Sur l’étang de Thau, l’anguille se pêche même si elle se fait plus rare

Sur l'étang de Thau, l'anguille se pêche même si elle se fait plus rare

Sur l'étang de Thau, la campagne de pêche à l'anguille argentée est ouverte jusqu'à fin mars.

Au fond sur les collines de la Moure, dans la pénombre, les feux de position des éoliennes clignotent comme une guirlande de Noël. Dans le petit port de la Pointe-courte à Sète, les canards, dans leur enclos, cancanent au moindre passage. Il est 7h30. Robert Rumeau allume le moteur de son sapinou. L'air est vif. Les températures basses. La tramontane du week-end a fait chuter le mercure et fait sortir les anguilles de leurs trous.

Une pêche de mauvais temps

"Elles s'enterrent au fond de l'étang et ne sortent, les nuits sans lune, que lorsqu'elles se font remuer par les remous provoqués par le vent. C'est une pêche de mauvais temps", explique ce petit métier. Ce lundi 12 février, le vent est tombé. Mais dans la nuit, les anguilles argentées – celles que la vingtaine de pêcheurs de l'étang peut capturer en cette période de l'année – ont dû se promener dans les profondeurs. Et qui sait… Se retrouver coincées dans les trois poches finales des manières (c'est le nom des filets) installées sur les différents postes attribués à Robert Rumeau.

Une pratique ancestrale

Le bateau file sur l'étang sans ride. Direction Balaruc-les-Bains, à quelques encablures de Port Suttel. Le pêcheur s'arrête devant la bouée marquant la poche centrale, celle située dans l'axe du filet, perpendiculaire à la côte. "Il a une maille de 18 mm, puis à l'entrée de la poche, on passe à 12 et 8 à la fin. Comme ça, on ne pêche que les grosses anguilles", explique Robert tout en remontant à la main, répétant les gestes ancestraux de cette pêche traditionnelle, les arceaux du dernier tronçon de filet. Quine.

Les grosses anguilles prises au piège

Une bonne dizaine de kilos de ce poisson serpentiforme au corps cylindrique gigote au fond. En deux temps, trois mouvements, ils sont transférés dans une comporte. Émettent des petits grognements, comme celui des seiches. D'ailleurs l'une d'elles fait partie de la prise. Comme un calamar d'un fort beau gabarit. Les deux céphalopodes sont mis de côté. Le bout du filet de nouveau noué et rejeté à l'eau. Dans le creux de l'ancien bassin de Lafarge, les anguilles sont aussi présentes dans la poche centrale et une latérale. Ainsi que quelques jols. Ils vont aller remplir l'estomac "de ma copine". En effet, à chaque fois que le Pointu va dans cette zone une aigrette se poste à la proue de son bateau pour venir manger sans effort…

Une pêche extrêmement réglementée

Considérée en danger critique de disparition, l'anguille fait l'objet d'une réglementation très sévère. Ainsi après discussion avec l'Europe, chaque pêcheur par secteur et par prud’homie doit relâcher 238 kg de ce poisson. Dans les faits, l'anguille est pêchée, achetée par l'Europe qui ensuite la relâche. "On aide les scientifiques puisque certaines sont équipées de balises pour les suivre à la trace", dit Robert Rumeau. Une fois passé ce quota le pêcheur continue son activité normale en fonction des mois autorisés.
Il faut savoir que l'anguille part se reproduire dans la mer des Sargasses (à l'Est des Etats-Unis) et les civelles sont ramenées près de nos côtes par le Gulf Stream. "Mais les anguilles ont un problème de reproduction", glisse le pêcheur. En outre "le courant à l'entrée de Gibraltar est plus puissant qu'avant et les étangs sont de moins en moins saumâtres, c'est pour cette raison que les anguilles sont moins nombreuses".

Le poisson doit rester vivant

Robert Rumeau change une nouvelle fois de poste, entre la Pointe et le canal du Rhône à Sète. Les poches sont moins remplies. Mais la couve – nom du sac qui reçoit toutes les anguilles – fait bien ses 50 kg. "C'est une pêche particulière puisqu'on pêche le poisson vivant, on le conserve vivant et on le vend vivant", explique-t-il. Les couves, qui ne doivent subir aucune faiblesse sinon les anguilles s'échappent, "ce qui fait qu'on y tient comme à la prunelle de nos yeux", sont conservées dans l'eau. Elles en seront sorties pour le passage du camion du mareyeur. Les anguilles seront ensuite vendues. Beaucoup prendront la direction de l'Asie. Rares sont les tables qui en proposent dans nos contrées. 

Je m’abonne pour lire la suite

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

(function(d,s){d.getElementById("licnt2061").src= "https://counter.yadro.ru/hit?t44.6;r"+escape(d.referrer)+ ((typeof(s)=="undefined")?"":";s"+s.width+"*"+s.height+"*"+ (s.colorDepth?s.colorDepth:s.pixelDepth))+";u"+escape(d.URL)+ ";h"+escape(d.title.substring(0,150))+";"+Math.random()}) (document,screen)