“J’y ai placé mon grand-père les yeux fermés, mais aujourd’hui…” : le coup de sang des familles contre un Ehpad haut de gamme de Montpellier

"J’y ai placé mon grand-père les yeux fermés, mais aujourd’hui…" : le coup de sang des familles contre un Ehpad haut de gamme de Montpellier

Le ticket d’entrée pour une chambre de 20 m2 avec balcon et les soins est de 5 600 €. DR

Si Maisons de famille fait partie de ces Ehpad aux prestations haut de gamme et à bonne réputation, l’établissement de Montpellier est sous le feu des critiques depuis plusieurs mois. Témoignages.

"Notre mot d’ordre, la qualité d’abord !", revendique le groupe Maisons de famille, spécialisé dans l’accueil des personnes âgées fragiles dans un environnement haut de gamme. Où la chambre de 20 m2, pour un résident, et avec les soins, est de 5 600 €. Et d’ajouter que le choix du nom du groupe s’est imposé comme une évidence, car "c’est ce qui manquait au secteur, l’ambiance d’une maison et l’esprit d’une famille". Discours, images et vidéos sur son site complètent la démonstration.

C’est tout cela qui a convaincu la famille L. à placer leur mère dans cet établissement, situé dans le quartier Saint-Martin. "À chaque visite d’une maison de retraite, je ressortais en pleurs. Quand j’ai vu le site de Maisons de famille, puis quand nous sommes venus visiter leur maison à Montpellier, je me suis sentie tout de suite en confiance. Les locaux étaient beaux et tous climatisés, le jardin agréable, les chambres lumineuses, les salons et restaurants de belle facture. Bien que l’établissement soit cher, on s’est dit qu’au moins il y aurait tous les services en face", raconte-t-elle.

Le guide éthique de Maisons de famille

"Notre groupe aspire à devenir l’acteur de confiance le plus reconnu pour la qualité de ses soins et services, permettant à chaque personne de vivre une vie plus agréable, épanouissante et inclusive", peut-on lire en introduction du guide éthique du groupe créé en 2003, et signé par le directeur général du groupe, le président du conseil d’administration, le directeur général de Maisons de famille, et les directeurs des maisons d’Espagne, d’Allemagne et d’Italie.

Les quatre valeurs principales inscrites dans le guide et qui guident leur organisation sont : "humanité, éthique, positivité et exigence", soit le socle "pour prendre soin des résidents et répondre au mieux à leurs attentes".

Le groupe familial gère 16 établissements en France, et 150 établissements répartis entre l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Si le capital social du groupe Maisons de Famille est détenu par les fondateurs, il est toutefois aujourd’hui majoritairement détenu par le fonds d’investissement Creadev appartenant à l’Association Familiale Mulliez (propriétaire Auchan, Décathlon).

De l’enchantement au désenchantement

La famille L. n’a pas été la seule à y croire, d’autant que l’établissement de Montpellier avait une très bonne réputation. "Cette maison était considérée comme la meilleure à Montpellier au point de vue cadre de vie, alimentation et encadrement. C’était une maison joyeuse, avec beaucoup d’animations pour les résidants, quel que soit leur degré de dépendance. Il y avait du savoir-vivre et du savoir-être. J’y ai placé mon grand-père les yeux fermés. Aujourd’hui, tout part à vau l’eau", témoigne Géraldine (nom d’emprunt).

Même si le moindre accroc est vécu de façon aiguë, le désenchantement des familles repose sur des dysfonctionnements que toutes constatent à l’unisson. Au nombre de celles-ci : des appels de nuit auxquels personne ne répond ou très tardivement ; des toilettes sommaires ; un turn-over conséquent du personnel, avec le recours à des intermédiaires non formés et abandonnés à leur sort ; une baisse de qualité dans l’alimentation, un rationnement des protections contre les incontinences, pansements, gants jetables… ; ou encore un nettoyage des chambres insuffisant.

"Nous avons dû insister auprès de la direction à plusieurs reprises pour que la toilette de mon père soit faite. Nous nous sommes aussi plaints que lorsque le repas lui était servi dans sa chambre, le plateau était juste posé devant lui alors qu’il a besoin d’assistance pour couper sa nourriture. Sans compter que le personnel soignant change tout le temps, ce qui le désoriente encore plus. Et, sur toutes les demandes que l’on formule, on n’obtient jamais une réponse claire et précise", s’énerve Justin (nom d’emprunt).

Des soignants au bout du rouleau

C’est un même constat que tire une partie du personnel soignant. "Avant, nous avions le temps de nous occuper des résidents, de faire leur toilette, de les apprêter, de discuter avec eux, de les emmener au jardin et même de faire pour eux quelques animations. Maintenant, on est tellement débordé qu’on passe en coup de vent alors qu’on est censé partager des temps de vie avec eux. Cela me fait mal au cœur car, qu’on le veuille ou non, on s’attache", confie Julie (nom d’emprunt).

Et d’autres soignantes d’évoquer le départ d’une partie d’entre elles, ceux du médecin résidant et des cuisiniers qui jonglent avec des budgets toujours plus restreints, ainsi que le rationnement du matériel de soins. "Comment laisser des résidents avec la même protection toute une journée alors qu’à leur grand âge ils sont sujets aux incontinences ? Ce n’est pas digne. C’est presque maltraitant, même s’il n’y a aucune violence physique exercée à leur encontre. Ce n’est pas non plus normal qu’on les laisse parfois dans leur lit une matinée entière faute de personnel et qu’ils n’aient pas des activités adaptées à leur dépendance. Ce n’est pas pour rien que l’établissement ne fait plus le plein", relève une autre soignante.

“Notre mantra, c’est la qualité”

"Le mot restriction employé par les familles et les soignants me choque. Ce sont des fantasmes absolus, que ce soit sur les protections d’incontinence ou la nourriture. Nous avons un niveau d’exigence propre à l’entreprise qui rend impossible de faire la moindre économie sur tout cela", s’insurge le directeur général du groupe Maisons de famille, Pascal Brunelet.

Avant de rappeler qu’à la différence des autres groupes de ce secteur, "c’est un groupe familial et non celui d’un fonds d’investissement qui verse des dividendes à ses actionnaires. Nous sommes, de fait, dans une stratégie de temps long".

De plus, en matière d’encadrement, Maisons de famille est le "groupe Ehpad qui a le plus haut ratio, soit 0,85 ETP (équivalent temps plein) par résident, comme l’a relevé le rapport de la Cour des comptes de 2022". Sans nier le turn-over du personnel, "nous sommes toutefois toujours dans ce même ratio tout au long de l’année, mais il est vrai que nous avons du mal à stabiliser notre équipe de soignants. Mais il en est de même pour tous les autres groupes de ce secteur. Et c’est d’ailleurs une problématique commune à tous les métiers de services".

Quant à l’insatisfaction des clients, il souligne que "quel que soit l’Ehapd dans lequel on place ses parents, c’est toujours compliqué et culpabilisant. De fait, les clients sont à cheval sur tout. Une fois cela dit, on est dans l’humain, il peut donc y avoir des défauts. Mais notre mantra, c’est la qualité. D’ailleurs, on ne considère pas que nous avons des résidents mais des clients à qui l’on doit offrir une exigence de qualité supérieure, et c’est ce que nous tâchons de faire".

Du fait de ce contexte, les familles ont posé un ultimatum à la direction. Si elles ne sont pas entendues, plusieurs envisagent de chercher un autre établissement pour leurs proches. Et certaines ont déjà décidé de saisir l’Agence régionale de santé. À suivre.

Je m’abonne pour lire la suite

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

(function(d,s){d.getElementById("licnt2061").src= "https://counter.yadro.ru/hit?t44.6;r"+escape(d.referrer)+ ((typeof(s)=="undefined")?"":";s"+s.width+"*"+s.height+"*"+ (s.colorDepth?s.colorDepth:s.pixelDepth))+";u"+escape(d.URL)+ ";h"+escape(d.title.substring(0,150))+";"+Math.random()}) (document,screen)