LA VIE DE CHÂTEAU. Montferrand, le lointain souvenir du Moyen Âge
|Une quarantaine de maisons entouraient le château comtal d’origine.
L’édifice sur son pic rocheux, sur la commune de Saint-Mathieu-de-Tréviers, a été tellement transformé, qu’il est difficile d’en retrouver les traces médiévales. La vie de château, deuxième volet de notre série.
Des brèches, des pierres qui vacillent, de l’instabilité à tous les niveaux. Quand on a presque 1 000 ans, ça peut se comprendre. Du haut de son éperon, le château de Montferrand ne se laisse admirer que de loin. Propriété de la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup depuis 2010, et classé depuis 2022, l’édifice n’est pas accessible. Il fait l’objet d’un important programme de stabilisation d’urgence qui, outre la sécurisation permettra d’installer une base de vie pour des archéologues afin d’étudier ses neuf siècles d’histoire.
Un premier document en 1085
Il reste encore beaucoup à apprendre sur le château de Montferrand. À la fin du XIe siècle, le comte Pierre de Melgueil, puis sa veuve Almondis, administre ce grand comté de Substantion (une localité aujourd’hui disparue, du côté de Castelnau-le-Lez). Face à la puissance des Seigneurs de Montpellier, le compte de Melgueil fait une donation au pape, afin de se placer sous sa protection. "L’acte de donation à l’Église romaine date de 1085, explique Thomas Robardet-Caffin, architecte du patrimoine, chargé de mission pour la communauté de communes. On peut penser que l’érection de ce château, ainsi que de celui de Melgueil, l’actuel Mauguio, suit de peu. La grande période des châteaux forts, c’est le XIIe siècle. À cette époque, l’habitat est très dispersé, il n’y a pas encore de bourgs, juste quelques maisons autour des églises paroissiales. Les gros villages que nous connaissons aujourd’hui apparaîtront au XVe, avec un point de centralité autour d’églises fortifiées pour se protéger."
Thomas Robardet-Caffin, architecte du patrimoine.
Montferrand est un château conséquent pour son époque : 100 mètres de long, 70 de large, il occupait une surface de 17 000 m 2, l’équivalent du centre ancien des Matelles.
Raymond VI lance un grand chantier
"Ne reste de ce premier château qu’un morceau de l’enceinte et les restes de trois maisons de chevaliers. Habitaient ici en effet des juges, des sergents, des dignitaires, qui avaient vocation à exercer le pouvoir comtal. Il y avait probablement une quarantaine de maisons." Un siècle plus tard ou presque, en 1174, le comté échoit suite à un mariage au futur comte de Toulouse Raymond VI. Il entreprend de grands travaux, dont il reste la trace de salles voûtées, d’une grande enceinte. "On voit que la logistique de chantier est tout autre : plutôt que le calcaire du coin, on utilise des grès, les moyens sont importants", souligne le spécialiste.
Un château du XIIe assez conséquent pour son époque.
Une once d’or jamais payée
Le château de Montferrand ne sera pas le lieu d’affrontement contre les Cathares, mais dans sa croisade contre les hérétiques, l’Église confisque sept châteaux dont celui de Montferrand. En 1215, c’est même tout le comté qui est confisqué. "Les textes nous enseignent que le comte de Toulouse n’aurait pas payé l’once d’or annuelle exigée pour la protection du pape… Sans doute un prétexte mais voilà que l’évêque de Maguelone récupère la charge de Montferrand."
Pas si simple la prise de pouvoir cependant car les seigneurs locaux ont du mal à reconnaître l’autorité de l’évêque. Bernard de Mèze en fait les frais : "une hypothèse est que le château était en cours de chantier et que l’évêque doit rembourser ce que des seigneurs du coin avaient prêté, il se retrouve avec des engagements qui ne sont pas les siens. On le voit dans la pierre : c’est très soigné, puis à un moment, c’est un peu bricolé."
Le château deviendra une prison, sera abandonné, renaîtra pour un nouveau grand chantier de fortifications modernes au XVIIe, de nouveau abandonné. Le château féodal subit tellement de transformations que du passage d’Almondis de Melgueil, qui vécut très âgée et des gens de son siècle, ne reste sans doute que peu de pierres…
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“Ce château nous passionne”
Elisabeth Capillon est la nouvelle présidente de l’association Pic Patrimoine. Une centaine d’adhérents se retrouvent, depuis 2017, année de la création de l’association par Alain Poulet, pour soit monter au château débroussailler et entretenir le chemin et les abords, soit tailler des pierres. "Certains sont aussi adhérents pour se tenir au courant de tout ce qui concerne le château, les passionnés du patrimoine ont des motivations différentes, mais je dirais qu’il y a une très bonne ambiance et un esprit d’émulation !" déclare la présidente. Les ateliers de taille de pierre se font sous l’égide du Meilleur Ouvrier de France Frédéric Matan. Avec les mêmes outils qu’au Moyen Age, les tailleurs refont un arc de portes et des archères qui auront vocation à êre repositionnés dans le château.
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