REPORTAGE. Visite surprise à la prison de Villeneuve-lès-Maguelone : “Ni angélisme ni naïveté”, voilà ce qui se passe derrière les barreaux

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Le matelas bleu, posé sur un des lits pendant la journée, est installé au sol, la nuit, pour un des quatre détenus. – F. A.

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Le sénateur Hussein Bourgi, la vice-bâtonnière Iris Christol et le bâtonnier Maxime Rosier ont effectué une visite surprise au centre pénitentiaire. – F. A.

Le sénateur Hussein Bourgi, le bâtonnier Maxime Rosier et la vice-bâtonnière Iris Christol ont été reçus vendredi 31 mai, lors d'une visite surprise dans le centre pénitentiaire situé aux portes de Montpellier. L'occasion de prendre le pouls des conditions d'incarcération et du travail du personnel pénitentiaire. 

Visite surprise à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, vendredi 31 mai. Le sénateur (PS) Hussein Bourgi, le bâtonnier Maxime Rosier et la vice-bâtonnière Iris Christol, se sont présentés sans rendez-vous, comme le leur permet le Code de procédure pénale, pour constater les conditions de détention et le contexte de travail des agents pénitentiaires. Initiative "en lien avec l’actualité récente", précise Hussein Bourgi, après le drame d’Incarville, où deux agents pénitentiaires ont trouvé la mort lors de l’attaque d’un fourgon. À l’issue de sa visite, le parlementaire a ainsi rencontré les représentants syndicaux de la maison d’arrêt.

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En compagnie de la directrice, Pauline Rossignol, les bâtonniers et le sénateur ont visité plusieurs secteurs de la prison.

Recueillir "des exemples concrets"

Pour Hussein Bourgi, l’occasion, aussi, de faire un point en vue du projet de loi de finance, qui concerne notamment les budgets alloués aux tribunaux et lieux de détention. La vice-bâtonnière rappelle pour sa part que "le contrôle des lieux de privation de liberté fait partie des fonctions des bâtonniers. Nous produirons un rapport à la suite de cette visite." Pendant près de quatre heures, ils vont s’intéresser à l’accès aux soins, au quartier des mineurs, aux conséquences de la surpopulation sur la vie quotidienne, dans cet établissement où 71 détenus dorment par terre sur des matelas.

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La prison de Villeneuve-lès-Maguelone compte 186 surveillants pénitentiaires.

Travail et formation au sein de la prison

Au fil des couloirs, en compagnie de la directrice, Pauline Rossignol, et de la directrice adjointe, Marine Sintas, on ressent l’activité qui règne au sein de la prison. Des détenus sont employés à l’entretien des locaux ou la distribution des repas, d’autres travaillent à la cuisine ou en atelier (20 h par semaine en moyenne, payées en général un tiers du Smic), d’autres encore se rendent à une formation, un rendez-vous médical, un parloir. L’occasion pour le sénateur et les bâtonniers d’échanger avec les prisonniers qu’ils croisent, comme ce jeune de 17 ans, bientôt majeur, en détention provisoire. "Il est très volontaire et participe à toutes les activités", indique un surveillant. Il se forme actuellement en cuisine, mais explique vouloir devenir électricien. L’accès à la formation est rendu difficile par la surpopulation. La directrice souligne cependant les progrès des enseignements grâce au numérique, avec des cours disponibles sur tablettes.

Stupéfiants, téléphones portables : des livraisons par drone auprès des détenus

Comme dans beaucoup de prisons, la maison d’arrêt constate tous les jours que des drones tentent des livraisons de téléphones portables, stupéfiants ou divers objets auprès des détenus. "Cela se passe quasi-exclusivement la nuit. Nous les retrouvons parfois échoués. La mise en place de brouilleurs ne dépend pas de la direction locale, mais un travail très conséquent est fait contre cette pratique", assure la directrice.

Difficultés de cohabitation

"Mais il n’y a ni angélisme ni naïveté dans ce qu’on vous présente", précise Pauline Rossignol. "Il y a une frange de la population carcérale qu’on ne peut pas faire travailler, parce qu’ils sont trop violents ou n’ont pas envie." Il faut aussi composer avec l’agressivité. Pendant la visite dans le quartier des mineurs, un jeune détenu hausse le ton derrière sa porte et se met à tambouriner violemment. Il n’apprécie pas d’entendre parler devant sa cellule. Plus loin, la vice-bâtonnière prend le temps d’échanger avec un mineur dans sa cellule et l’interroge sur la violence éventuelle d’autres détenus, le déroulement des promenades, la qualité des repas.

Agents pénitentiaires : des attentes pour plus de sécurité, après le drame d’Incarville

Du côté du syndicat Ufap-Unsa des agents pénitentiaires, le drame des deux fonctionnaires tués dans l’attaque du fourgon qui transportait Mohamed Amra, le 14 mai dernier, le traumatisme reste vif. "On avait déjà soulevé la gestion de ces profils, lors de l’attaque d’un véhicule à l’arme de guerre, à Tarascon, en 2019. Rien n’a été fait. Idem depuis le 14 mai, on est revenu dans de la gestion, comme si de rien n’était", a déclaré Thomas Jacquot, le secrétaire national, lors de son entretien avec le sénateur Hussein Bourgi, à l’issue de la visite de la prison.

Le délégué syndical appelle à renforcer les escortes des détenus identifiés comme dangereux, "avec une voiture ouvreuse, le maintien de la barrière ouverte au péage, et l’appui des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris)." Et de marteler : "Il y a encore une majorité des transports à deux agents, ce n’est plus possible."

L’Ufap-Unsa ajoute : "Il manque 23 surveillants à Villeneuve-lès-Maguelone pour couvrir tous les postes de la détention. Il manque aussi deux personnels à l’extraction judiciaire."

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Si la douche en cellule est une amélioration en termes de confort, des détenus tendent un drap sur la paroi pour préserver leur intimité, de même que devant les toilettes.

La directrice explique les difficultés de cohabitation qui existent entre certains détenus. On préfère alors installer un matelas au sol plutôt que de risquer une agression. "Nous examinons les profils à vulnérabilité ou dangerosité particulière", assure la directrice. La radicalisation en prison ? "Qu’est-ce qui relève de la provocation, du trouble psychiatrique ? Il faut faire la part des choses. Les aumôniers sont d’excellents partenaires." Direction, ensuite, le secteur réservé aux personnes présentant des problématiques psychiatriques. "Ce sont parfois des détenus menacés qui trouvent refuge ici, ou qui sont impliquées dans des bagarres", explique l’agent pénitentiaire chargé de cette unité. Des groupes de promenade leur sont dédiés. Ici, connaître chaque cas est essentiel. "C’est un travail très fin, individualisé", souligne la directrice.

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La cellule de protection d’urgence, destinée aux détenus présentant un risque suicidaire aigu.

Dans un secteur de la prison, un régime "portes ouvertes"

Passage également dans la cellule de protection d’urgence. Murs sans aspérités, pyjama déchirable, pour les détenus présentant un risque suicidaire aigu. La maison d’arrêt a déploré un passage à l’acte en 2023, et un autre depuis le début de l’année. Mais des satisfactions se font jour aussi, tel que le "régime portes ouvertes", mis en place dans un secteur de l’établissement, depuis un an et demi. Les détenus peuvent y circuler, échanger entre eux, se retrouver dans une salle de loisirs. "Aucun incident n’est à déplorer depuis que l’unité a ouvert", souligne la directrice.

Punaises de lit : “Je suis en train de péter les plombs”

La question des conditions sanitaires de détention s’est invitée au cours de la visite. Lors d’un échange avec des détenus, devant la porte de leur cellule, l’un d’entre eux signale "un gros problème avec les punaises de lit. Même avec les fumigènes, elles ne meurent pas. Ça fait trois jours que je ne dors pas. Je suis en train de péter les plombs", explique cet homme de 50 ans, qui raconte avoir versé de l’eau bouillante sur le lit pour tenter de les éradiquer. La directrice de la maison d’arrêt entend. "Le problème est le même que dans les hôtels ou dans les trains. L’opérateur qui intervient effectue ce qu’il a le droit de faire. Les protocoles sont fixés au niveau national, on fait ce qu’on peut."

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