du groupe electroclash Soulwax. Une ultime performance qui suffirait à faire entrer le festival dans l’histoire et en attendant, dans toutes les mémoires !

Ils sont bien gentils, et parfois même fameux, ceux qui avancent que la musique n’est pas dans les notes mais dans le silence entre celles-ci. Mais aujourd’hui, il nous semble qu’il n’est rien qui ne casse plus les oreilles, les pieds, et les ventricules quelque part entre les deux, que ce fichu silence, surtout quand la musique est bonne. Était. Le silence est revenu sur le domaine de Grammont, à Montpellier : sur les coups de minuit (qui nous auront rarement paru aussi insuffisamment nombreux) dans la nuit de samedi à dimanche, le rideau est tombé sur la 3e édition du festival indie pop-rock Palmarosa. Et ? On en redemande !

Deux absences remarquées

Paradoxalement, cette troisième soirée dont plusieurs rendez-vous sont promis à faire grand bruit aujourd’hui encore, et demain si la mémoire ne nous fait pas défaut, s’est ouverte par un silence. Fichu silence ! En raison de difficultés de transports aériens (officiellement) depuis Londres, Crystal Murray n’a pas été en mesure de rejoindre Montpellier où elle devait ouvrir les réjouissances dominicales. Si l’on reconnaît que la programmation de cette sublime créature de la nuit adepte d’un R & B expérimental et cintré avait quelque chose d’audacieux, son absence a eu, elle, plus que quelque chose de frustrant.

Pour poursuivre (et terminer) sur ce chapitre déceptif, il convient de mentionner cette autre complication (liée celle-là au redéploiement en catastrophe de l’affiche sur deux scènes, au lieu des trois initialement prévues) qui au final a vu Mango Mango, un des trois groupes sélectionnés, malheureusement disparaître du programme dominical. Du côté de Grabels, ça roumègue sévère. Comme le silence, la dissonance fait partie de la musique mais comme le silence, parfois, on aime moyen.

Le bonheur est au fond du garage

On aime par contre beaucoup Howlin’Jaws ! Nouvelle référence garage rock (avec des bouts de freakbeat, de protopunk, de power pop et de hard rock dedans), le trio parisien a donc lancé dimanche les festivités sur la grande scène. Djivan Abkarian (chant, basse), Lucas Humbert (guitare) et Baptiste Leon (batterie) se connaissent depuis l’école primaire et font cause (rock’n roll) commune depuis au moins le collège. Autrement dit, ces garçons s’entendent bien, et ça s’entend bien ! La voix de Djivan possède le moelleux un peu nasal de Paul McCartney, le druming de Baptiste la joie tapageuse de Keith Moon et le jeu de Lucas la versatilité virtuose de Jimmy Page mais le trio est ailleurs, à son affaire, son truc.

Version concert, ses pop songs délicieusement vintage gagnent en muscle et en héroïsme pour nous déboîter la mâchoire (de plaisir) façon proto hard rock anglais des late sixties, Yardbirds, Pretty Things, ce genre. Dès qu’il peut (et il peut souvent), Lucas prend le devant de la scène pour palucher sa somptueuse guitare Les Paul (nous semble-t-il, et pas tranquille) à la robe noire : puissants, épiques, saturés, dopés à la fuzz, ses solos sont des petits bonheurs à l’intérieur de ce bonheur. Bon, par contre, niveau nature, les gars, il va falloir bosser le dossier : notre ami guitariste présente la "guest star" posée sur son ampli comme une "raie manta" avant que son copain chanteur ne le corrige d’un "Euh, une mante religieuse, plutôt". Quelle rigolade mais surtout quel pied, ce concert !

Une parenthèse de sophistication

On continue dans la rétromania (relisez Simon Reynolds, c’est cool) avec un autre trio parisien sur la petite scène, le bien nommé Please. Guitare plexiglas, claviers vintage, batterie (et laptop non loin pour quelques nappes et programmations), le trio affiche une certaine simplicité instrumentale que dément la sophistication de ses chansons ; ou devrait-on écrire au risque de réveiller nos amis trolls orthomaniaques, "softification". Aristide, Louis et Dylan proposent en effet un pur soft rock de la fin des années 70 à la sauce californienne, tel que le pratiquaient Oates and Hall, Chicago, Christopher Cross et autres Steely Dan.

S’il manque peut-être encore un petit quelque chose au groupe pour échapper totalement au piège du pastiche, il faut lui reconnaître son sens de la mélodie accrocheuse, l’élégance solaire de ses interprétations et une fraîcheur scénique assez irrésistible. Bref, il faut lui reconnaître – et ce n’est à aucun moment un effort – du talent. On attend la suite avec beaucoup d’intérêt (son premier album long format est pour fin septembre) !

L'homme qui valait plus de 3 milliards d'écoutes

En parlant d’attendre, c’est le moment de saluer l’abnégation des fans de Tom Odell : les plus fervents d’entre eux sont arrivés dimanche à l’ouverture des portes (pour mémoire, c’est l’été et à Montpellier, à 16 h, ça cogne !) pour être sûrs d’être au premier rang ; ce qui a signifié pour eux de se réfugier dans la minuscule ombre au pied de la scène pendant la fin de la balance d’Howlin’Jaws, d’écouter de (très, très) loin des Mixeuses Solidaires qui ont remplacé au pied levé Crystal Murray (pardonne mais n’oublie pas), puis de découvrir peut-être avec plaisir le susmentionné trio garage, d’ensuite tendre l’oreille sur le (très, très) lointain set de Please et d’enfin regarder la mise en place du plateau de Tom Odell avant que de l’écouter… et se régaler !

Pour quiconque n’a qu’une connaissance superficielle du répertoire dudit chanteur britannique (le quiconque demande pardon), sa découverte sur scène est une très belle surprise ! L’auteur du tube superlative Another love – qui ne sera pas oublié – (plus de 2,5 milliards d’écoutes sur Soptify et près d’un milliard sur YouTube, excusez du peu) est excellemment entouré, et aux indispensables guitare, claviers, basse et batterie, il adjoint outre son piano à queue, un violon et une trompette qui ne sont pas loin de faire toute la différence.

3e édition de Palmarosa à Montpellier : le festival s’est achevé dimanche par le plus démentiel des concerts !

Tom Odell en plein exercice rock’n roll debout sur son piano à queue, qui conquiert ainsi au-delà du cercle de ses fans. J.BE

Bien sûr, il y a la voix : lyrique, cristalline, puissante tout en exhalant la fragilité presque plaintive, comme étranglée en fait par une tenace quoique légère mélancolie, elle évoquerait beaucoup celle de Hawksley Workman… si le génial Canadien évoquait encore quelque chose à quelqu’un. Il n’empêche, Tom Odell a une voix follement renversante et une présence vraiment attachante. Loving You Will Be the Death of Me, Can’t Pretend, Magnetised, Spinning, Tears that never dry, Heal, Grow Old With Me… Ses compositions insistent sur l’émotion, mais à l’instar d’un Elton John auquel il fait penser positivement, on aurait tort de n’y percevoir que facile séduction melliflue : les subtilités y sont nombreuses, les montées vertigineuses et les beautés, généreuses. Et régulièrement donc le violon et la trompette y ajoutent leur singularité. Parfois la dissonance, on adore.

Comme on l’a déjà dit, on goûte moins le silence, et les importants changements de plateau ce dimanche sur la grande scène (en l’absence de la troisième scène déjà mentionnée : le risque financier ayant été tel qu’il a fallu faire des sacrifices pour que le festival puisse avoir lieu quoi qu’il en coûte, si l’on ose dire) en occasionnent au moins deux conséquents, du moins pour celles et ceux qui n’ont pas succombé aux charmes (puissants, épatants) des Mixeuses Solidaires ! Bref, il fait nuit quand The Kills monte sur scène. Et comme il y a vingt ans (gasp, déjà), on s’interroge sur le projet de la chanteuse américaine Alison Mosshart et du guitariste anglais Jamie Hince.

Une fracassante leçon de tension

Beaux, sombres et vénéneux comme le couple maudit d’un poème urbain chanté par Lou Reed, la blonde filiforme et le brun ombrageux ne fouillent rien d’autre que la tension sexuelle au travers de leur rock étique et systématique. Si ça bande grave chez les Kills, ce n’est pas ce que vous pensez, mais le concept : l’ancien couple cale son dialogue esthétique sur des bandes chargées en grooves lourds et obstinés, en boucles de riffs saturés de foudre et en nappes synthétiques comme jonchées des restes des libations de la veille. Pas de place à l’impro ni encore moins au solo qui viendrait signifier un passage à l’acte, un abandon, une jouissance. Si bien que si la musique ne décolère pas (ce son de guitare, bazar !), elle ne décolle jamais véritablement mais c’est ce qui fait le charme insane, toxique, des Kills : travailler la frustration, explorer la tension, fouiller la limite extrême qui sépare le désir du sexe. Ça fait mal mais c’est bon.

Quant à la jouissance, oui, le plaisir pur, fou, total enfin assouvi, c’est au dernier groupe de la soirée et du festival (on ne s’en remet pas) qu’on le devra : Soulwax. Pensé depuis trente ans par les frères flamands (mais pas siamois) David et Stephen Dewaele, que l’on invite à également vénérer sous l’alias de 2ManyDJs, Soulwax est à l’Europe continentale ce que LCD Soundsystem à l’Amérique du nord : le meilleur des mondes fédérant, agglomérant, allez, copulant rock et electro ; pas rien quoi ! Et son live est quelque chose, en vérité, on n’a jamais vu ça.

Le meilleur des mondes rock et électro réunis

La scène est occupée par un imposant échafaudage de métal à l’étage duquel sont installés côte à côte trois batteries marchant/pulsant à la baguette de Victoria Smith, Blake Davies et Iggor Cavalera (cofondateur de Sepultura, la référence du trash métal brésilien, pour situer). Au rez-de-chaussée, les machines et synthétiseurs analogiques sont coffrés dans de superbes armoires métalliques qui leur confèrent l’allure d’ordinateurs des séries-B de science-fiction des années 50. Mais ce que Laima Leyton (aussi chanteuse), Steffan Van Leuven (aussi bassiste) et les frères Dewaele (aussi percussionniste et guitariste, pour l’un et l’autre d’eux) produisent avec ces bécanes n’a rien de cheap !

Hot Like Sahara, Idiots in Love, Missing Wires, Is It Always Binary, KracK, Polaris, The Singer Has Become a Deejay, Here Come the Men in Suits, Work It, New Earth Time, Another Excuse, EMS Play… jusqu’à l’ultime et démentiel NY Excuse, le set est une succession de fantastiques déflagrations à la fois robotiques et extatiques (quand les robots ne rêvent pas de moutons électriques, que pensez-vous qu’ils font nuitamment, enfin ?) qui empruntent au krautrock, à la techno, à la synthpop, au post-punk, au prog-rock, au métal…

Hormis les batteurs dont on se régale d’observer les interactions attentives et la complicité souriante, les exécutants de cette "messe pour le temps futur cyberpunk" s’avèrent hiératiques, mais le lightshow claquant ici du blanc, là du rouge, ailleurs du bleu, assure l’affolement des pupilles. Pour le reste de nos corps, et pour ce qu’il en reste, une fois encore, la setlist pourvoit le panard interstellaire ! Quand – on se répète – s’interrompt soudain le very high trip sur les coups de minuit, dans l’espace qui se vide, personne ne nous entend crier : encore ! Fichu silence.

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